Procédure devant la Cour :
Par un recours enregistré le 7 février 2019, le ministre des solidarités et de la santé demande à la Cour d'annuler ce jugement du 29 juin 2018 et de rejeter la demande de la SCI Lumenh7 présentée devant le Tribunal administratif de Melun.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'erreur de droit en ce qu'il a retenu que les articles L.3331-26 et L.1331-28 du code de la santé publique ne permettaient pas au préfet de prescrire la réalisation de travaux dans des locaux libres de location et dont l'état ne constitue pas un danger pour la santé des voisins, sans prendre en compte le dernier alinéa de l'article L.1331-28.II issu de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 qui prévoit qu'en pareil cas, lorsque le logement devient inoccupé et libre de location, les mesures pour remédier à son insalubrité doivent en tout état de cause être exécutées avant toute nouvelle occupation.
Par une ordonnance n°19PA00647 du 17 mai 2019 la cour administrative d'appel de Paris a rejeté ce recours pour tardiveté.
Par un arrêt n°432290 du 5 novembre 2020 le Conseil d'Etat, statuant sur pourvoi du ministre des solidarités et de la santé a annulé cette ordonnance du 17 mai 2019 de la cour administrative d'appel et renvoyé l'affaire devant la Cour pour qu'il y soit statué.
La clôture de l'instruction est intervenue le 27 avril 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- Le décret n°2014-1342 du 6 novembre 2014 modifiant les règles générales de construction applicables aux bâtiments d'habitation ;
- le code de la santé publique ;
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SCI Lumenh7 est propriétaire d'un logement en rez de chaussée et premier étage d'un bâtiment en fond de cour situé 16 rue Henri Gautherot à Gentilly, qu'elle avait donné à bail à des occupants à qui elle avait signifié en mars 2015 que le bail ne serait pas reconduit au
1er octobre suivant, mais qui se sont néanmoins maintenus dans les lieux jusqu'en juillet 2017. Entretemps le préfet du Val-de-Marne avait adressé le 31 mars 2016 à la SCI une première mise en demeure de prendre toutes mesures pour remédier à l'insalubrité de ce logement dans un délai de deux mois et avait pris un premier arrêté d'insalubrité le 4 avril 2016. Les travaux urgents nécessaires ayant été effectués, le préfet a ensuite abrogé le 24 mars 2017 cet arrêté du
4 avril 2016. Toutefois, juste avant cette abrogation, il avait, par arrêté du 22 mars 2017, et en se fondant sur un rapport de l'agence régionale de santé du 2 décembre 2016 et sur l'avis du comité départemental de l'environnement des risques sanitaires et technologiques, déclaré à nouveau le logement insalubre à titre remédiable, et avait prescrit des travaux pour remédier à cette situation dans un délai de douze mois. Le logement étant toutefois devenu vacant en juillet 2017 du fait du départ des locataires, la SCI Lumenh7 a été informée par courrier du 27 septembre 2017 qu'elle n'était plus tenue de faire réaliser les travaux prescrits dans le délai fixé, si le logement était sécurisé et ne constituait pas un danger pour la santé et la sécurité du voisinage, mais que ces travaux devaient néanmoins nécessairement être exécutés avant toute nouvelle occupation, remise à disposition ou remise en location du logement. Dès avant l'intervention de ce courrier, la SCI Lumenh7 avait, après rejet implicite de ses recours gracieux et hiérarchiques auprès du préfet et du ministre des solidarités et de la santé, saisi le Tribunal administratif de Melun d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 22 mars 2017. Après que le Tribunal a annulé l'arrêté en cause, le ministre des solidarités et de la santé en a interjeté appel, mais la Cour a rejeté ce recours pour tardiveté par ordonnance n°19PA00647 du 17 mai 2019. Statuant sur pourvoi du ministre, le Conseil d'Etat, par un arrêt du 5 novembre 2020, a annulé l'ordonnance de la Cour administrative d'appel en jugeant que la notification du jugement, effectuée auprès du préfet et non du ministre, n'avait pu faire courir le délai à l'encontre de celui-ci, et a renvoyé le dossier à la Cour pour qu'il y soit statué.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article L.1331-8.II du code de la santé publique dans sa version alors applicable : " Lorsque la commission ou le haut conseil conclut à la possibilité de remédier à l'insalubrité, le représentant de l'Etat dans le département prescrit par arrêté les mesures adéquates ainsi que le délai imparti pour leur réalisation sur avis de la commission ou du haut conseil et prononce, s'il y a lieu, l'interdiction temporaire d'habiter et, le cas échéant, d'utiliser les lieux. Ces mesures peuvent comprendre, le cas échéant, les travaux nécessaires pour supprimer le risque d'intoxication par le plomb prévus par l'article L. 1334-2 ainsi que l'installation des éléments d'équipement nécessaires à un local à usage d'habitation, définis par référence aux caractéristiques du logement