Par une requête, enregistrée le 24 octobre 2019, M. B..., représenté par Me G..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 8 juillet 2019 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler les décisions mentionnées ci-dessus ;
3°) d'enjoindre au préfet de police à titre principal de lui délivrer un titre de séjour, à titre subsidiaire de réexaminer sa situation administrative et de lui délivrer durant ce réexamen une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au profit de Me D... en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision implicite refusant de lui délivrer un titre de séjour est entachée de défaut de motivation ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît aussi les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- elle n'a pas été précédée d'un examen particulier de son dossier car elle ignore sa demande de changement de statut ainsi que les craintes dont il se prévaut en cas de retour dans son pays d'origine ;
- elle a été prise en méconnaissance de son droit d'être entendu préalablement, garanti par le code des relations entre le public et l'administration et le droit de l'union européenne ;
- elle n'a pas été précédée d'une saisine du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- elle est entachée d'une erreur de droit car le préfet ne pouvait prendre une mesure d'éloignement avant de statuer sur sa demande de titre de séjour ;
- elle méconnait les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 et du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination n'a pas été précédée de la procédure contradictoire prévue par les dispositions de l'article L. 121-1 du code de relations entre le public et l'administration ;
- elle n'est pas motivée ;
- elle n'a pas été précédée d'un examen complet et personnalisé de sa situation ;
- elle méconnait les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 août 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la demande de M. B... présentée à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français devant le Tribunal administratif de Paris était irrecevable car tardive ;
- les moyens soulevés par M. B... sont infondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les observations de Me F... pour M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant ivoirien né en 1986 et arrivé sur le territoire français en 2016, a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 13 décembre 2016, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 13 juillet 2018. Le 1er août 2018, M. B... a saisi le préfet de police d'une demande de régularisation de sa situation en qualité de salarié. Du silence gardé par le préfet de police pendant quatre mois est née une décision implicite de rejet le 1er décembre 2018. Puis, par un arrêté du 15 mars 2019, le préfet de police a fait obligation à M. B... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... a alors saisi le Tribunal administratif de Paris de deux demandes tendant respectivement à l'annulation de la decision implicite de rejet, née du silence gardé par le préfet de police sur sa demande de titre de séjour et de l'arrêté, en date du 15 mars 2019. Par un jugement du 8 juillet 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes. M. B... relève appel de ce jugement.
Sur les conclusions dirigées contre la décision implicite de rejet de la demande de régularisation en qualité de salarié :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) constituent une mesure de police ; (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée (...) doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ". Aux termes de l'article L. 232-4 de ce code : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. / Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. / Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués. ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a demandé que lui soient communiqués les motifs de la décision implicite de rejet de sa demande de titre de séjour, le 1er août 2018 et le 21 novembre 2018. Or, à ces dates, aucune décision implicite n'étant encore intervenue, ces demandes étaient ainsi sans objet. Elles n'ont pu, dès lors, faire courir le délai d'un mois prévu par les dispositions citées au point 2, comme l'a jugé à juste titre le tribunal. Par suite, la décision implicite de rejet, née le 1er décembre 2018 ne se trouve pas entachée d'illégalité du seul fait que ses motifs n'ont pas été communiqués à M. B....
4. En deuxième lieu, M. B... se prévaut d'une méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Or il est constant qu'il n'était pas détenteur d'un visa de long séjour et qu'ainsi il ne remplissait pas une des conditions pour se voir délivrer un titre de séjour "salarié" sur son fondement. Ce moyen ne peut donc qu'être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ".
6. M. B... fait valoir qu'il peut prétendre se voir délivrer, au titre de l'admission exceptionnelle au séjour, la carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ". A cet égard, il fait valoir qu'arrivé en France en février 2016, il a travaillé en tant que manoeuvre et bénéfice d'une promesse d'embauche comme agent de propreté, métier qui connait des difficultés de recrutement. Toutefois, ces seuls éléments ne peuvent être regardés comme des motifs exceptionnels au sens des dispositions de l'article L. 313-14 citées au point 5. M. B... n'est donc pas fondé à soutenir qu'en refusant de régulariser sa situation, le préfet de police aurait entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.
