Par un jugement n° 1706631/5-3 du 21 février 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 22 avril 2018, 26 juin 2018, 14 mars 2019 et 29 mars 2019, M. C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 21 février 2018 ;
2°) de condamner le centre national d'art et de culture Georges Pompidou à lui verser la somme de 156 600 euros ou, à défaut, de 199 800 euros en réparation des préjudices allégués, avec intérêts et capitalisation des intérêts ;
3°) d'enjoindre au centre national d'art et de culture Georges Pompidou de réexaminer sa demande de réintégration dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4) de mettre à la charge du centre national d'art et de culture Georges Pompidou une somme de 2 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à son conseil sous réserve que celui-ci renonce au bénéfice de la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'irrégularité dès lors qu'il n'a pas visé ses conclusions à fins d'annulation de la décision prise en septembre 2012 de supprimer son poste et n'a pas statué sur ces conclusions ;
- le jugement est insuffisamment motivé notamment lorsqu'il retient que les conclusions en annulation de la décision du 20 novembre 2015 sont tardives et lorsqu'il rejette ses conclusions indemnitaires ;
- la décision de suppression de son poste est entachée d'un vice de procédure à défaut de saisine préalable du comité technique ;
- il n'est pas établi que cette décision aurait été prise par une autorité compétente ;
- cette décision ne comporte pas la mention des nom, prénom et qualité de son auteur en méconnaissance de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
- cette décision de suppression de poste est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et a été prise pour des motifs étrangers à l'intérêt du service ;
- les conclusions présentées contre la décision de refus de réintégration du 20 novembre 2015 n'étaient pas tardives ;
- cette décision de refus de réintégration est entachée d'insuffisance de motivation faute d'établir l'impossibilité de lui permettre une reprise de service ;
- cette décision de refus de réintégration est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- compte tenu des illégalités fautives entachant cette décision il devait être fait droit à ses conclusions indemnitaires ;
- le tribunal n'a pas répondu au moyen, opérant, tiré de ce que l'administration n'a pas tenté de le reclasser, comme elle en avait l'obligation ;
- aucune offre de reclassement conforme à son niveau d'emploi ne lui a été faite ;
- la décision de refus de reclassement est illégale aussi par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de suppression de poste.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 février 2019, le centre national d'art et de culture Georges Pompidou, représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) à titre principal de rejeter la requête ;
2°) à titre subsidiaire d'annuler le jugement pour irrégularité.
Il soutient que :
- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;
- à titre subsidiaire, le jugement est entaché d'irrégularité à plusieurs titres dès lors d'une part que le tribunal aurait dû relever d'office l'irrecevabilité des conclusions indemnitaires faute de demande préalable, d'autre part qu'il n'a pas répondu aux conclusions à fins d'annulation de la décision de suppression de poste et enfin que le jugement est insuffisamment motivé. Dans le cadre de l'évocation il y aura lieu de constater l'irrecevabilité des conclusions indemnitaires faute de liaison du contentieux, ou à titre subsidiaire leur caractère infondé.
Par une ordonnance du 15 mars 2019, la clôture de l'instruction a été reportée du 15 mars 2019 au 29 mars 2019.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 16 juin 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,
- les observations de Me B... pour M. C...,
- et les observations de Mme A... pour le centre national d'art et de culture Georges Pompidou.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., agent contractuel, recruté le 9 juin 1987 par le centre Georges Pompidou en qualité de technicien de maintenance, nommé opérateur à compter du 1er janvier 1998 pour exercer les fonctions de technicien d'exploitation audiovisuel, copiste chargé de numérisation et d'encodage au sein du service audiovisuel de la direction de la production du centre Georges Pompidou, a été placé, sur sa demande, en congé sans rémunération pour convenances personnelles pour une durée d'un an à compter du 8 décembre 2012, renouvelé sur sa demande jusqu'au 7 décembre 2015. Par courrier du 7 octobre 2015, il a demandé à être réintégré dans les effectifs du centre Georges Pompidou à compter du 8 décembre 2015, mais par décision du 20 novembre 2015, le directeur des ressources humaines de cet établissement a rejeté cette demande au motif que le poste qu'il occupait avant son congé avait été supprimé et que le centre Georges Pompidou ne disposait pas, à la date de réintégration souhaitée, d'emploi similaire assorti d'une rémunération équivalente. Le directeur des ressources humaines de l'établissement l'informait également dans cette décision qu'il serait destinataire de toutes les annonces de postes techniques de groupe 2 mis à la mobilité au sein de l'établissement afin de lui permettre d'y postuler s'il le souhaitait. M. C... a saisi le Tribunal administratif de Paris de deux requêtes à fins de référés provision qui ont été rejetées par ordonnance, ainsi que d'une demande tendant d'une part à l'annulation de la décision de suppression de son poste ainsi que de la décision du 20 novembre 2015 rejetant sa demande de réintégration, et d'autre part à la condamnation du centre national d'art et de culture Georges Pompidou à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation des préjudices subis du fait du refus de le réintégrer dans les effectifs de l'établissement. Le tribunal a toutefois rejeté cette demande par jugement du 21 février 2018 dont M. C... interjette appel.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique, sauf s'il a été fait application des dispositions de l'article L. 731-1. Dans ce dernier cas, il est mentionné que l'audience a eu lieu ou s'est poursuivie hors la présence du public. Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que dès sa requête introductive d'instance présentée devant les premiers juges M. C... a notamment sollicité l'annulation de la décision de suppression de son poste. Toutefois le tribunal dans son jugement n'a pas statué sur ces conclusions qu'il n'a pas non plus visées. M. C... est par suite fondé à soutenir que ce jugement est entaché d'irrégularité et à en demander l'annulation sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens mettant en cause sa régularité. Compte tenu de cette annulation il n'y a pas lieu non plus de statuer sur les conclusions du centre national d'art et de culture Georges Pompidou sollicitant l'annulation du jugement du fait de son irrégularité, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur leur recevabilité.
