Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 juin 2018 et le 29 mars 2019, la société Point P, représentée par Me C... et Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1602066 du 12 avril 2018 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de cotisation foncière des entreprises contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le service ne pouvait rehausser la valeur de son établissement de Brie-Comte-D... sans avoir préalablement consulté la commission communale des impôts directs ;
- l'établissement en cause n'entre pas dans la catégorie des établissements industriels au sens de l'article 1499 du code général des impôts.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 octobre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société Point P ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Point P, qui exerce une activité de vente de matériaux de construction pour les professionnels et les particuliers, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des années 2010 à 2012. Après avoir visité l'entrepôt exploité par la société à Brie-Comte-D..., dans le département de la Seine-et-Marne, le service a considéré qu'il s'agissait d'un établissement industriel. Après avoir subséquemment estimé que sa valeur locative, primitivement évaluée selon la méthode par comparaison prévue pour les établissements commerciaux, devait être évaluée selon la méthode comptable prévue par les articles 1499 et 1500 du code général des impôts, il a assujetti la société Point P à des cotisations supplémentaires de cotisation foncière des entreprises au titre des années 2011 à 2014. La société relève appel du jugement en date du 12 avril 2018 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à leur décharge.
Sur le caractère industriel de l'établissement :
2. Aux termes de l'article 1467 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " La cotisation foncière des entreprises a pour base la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière situés en France (...) dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence (...). / (...) ". L'article 1496 du même code dispose que : " I. La valeur locative des locaux affectés à l'habitation ou servant à l'exercice soit d'une activité salariée à domicile, soit d'une activité professionnelle non commerciale au sens du 1 de l'article 92 est déterminée par comparaison avec celle de locaux de référence choisis, dans la commune, pour chaque nature et catégorie de locaux. / II. La valeur locative des locaux de référence est déterminée d'après un tarif fixé, par commune ou secteur de commune, pour chaque nature et catégorie de locaux, en fonction du loyer des locaux loués librement à des conditions de prix normales et de manière à assurer l'homogénéité des évaluations dans la commune et de commune à commune. / (...) ". En vertu de l'article 1498 du code général des impôts : " La valeur locative de tous les biens autres que les locaux visés au I de l'article 1496 et que les établissements industriels visés à l'article 1499 est déterminée au moyen de l'une des méthodes indiquées ci-après : / 1° Pour les biens donnés en location à des conditions de prix normales, la valeur locative est celle qui ressort de cette location ; 2° a. Pour les biens loués à des conditions de prix anormales ou occupés par leur propriétaire, occupés par un tiers à un autre titre que la location, vacants ou concédés à titre gratuit, la valeur locative est déterminée par comparaison. / Les termes de comparaison sont choisis dans la commune. Ils peuvent être choisis hors de la commune pour procéder à l'évaluation des immeubles d'un caractère particulier ou exceptionnel ; / b. La valeur locative des termes de comparaison est arrêtée : Soit en partant du bail en cours à la date de référence de la révision lorsque l'immeuble type était loué normalement à cette date, / Soit, dans le cas contraire, par comparaison avec des immeubles similaires situés dans la commune ou dans une localité présentant, du point de vue économique, une situation analogue à celle de la commune en cause et qui faisaient l'objet à cette date de locations consenties à des conditions de prix normales ; / 3° A défaut de ces bases, la valeur locative est déterminée par voie d'appréciation directe ". Enfin, aux termes de l'article 1499 du code : " La valeur locative des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est déterminée en appliquant au prix de revient de leurs différents éléments, revalorisé à l'aide des coefficients qui avaient été prévus pour la révision des bilans, des taux d'intérêt fixés par décret en Conseil d'Etat. / (...) ".
3. Il ressort de ces dispositions que les règles suivant lesquelles est déterminée la valeur locative des biens passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties sont différemment définies par les articles 1496, 1498 et 1499 du code général des impôts, selon qu'il s'agit de locaux affectés à l'habitation, de locaux commerciaux ou de locaux industriels. Revêtent un caractère industriel, au sens de l'article 1499, les établissements dont l'activité nécessite d'importants moyens techniques, non seulement lorsque cette activité consiste dans la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers, mais aussi lorsque le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en oeuvre, fût-ce pour les besoins d'une autre activité, est prépondérant.