Sur les conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet de police :
7. En premier lieu, les moyens tirés du défaut de motivation, du défaut d'examen complet de la demande et de la méconnaissance du droit d'être entendu doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 9 à 11 du jugement attaqué.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ". Et aux termes de l'article R. 511-1 du même code : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. (...) ".
9. M. B... soutient que le préfet de police ne pouvait l'obliger à quitter le territoire français sans avoir préalablement saisi le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et que l'obligation de quitter le territoire français méconnait les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 et du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, à l'appui de ces moyens, M. B... produit un certificat médical établi le 11 janvier 2019, dont il ressort que " son état de santé nécessite des soins et un suivi régulier pour découverte récente pathologie chronique. ". Eu égard à ce seul certificat peu circonstancié, les premiers juges ont estimé à juste titre que le préfet n'a pas entaché sa décision d'un vice de procédure en ne saisissant pas le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. S'il produit également un certificat médical établi le 14 mai 2019 dont il ressort que la pathologie grave et de longue durée dont il souffre est une hépatite B chronique avec cirrhose, ce document récent n'avait pas été porté à la connaissance du préfet à la date de l'arrêté attaqué. Par ailleurs, il ne ressort pas des seules mentions de ce dernier certificat médical que M. B... ne pourrait effectivement bénéficier d'un traitement approprié à sa pathologie en Côte d'Ivoire. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions citées ci-dessus du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Pour les mêmes motifs, B... n'est pas fondé à soutenir qu'en l'obligeant à quitter le territoire, le préfet de police aurait entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation .
10. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier, comme il a été dit ci-dessus, que le préfet a implicitement rejeté, le 1er décembre 2018, la demande de régularisation présentée par M. B.... Ainsi, M. B... n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait commis une erreur de droit en l'obligeant à quitter le territoire français avant de statuer sur sa demande de titre de séjour.
11. En dernier lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ". Si M. B... invoque sa présence en France depuis 2016 et sa volonté de s'intégrer par le travail, il n'établit pas avoir le centre de ses intérêts privés et familiaux en France, ni être dépourvu d'attaches en Côte d'Ivoire où réside son épouse. Dans ces conditions il ne ressort pas de pièces du dossier qu'en l'obligeant à quitter le territoire, le préfet de police aurait porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision a été prise. Il n'en ressort pas davantage que le préfet de police aurait entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Sur les conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet de police :
12. En premier lieu, pour les motifs exposés par les premiers juges au point 11 du jugement attaqué, le moyen tiré de l'absence de procédure contradictoire, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-1 du code de relations entre le public et l'administration, doit être écarté.
13. En deuxième lieu, l'arrêté attaqué comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles repose la décision fixant le pays de destination. Cette décision est ainsi suffisamment motivée.
14. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des seuls termes de l'arrêté attaqué, que le préfet n'aurait pas pris en compte les craintes invoquées par M. B... en cas de retour en Côte d'Ivoire avant de fixer le pays de destination.
15. En quatrième lieu, le dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Et aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradant ". M. B... fait valoir que d'ethnie dioula et musulman, il a été victime de persécutions en Côte d'Ivoire où il serait menacé en raison d'un conflit d'héritage avec son oncle et ne pourrait bénéficier de la protection des autorités de son pays du fait de la corruption de ces dernières. Toutefois, ainsi qu'il a été précisé au point 1, la demande de statut de réfugié de M. B... a été rejetée et celui-ci n'apporte, pas plus en appel qu'en première instance, d'éléments de nature à établir la réalité des risques qu'il invoque en cas de retour dans son pays d'origine. Ainsi, ces moyens doivent être écartés.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions présentées au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 8 septembre 2020 à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. E..., president-assesseur,
- M. A..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 septembre 2020.
Le rapporteur,
D. PAGES
Le président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 19PA03364 2