décent. Un immeuble ou un logement inoccupé et libre de location ne constituant pas de danger pour la santé et la sécurité des voisins peut être interdit à l'habitation par arrêté du représentant de l'Etat dans le département. L'arrêté précise, le cas échéant, les mesures nécessaires pour empêcher tout accès ou toute occupation des lieux aux fins d'habitation. Il précise également les travaux à réaliser pour que puisse être levée cette interdiction. L'arrêté de mainlevée est pris dans les formes précisées à l'article L. 1331-28-3.L'arrêté prévu au premier alinéa du présent II précise que la non-exécution des mesures et travaux dans le délai qu'il prescrit expose le propriétaire au paiement d'une astreinte par jour de retard dans les conditions prévues à l'article L. 1331-29. Lorsque l'immeuble ou le logement devient inoccupé et libre de location après la date de l'arrêté prévu au premier alinéa du présent II, dès lors qu'il est sécurisé et ne constitue pas un danger pour la santé ou la sécurité des voisins, le propriétaire n'est plus tenu de réaliser les mesures prescrites dans le délai fixé par l'arrêté. L'autorité administrative peut prescrire ou faire exécuter d'office toutes mesures nécessaires pour empêcher l'accès et l'usage du logement, faute pour le propriétaire d'y avoir procédé. Les mesures prescrites pour remédier à l'insalubrité doivent, en tout état de cause, être exécutées avant toute nouvelle occupation, remise à disposition ou remise en location, sous peine des sanctions prévues au III de l'article L. 1337-4, et la mainlevée de l'arrêté est prononcée selon la procédure prévue à l'article L. 1331-28-3 ".
3. Il ressort de ces dispositions que lorsque le logement faisant l'objet d'un arrêté d'insalubrité est devenu libre, le propriétaire, s'il n'est plus tenu de respecter le délai fixé par l'arrêté, doit néanmoins faire réaliser les travaux nécessaires pour remédier à l'insalubrité avant toute nouvelle occupation et par suite, le préfet a pu à bon droit maintenir l'arrêté du
22 mars 2017, complété par courrier du 27 septembre suivant. Par suite le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal a annulé cet arrêté.
4. Il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de se prononcer sur les autres moyens de la demande ;
5. Si la SCI Lumenh7 fait valoir que la plupart des désordres constatés dans le logement et qui ont conduit à le déclarer insalubre sont imputables à la négligence et au défaut d'entretien des lieux de ses anciens locataires, une telle circonstance, qui pourrait tout au plus la conduire à engager une action à l'encontre de ceux-ci, est sans incidence sur le constat de l'insalubrité des lieux et sur son obligation en tant que propriétaire d'y remédier par les travaux prescrits dans l'arrêté préfectoral.
6. Par ailleurs, si elle produit quelques factures établissant notamment qu'elle a fait remplacer la chaudière, fait poser un évier et effectué quelques travaux de plomberie, il n'en résulte pas qu'elle aurait fait procéder à l'ensemble des travaux prescrits par l'arrêté attaqué.
7. Enfin si la SCI Lumenh7 se prévaut du décret n°2014-1342 du 6 novembre 2014 modifiant les règles générales de construction applicables aux bâtiments d'habitation et soutient qu'en application de ces dispositions, elle ne serait plus tenue de réaliser les travaux prescrits en ce qui concerne l'implantation des cabinets d'aisance, il résulte de ce décret qu'il ne s'applique qu'aux constructions à venir, ainsi qu'il ressort également de ce qu'il est inséré dans le code de la construction et de l'habitation dans le même chapitre que l'article R.111.1.1 qui dispose que : " Les dispositions du présent chapitre sont applicables dans toutes les communes à la construction des bâtiments d'habitation nouveaux ainsi qu'aux surélévations de bâtiments d'habitation anciens et aux additions à de tels bâtiments ". Ainsi, comme le soutient le préfet en défense, ces dispositions ne s'appliquent pas aux logements préexistants et ne se substituent pas, en ce qui les concernent, aux règles posées par le règlement sanitaire départemental.
8. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre des solidarités et de la santé est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté attaqué. En conséquence il y a lieu d'annuler ce jugement et de rejeter la demande de la SCI Lumenh7 présentée devant les premiers juges.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1706489 du 29 juin 2018 du Tribunal administratif de Melun est annulé.
Article 2 : La demande de la SCI Lumenh7 présentée devant le Tribunal administratif de Melun est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Lumenh7 et au ministre des solidarités et de la santé.
Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 6 mai 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- Mme A... premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 mai 2021.
Le rapporteur,
M-I. A...Le président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA03312