Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 26 juillet 2018, M. A..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1807466/1-2 du 3 juillet 2018 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 13 mai 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de prendre toute mesure propre à mettre fin au signalement dans le système d'information Schengen procédant à l'interdiction de retour du 13 mai 2018 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- le jugement est insuffisamment motivé.
Sur les moyens communs à l'ensemble des décisions contenues dans l'arrêté contesté :
- l'auteur de l'arrêté est incompétent ;
- les décisions sont insuffisamment motivées et entachées d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;
- elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la décision méconnaît le droit d'être entendu consacré à l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
Sur la décision portant refus du délai de départ volontaire :
- la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis le 4 septembre 2018, lequel n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant égyptien, né le 15 mars 1985, est entré en France en 2008 selon ses déclarations. Par un arrêté du 13 mai 2018 pris après son interpellation par les services de police lors d'un contrôle d'identité, le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il serait éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois. M. A... relève appel du jugement du 3 juillet 2018, par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ".
3. Aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ".
4. Les dispositions de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne sont pas en elles-mêmes invocables par un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement telle qu'une obligation de quitter le territoire français, dès lors qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que cet article s'adresse, non pas aux Etats membres, mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. L'étranger peut néanmoins utilement faire valoir que le principe général du droit de l'Union, relatif au respect des droits de la défense, imposait qu'il soit préalablement entendu et mis à même de présenter toute observation utile sur la mesure d'éloignement envisagée.
5. En outre, lorsqu'il oblige un étranger à quitter le territoire français sur le fondement du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet se situe dans le champ d'application de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier. Dès lors, il lui appartient de faire application des principes fondamentaux du droit de l'Union européenne, dont celui du droit à une bonne administration. Parmi les principes que sous-tend ce dernier, figure celui du droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement soit prise à son encontre, tel qu'il est énoncé notamment au 2 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Selon la jurisprudence de la Cour de justice de 1'Union européenne, ce droit se définit comme le droit de toute personne à faire connaître, de manière utile et effective, ses observations écrites ou orales au cours d'une procédure administrative, avant l'adoption de toute décision susceptible de lui faire grief. Cependant ce droit n'implique pas systématiquement l'obligation, pour l'administration, d'organiser, de sa propre initiative, un entretien avec l'intéressé, ni même d'inviter ce dernier à produire ses observations, mais suppose seulement qu'informé de ce qu'une décision lui faisant grief est susceptible d'être prise à son encontre, il soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou orales. Enfin, une atteinte à ce droit n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle la décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision, ce qu'il lui revient, le cas échéant, d'établir devant la juridiction saisie.
6. En l'espèce, en l'absence de la moindre écriture en défense du préfet de Seine-Saint-Denis, tant en première instance qu'en appel, et en l'absence de production par voie de conséquence du procès-verbal d'audition de M. A... par les services de police lors de son interpellation, le préfet n'établit pas que l'intéressé aurait été informé de l'intention de l'administration de prendre à son encontre une mesure l'obligeant à quitter le territoire français à destination de son pays d'origine et mis à même de formuler ses observations sur cette éventualité. Dans ces conditions, M. A..., privé de la possibilité de présenter les éléments pertinents de sa situation qui auraient pu influer sur le contenu de la décision, et notamment la durée de son séjour en France, est fondé à demander l'annulation de la décision portant obligation à son encontre de quitter le territoire français ainsi que, par voie de conséquence, l'annulation de la décision refusant un délai de départ volontaire ainsi que de la décision portant interdiction de retour sur le territoire d'une durée de vingt-quatre mois.
7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ainsi que de la décision refusant un délai de départ volontaire et de la décision portant interdiction de retour sur le territoire d'une durée de vingt-quatre mois.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Le présent jugement implique que le préfet de la Seine-Saint-Denis prenne toute mesure propre à mettre fin au signalement de M. A... dans le système d'information Schengen procédant de l'interdiction de retour du 13 mai 2018, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A... d'une somme de 1 500 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1807466/1-2 du 3 juillet 2018 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 13 mai 2018 du préfet de la Seine-Saint-Denis est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de prendre toute mesure propre à mettre fin au signalement de M. A... dans le système d'information Schengen procédant de l'interdiction de retour du 13 mai 2018 ci-dessus annulée, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 12 novembre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- Mme Hamon, président assesseur,
- Mme D..., premier conseiller,
Lu en audience publique, le 26 novembre 2019.
Le rapporteur,
A. D...Le président,
C. JARDIN
Le greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA02547