2°) de condamner la Polynésie française à lui verser une indemnité, à titre principal de 40 419 811 F CFP au titre de son manque à gagner, et à titre subsidiaire de 180 000 F CFP au titre des frais engagés, outre des conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n°1600022 du 24 janvier 2017, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour:
Par une requête, enregistrée le 16 mars 2017, la société Tahiti Bull, représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 24 janvier 2017 du Tribunal administratif de la Polynésie française ;
2°) d'annuler le marché de prestations de services et de fourniture de pièces détachées et composantes relatives à la révision intermédiaire du haut des moteurs principaux de propulsion de marque Caterpillar modèle n° 3606 du navire Tahiti Nui de la flottille administrative de la direction de l'équipement, conclu par la Polynésie française avec la société Polydiesel le 5 janvier 2016 ;
3°) de condamner la Polynésie française à lui verser une indemnité, à titre principal de 40 419 811 F CFP au titre de son manque à gagner, et à titre subsidiaire de 180 000 F CFP au titre des frais engagés ;
4°) d'enjoindre à la Polynésie française de rejeter l'offre de la société Polydiesel comme anormalement basse, n'offrant aucune garantie et non conforme au manuel du constructeur ;
5°) de mettre à la charge de la Polynésie française une somme de 200 000 F CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la Polynésie française a méconnu le principe d'égalité de traitement entre les candidats à son détriment lors de deux précédentes procédures d'appels d'offres auxquelles elle a participé ;
- le délai de remise des offres a été prolongé pour demander à la société Polydiesel des éléments qui ne concernent pas les qualités et les capacités des candidats, en méconnaissance des dispositions de l'article 24 bis du code des marchés publics de la Polynésie française ; en l'absence de preuve que l'offre de la société Polydiesel avait été reçue dans les délais et que les justificatifs manquants relevaient des documents à fournir dans l'enveloppe extérieure, le report de la date d'ouverture des plis entache le marché d'irrégularité ;
- la commission de dépouillement ne l'a pas informée de l'objet de la demande de régularisation, ce qui l'a empêchée d'être assurée que les justifications demandées étaient celles prévues aux 8° et 9° de l'article 20 du code des marchés publics de la Polynésie française, en violation des principes d'égalité et de transparence ;
- elle bénéficie des prix les plus bas en qualité de seule représentante du fournisseur Caterpillar en Polynésie française ; le prix proposé par la société Polydiesel est anormalement bas parce qu'il ne respecte pas les préconisations du constructeur, ce qui compromet la bonne exécution du marché ;
- dès lors qu'elle est seule habilitée à intervenir sur la garantie des pièces Caterpillar, la société Polydiesel ne peut satisfaire à la clause de garantie de l'article 09.04 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) ;
- la société Polydiesel envisage de procéder elle-même à la " remanufacturation " des culasses, ce qui méconnaît le manuel du constructeur ;
- son offre devait lui permettre de se voir attribuer le marché ; son manque à gagner s'élève à 40 419 811 F CFP ; à titre subsidiaire, elle sollicite une indemnité de 180 000 F CFP correspondant à 40 heures de préparation de l'offre au taux horaire de 4 500 F CFP.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juin 2017, la société Polydiesel Engins et Usinages, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et demande, en outre, qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société Tahiti Bull au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la société Tahiti Bull ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 octobre 2017, la Polynésie française, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et demande, en outre, qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la société Tahiti Bull au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la société Tahiti Bull ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 9 octobre 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 16 novembre 2017 à 12 heures.
La société Tahiti Bull a produit un mémoire le 29 mars 2018, postérieurement à la clôture de l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;
- le code des marchés publics de la Polynésie française ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pagès,
- et les conclusions de M. Baffray, rapporteur public.
1. Considérant que la SAS Tahiti Bull a saisi le Tribunal administratif de la Polynésie française d'une demande tendant à l'annulation du marché public de prestations de services et fournitures de pièces détachées et composantes relatives à la révision intermédiaire du haut des moteurs principaux de propulsion de marque Caterpillar modèle n° 3606 du navire Tahiti Nui auquel elle s'était portée candidate, conclu le 5 janvier 2016 avec la société Polydiesel, à l'issue d'une procédure d'appel d'offres ouvert, outre des conclusions à fin d'indemnisation ; que la société Tahiti Bull relève appel du jugement du 24 janvier 2017 par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté cette demande ;
2. Considérant, en premier lieu, que pour contester la régularité de la procédure de passation du marché dont elle demande l'annulation, la SAS Tahiti Bull ne peut utilement invoquer la méconnaissance du principe d'égalité entre les candidats lors d'autres procédures d'appels d'offres auxquelles elle a participé, comme l'ont rappelé à juste titre les premiers juges ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 24 bis du code des marchés publics de la Polynésie française : " I - La commission de dépouillement ouvre l'enveloppe extérieure qui contient les justifications visées aux 8° et 9° de l'article 20 et en enregistre le contenu. / Si la commission de dépouillement constate que les justifications visées aux 8° et 9° de l'article 20 sont absentes de l'enveloppe extérieure ou sont incomplètes, elle peut suspendre les opérations d'ouverture des plis en vue de permettre aux candidats de produire ou de compléter ces pièces. La demande de production des pièces manquantes ou incomplètes est adressée par l'autorité compétente à tous les candidats concernés qui doivent compléter leur dossier de candidature dans un délai identique pour tous et qui ne saurait être supérieur à sept jours. Elle en informe les autres candidats. (...) " ; que le 8° de l'article 20 est relatif aux " justifications à produire concernant les qualités et les capacités exigées des candidats " ; qu'il est constant que la SAS Tahiti Bull a été informée de la suspension des opérations d'ouverture des plis en application des dispositions de l'article 24 bis du code des marchés publics de la Polynésie française ; que cette information n'a pas pour objet de permettre aux candidats de s'immiscer dans le déroulement de la procédure d'ouverture des plis, qui n'est pas publique, comme l'ont rappelé à juste titre les premiers juges ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la société requérante n'a pas été informée de la nature précise des pièces demandées à la société Polydiesel doit être écarté comme inopérant ;
4. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction que la demande de régularisation adressée à la société Polydiesel par lettre du 20 octobre 2015 portait sur les références de la société pour des prestations de même type, les déclarations de chiffre d'affaires des trois derniers exercices et la déclaration indiquant les effectifs moyens annuels et l'importance du personnel d'encadrement ; que, contrairement à ce que soutient la société requérante, ces éléments se rapportent bien aux " qualités et capacités des candidats " au sens du 8° de l'article 20 du code des marchés publics de la Polynésie française et figurent au C, intitulé " les pièces justificatives concernant la situation administrative du candidat ", de l'article 3 du règlement particulier d'appel d'offres (RPAO), qui précise que ces pièces doivent être placées dans l'enveloppe extérieure ; que, par suite, le moyen tiré de ce que cette demande de pièces complémentaires à la société Polydiesel entacherait d'irrégularité la procédure de passation du marché doit être écarté ;
5. Considérant, en quatrième lieu, que l'article 04.02 du RPAO fixe comme critères d'attribution du marché le prix global forfaitaire indiqué dans l'offre d'engagement (70 points), la valeur technique appréciée au travers du mémoire (20 points) et le délai de livraison des pièces et d'exécution des travaux (10 points) ; que si le respect du manuel du constructeur ne constitue pas un des critères d'attribution du marché, les offres devaient cependant le respecter, ce manuel figurant parmi les pièces constitutives du marché ; que, toutefois, si la société requérante soutient que l'offre de la société Polydiesel ne respectait pas ce manuel et aurait du être rejetée comme irrégulière en application de l'article 25 bis I du code des marchés publics de la Polynésie française, ce manuel n'interdisait pas que des pièces puissent être remplacées, pour répondre aux besoins du pouvoir adjudicateur, par des pièces " remanufacturées " par des entreprises non homologuées par le constructeur ; que, par suite, la société Tahiti Bull n'est pas fondée à soutenir que la proposition technique de la société Polydiesel ne respectait pas le manuel du constructeur puisqu'elle envisageait un " réunissage des culasses " alors qu'elle n'est pas homologuée par Caterpillar ;
6. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 09.04 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du marché : " Le délai de garantie est fixé à un an à compter de la réception des travaux. Si des réserves ont été émises à la réception et qu'elles n'ont pu être levées à l'issue du délai de garantie, celui-ci est prolongé jusqu'à la levée de la dernière réserve. " ; que cette clause engage la responsabilité du titulaire du marché sur les prestations de services et les fournitures relatives à la révision intermédiaire du haut des moteurs principaux de propulsion de marque Caterpillar du navire Tahiti Nui ; que la qualité de concessionnaire agréé de la marque Caterpillar en Polynésie française de la SAS Tahiti Bull ne fait pas obstacle à ce que d'autres sociétés puissent soumissionner à un marché public prévoyant la fourniture de pièces de cette marque et satisfaire à la clause de garantie ; que cette exigence du CCAP a bien été respectée par la société Polydiesel qui a affirmé dans son offre qu'elle assurerait pleinement les termes de la garantie indiquée dans le dossier d'appel d'offres ; que ce moyen doit également être écarté ;
7. Considérant, en dernier lieu, que le marché attaqué porte sur la révision intermédiaire du haut des moteurs principaux de propulsion de marque Caterpillar du navire Tahiti Nui et la fourniture des pièces détachées ; que la circonstance, à la supposer établie, que la SAS Tahiti Bull bénéficierait de prix d'achat de pièces avantageux en sa qualité de " seule représentante du fournisseur Caterpillar en Polynésie française ", ne suffit pas à démontrer que la note de 70/70 obtenue par la société Polydiesel sur le critère du prix caractériserait un prix anormalement bas résultant d'un non respect des préconisations du constructeur de nature à compromettre la bonne exécution du marché, comme l'ont estimé à juste raison les premiers juges ;
8. Considérant que la SAS Tahiti Bull n'ayant pas démontré qu'elle aurait été irrégulièrement évincée de l'appel d'offres litigieux, elle n'est pas fondée à demander l'annulation du marché conclu par la Polynésie française avec la société Polydiesel ; qu'elle n'est pas davantage fondée à demander l'indemnisation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de son éviction irrégulière ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Tahiti Bull n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions des parties tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que les dispositions susvisées font obstacle à ce que la Polynésie française, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse une somme à la société Tahiti Bull au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Tahiti Bull, d'une part, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la Polynésie française et non compris dans les dépens, d'autre part, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Polydiesel Engins et Usinages et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1 : La requête de la société Tahiti Bull est rejetée.
Article 2 : La société Tahiti Bull versera, d'une part, la somme de 1 500 euros à la Polynésie française, d'autre part, la somme de 1 500 euros à la société Polydiesel Engins et Usinages, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3: Le présent arrêt sera notifié à la société Tahiti Bull, à la Polynésie Française et à la société Polydiesel Engins et Usinages.
Délibéré après l'audience du 9 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- M. Pagès, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 octobre 2018.
Le rapporteur,
D. PAGESLe président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au Haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA00920