Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistréele 18 juin 2019, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler les articles 1 à 3 de ce jugement du Tribunal administratif de Paris du
12 mars 2019 ;
2°) de rejeter la demande de M. C... devant le Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- le premier juge a estimé à tort que M. C... justifiait d'une entrée régulière sur le territoire français à la date de l'arrêté attaqué, ainsi que de garanties de représentation ; c'est également à tort qu'il a estimé qu'il n'y avait pas de risques qu'il se soustraie à la mesure d'éloignement ; par suite la décision lui refusant un délai de départ volontaire était fondée au regard des a), f) et h) du 3° de l'article L. 511-1 II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- c'est également à tort que le premier juge a annulé la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an dès lors que le refus de départ volontaire était légal et que M. C... ne justifiait pas de circonstances humanitaires particulières ;
- les autres moyens examinés par l'effet dévolutif de l'appel sont infondés.
La requête a été communiquée à M. C... qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., de nationalité tunisienne, né le 24 février 1996, a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 février 2019 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français, lui a refusé un délai volontaire de départ et a fixé le pays de destination, ainsi que de l'arrêté du même jour portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois. Par un jugement du 12 mars 2019, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé, d'une part, la décision lui refusant un délai de départ volontaire, d'autre part, la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, a mis à la charge de l'Etat une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Le préfet de police relève appel des articles 1 à 3 de ce jugement.
Sur les moyens d'annulation retenus par le tribunal :
En ce qui concerne la décision refusant un délai de départ volontaire :
2. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité h) Si l'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français".
3. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté attaqué, faisant suite à un contrôle d'identité de M. C... à la gare Montparnasse, le préfet de police disposait des informations recueillies dans le procès-verbal d'interpellation et le procès-verbal d'audition datés chacun du 26 février 2019. Or, à cette date, M. C... qui au demeurant n'avait tout d'abord pas déclaré lors de son audition sa véritable identité, n'avait pas été en mesure de justifier d'une entrée régulière sur le territoire français, n'a pas justifié d'une résidence effective ou permanente, affirmant successivement lors de son interpellation être sans domicile fixe puis lors de son audition être hébergé chaque jour par des amis différents. Dès lors, la résidence alléguée chez son oncle invoquée ultérieurement, et retenue par le premier juge, ne pouvait être regardée comme une résidence effective ou permanente, de telle sorte que M. C... ne présentait pas de garanties de représentations suffisantes à la date de l'arrêté attaqué. Enfin, le 26 février 2019, M. C... avait explicitement indiqué aux services son intention de rester en France afin selon ses dires d'y étudier et d'y trouver un travail, en dépit de la mesure d'éloignement qui serait susceptible d'être prise. Par suite, au regard des f) et h) du II de l'article L. 511-1 cité ci-dessus du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de refus de délai de départ volontaire était légalement fondée, contrairement à ce qu'a estimé le premier juge.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois :
4. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) ". Aux termes du III de ce même article : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour ".
5. En estimant qu'eu égard à l'entrée très récente en France de M. C... en
novembre 2018 et à sa situation familiale, M. C... étant célibataire et sans charge de famille en France et non dépourvu d'attaches familiales en Tunisie, M. C... ne justifiait pas de circonstances humanitaires au sens de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile cité au point 4, le préfet de police n'a pas fait une inexacte application de cet article. C'est donc à tort que le premier juge a considéré que le préfet de police avait commis une erreur de droit .
Sur les autres moyens examinés par l'effet dévolutif de l'appel :
6. En premier lieu, par un arrêté n° 2018-00532 du 23 octobre 2018, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de Paris, le préfet de police a donné à Mme D... A..., attachée d'administration de l'Etat, signataire des décisions attaquées, délégation à l'effet de signer les décisions dans la limite de ses attributions, dont relève la police des étrangers. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision de refus de départ volontaire et la décision d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an auraient été signées par une autorité incompétente doit être écarté comme manquant en fait.
7. En second lieu, la décision refusant un délai départ volontaire et la décision d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an mentionnent chacune les considérations de droit et de fait sur lesquelles elles se fondent. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation doit être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à demander l'annulation des articles 1 et 2 du jugement attaqué annulant les décisions prises à l'encontre de M. C... refusant de lui accorder un délai de départ volontaire et portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an . Par voie de conséquence, l'Etat n'étant pas partie perdante en première instance, le préfet de police est également fondé à demander l'annulation de l'article 3 de ce jugement mettant à la charge l'Etat une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Les articles 1 à 3 du jugement n° 1904109/8 du 12 mars 2019 du Tribunal administratif de Paris sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. E... C....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 8 septembre 2020 à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président assesseur,
- M. B..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 septembre 2020.
Le rapporteur,
D. PAGES
Le président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 19PA01978 2