4. Il résulte de l'instruction que l'entrepôt qu'exploite la société Point P à Brie-Comte-D..., d'une superficie de 48 000 m², dont 2 569 m² de bureaux, est organisé selon un mode de flux traversant, qui commence à l'entrée par la réception des marchandises après déchargement des camions à quai, se poursuit par leur stockage sur des étagères de neufs mètres de hauteur, et se termine à la sortie par le conditionnement et la préparation des commandes de marchandises avant leur expédition dans les magasins du groupe Point P situés en Ile-de-France et dans le nord et l'est de la France. Pour gérer au mieux ces différentes phases, le personnel de l'entrepôt utilise en permanence six gerbeurs, 94 chariots élévateurs, cinq transpalettes électriques et plusieurs filmeuses semi-automatiques. Géré grâce à des logiciels et un système Wi-Fi, l'entrepôt dispose également d'une chaîne entièrement mécanisée pour le petit outillage, qui compte un grand nombre de références, destinée à l'approvisionnement des zones de libre-service des magasins Point P. Ces importants moyens techniques sont indispensables à l'activité de l'entrepôt au sein duquel ils jouent un rôle prépondérant, malgré la présence de 150 salariés sur place et quand bien même leur valeur, qui a représenté entre 9 et 22 % du prix de revient de l'immeuble entre 2011 et 2014, est sensiblement inférieure à celle des constructions hors terrain. C'est donc à bon droit que le service a estimé que l'entrepôt en cause présentait un caractère industriel au sens de l'article 1499 du code général des impôts.
Sur l'absence de saisine de la commission communale des impôts directs :
En ce qui concerne la loi fiscale :
5. Aux termes de l'article 1500 du code général des impôts applicable à l'époque du litige : " Les bâtiments et terrains industriels sont évalués : / - 1° selon les règles fixées à l'article 1499 lorsqu'ils figurent à l'actif du bilan de leur propriétaire ou de leur exploitant, et que celui-ci est soumis aux obligations définies à l'article 53 A ; / - 2° selon les règles fixées à l'article 1498 lorsque les conditions prévues au 1° ne sont pas satisfaites ". En vertu du I de l'article 1503 du même code : " Le représentant de l'administration et la commission communale des impôts directs dressent la liste des locaux de référence visés à l'article 1496, déterminent leur surface pondérée et établissent les tarifs d'évaluation correspondants. / (...) ". L'article 1504 du code général des impôts dispose que : " Les locaux types à retenir pour l'évaluation par comparaison des biens visés à l'article 1498 sont choisis par le représentant de l'administration et par la commission communale des impôts directs. / (...) ". Enfin, en vertu de l'article 1505 du code : " Le représentant de l'administration et la commission communale des impôts directs procèdent à l'évaluation des propriétés bâties. / Après harmonisation avec les autres communes du département, les évaluations sont arrêtées par le service des impôts. (...) / ".
6. S'il ressort de ces dispositions que la commission communale des impôts directs intervient concurremment avec l'administration fiscale pour dresser la liste des locaux de référence visés à l'article 1496 du code général des impôts et pour choisir les locaux-types à retenir pour l'évaluation par comparaison des biens visés à l'article 1498 du même code, ces textes ne lui attribuent en revanche aucune compétence pour procéder à la détermination de la valeur locative des bâtiments et terrains industriels selon la méthode prévue par les dispositions combinées des articles 1499 et 1500 du même code.
7. L'entrepôt exploité par la société Point P à Brie-Comte-D..., qui a un caractère industriel ainsi qu'il a été dit au point 4. ci-dessus, a légalement pu faire l'objet d'une évaluation de sa valeur locative en application des dispositions prévues par les articles 1499 et 1500 du code général des impôts. Dès lors que les dispositions des articles 1503 à 1505 du même code sont sans incidence sur la procédure d'imposition des établissements dont la valeur locative est ainsi déterminée, il y a donc lieu d'écarter le moyen tiré de ce que le défaut de saisine de la commission communale des impôts directs aurait entaché d'irrégularité la procédure suivie par le service pour rehausser ses bases imposables à la cotisation foncière des entreprises.
En ce qui concerne la doctrine administrative :
8. A supposer qu'elle invoque l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, la société Point P ne saurait utilement se prévaloir, s'agissant de la procédure d'imposition, de la circulaire référencée NOR : INTB0800048C signée par le ministre de l'intérieur le 28 février 2008, laquelle ne vaut au demeurant pas interprétation de la loi fiscale.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Point P n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Point P est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Point P et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction des vérifications nationales et internationales.
Délibéré après l'audience du 12 novembre 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- Mme Hamon, président assesseur,
- Mme A..., premier conseiller,
Lu en audience publique, le 26 novembre 2019.
Le rapporteur,
C. A...Le président,
C. JARDIN
Le greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'action de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA01899