4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. C....
Sur les conclusions à fins d'annulation :
5. Il ressort des écritures de M. C... qu'il doit être regardé comme ayant entendu demander l'annulation de la décision de suppression de son poste et non, comme le soutient le centre national d'art et de culture Georges Pompidou, celle de l'avis du comité technique du 12 décembre 2012, sans qu'il soit dès lors besoin de se prononcer sur la recevabilité de conclusions dirigées contre un tel avis.
Sur les conclusions dirigées contre la décision de suppression de poste :
6. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable, qui, en règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance. Au demeurant la décision de suppression d'un poste, qui constitue une mesure d'organisation du service, n'a pas le caractère d'une décision individuelle mais revêt le caractère d'une décision règlementaire, quand bien même elle ne concernerait qu'un seul poste. Par suite, alors même que M. C... a nécessairement eu connaissance de la décision de suppression de son poste lors de la réception le 23 novembre 2015 de la lettre du 20 novembre 2015, il est, à défaut que soit établi que cette décision aurait été régulièrement publiée, recevable à en demander l'annulation.
7. Il ressort des pièces du dossier et notamment du compte rendu du comité technique du 12 décembre 2012 que le projet de suppression de son poste n'a pas été évoqué lors de cette réunion. En effet, à supposer même que l'exigence de consultation de ce comité sur un projet de suppression de poste puisse être regardée comme satisfaite en dépit d'une erreur sur l'intitulé du poste en cause, M. C... justifie en tout état de cause que le poste de " photographe " dont la suppression a été débattue correspondait à un poste distinct du sien et occupé par un autre agent. Il est dès lors fondé à soutenir que la suppression de son poste n'a pas été soumise au comité consultatif et par suite, cette décision ayant ainsi été prise au terme d'une procédure irrégulière, à en demander l'annulation, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens mettant en cause sa légalité.
Sur les conclusions dirigées contre la décision de refus de réintégration :
8. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle. ".
9. Il ressort des pièces du dossier que la lettre du 20 novembre 2015 portant refus de réintégration, reçue par M. C... le 23 novembre suivant, mentionnait les voies et délais de recours courant à l'encontre de cette décision de refus de réintégration. Elle n'a pourtant été contestée devant le tribunal que dans la requête enregistrée le 14 avril 2017. Les conclusions tendant à son annulation sont donc tardives et dès lors irrecevables.
Sur les conclusions à fins d'indemnisation :
10. Il résulte des dispositions citées au point 8 de l'article R. 421-1 du code de justice administrative qu'en l'absence d'une décision de l'administration rejetant une demande formée devant elle par le requérant ou pour son compte, une requête tendant au versement d'une somme d'argent est irrecevable et peut être rejetée pour ce motif même si, dans son mémoire en défense, l'administration n'a pas soutenu que cette requête était irrecevable, mais seulement que les conclusions du requérant n'étaient pas fondées. Dès lors, et alors même que le centre national d'art et de culture Georges Pompidou n'avait pas soulevé en première instance le défaut de liaison du contentieux et l'invoque pour la première fois en appel, les conclusions à fins d'indemnisation présentées par M. C..., dont il est constant qu'elles n'avaient fait l'objet d'aucune demande préalable auprès de l'administration, sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... est seulement fondé à demander l'annulation du jugement attaqué ainsi que celle de la décision de suppression de son poste de copiste chargé de numérisation et d'encodage. Il n'est en revanche pas recevable à demander l'annulation de la décision du 20 novembre 2015 portant refus de le réintégrer dans son poste ni à demander réparation des préjudices résultant selon lui de l'intervention des décisions contestées.
Sur les conclusions à fins d'injonction :
12. Le présent arrêt qui rejette pour irrecevabilité les conclusions à fins d'annulation de la décision de refus de réintégration de M. C... n'implique pas qu'il soit enjoint au centre national d'art et de culture Georges Pompidou de réexaminer sa demande de réintégration, sous astreinte.
Sur les conclusions tendant à relever la production par le centre national d'art et de culture Georges Pompidou de faux :
13. Si M. C... a demandé en première instance de " relever la production par le défendeur de faux ", en l'occurrence le procès-verbal du comité technique de l'établissement en date du 12 décembre 2012, il n'assortit pas ses conclusions des précisions suffisantes permettant au juge d'en apprécier le bien fondé. Dès lors, de telles conclusions ne peuvent relever de l'article R. 633-1 du code de justice administrative relatif à l'inscription de faux.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre national d'art et de culture Georges Pompidou, la somme demandée par M. C... et son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1706631/5-3 du Tribunal administratif de Paris du 21 février 2018 est annulé.
Article 2 : La décision de suppression du poste de copiste chargé de numérisation et d'encodage de M. C... est annulée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. C... en première instance et en appel est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C..., au centre national d'art et de culture Georges Pompidou et au ministre de la culture.
Délibéré après l'audience du 12 novembre 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- Mme D..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 26 novembre 2019.
Le rapporteur,
M-I. D...Le président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
A-L. CHICHKOVSKY PASSUELLO
La République mande et ordonne au ministre de la culture en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA01346