Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 4 septembre 2018, Mme A..., représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) à titre principal, d'annuler pour irrégularité ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 10 juillet 2018 et de renvoyer l'affaire à ce tribunal ;
2°) à titre subsidiaire, d'annuler ce jugement comme mal-fondé et d'annuler pour excès de pouvoir la décision du préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, du 6 mars 2017 et la décision implicite de rejet du ministre de l'intérieur sur son recours hiérarchique ;
3°) d'enjoindre à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de lui délivrer une autorisation de travail sans délai sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) en tout état de cause, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors qu'elle n'a pas été régulièrement avertie du jour de l'audience conformément aux dispositions de l'article R. 711-2 du code de justice administrative ;
- les décisions attaquées n'ont pas fait l'objet d'un examen personnalisé et ne sont pas motivées en fait ;
- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaissent les dispositions de l'article L. 313-10 1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article R. 5221-20 du code du travail.
Par un mémoire enregistré le 6 septembre 2019 le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code du travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 18 janvier 2008 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public
- et les observations de Me B... pour Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... A..., née le 28 décembre 1963 à Lakota, en Côte d'Ivoire, de nationalité ivoirienne, est entrée en Italie, où elle a obtenu une carte de résident " longue durée CE " en 2010 selon ses dires. La société Top-Multi-Services a effectué auprès de la DIRECCTE une demande d'autorisation de travail en qualité de technicienne de surface - agent polyvalent, mais le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, a refusé de lui délivrer l'autorisation de travail sollicitée par une décision du 6 mars 2017. Mme A... a alors formé un recours hiérarchique contre cette décision par un courrier du 14 avril 2017 adressé au ministre de l'intérieur. Par un jugement du 10 juillet 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de Mme A... tendant à l'annulation d'une part, de la décision du 6 mars 2017 du préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, refusant de lui délivrer une autorisation de travail et, d'autre part, de la décision implicite de rejet du ministre de l'intérieur née du silence gardé sur son recours hiérarchique formé le 14 avril 2017 tendant à l'annulation de ce refus d'autorisation de travail. Mme A... fait appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 711-2 du code de justice administrative : " Toute partie est avertie, par une notification faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception (...) du jour où l'affaire sera appelée à l'audience (...). L'avertissement est donné sept jours au moins avant l'audience (...) ".
3. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier de première instance que l'avis d'audience du 26 juin 2018 n'a pas été envoyé, en méconnaissance des dispositions réglementaires précitées. Par suite, Mme A... n'a pas été mise à même de présenter ses observations devant le tribunal avant le délibéré et la lecture du jugement rejetant sa demande. Ce jugement entaché d'irrégularité doit, dès lors, être annulé. Il y a lieu d'évoquer l'affaire et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif.
Sur la légalité des décisions attaquées :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 de ce même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Enfin, l'article L. 232-4 du même code dispose : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. (...) ".
5. D'une part, si Mme A... soutient que la décision attaquée du 6 mars 2017 ne serait pas suffisamment motivée, il ressort de sa lecture qu'elle comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. En effet, elle vise notamment l'article R. 5221-20 du code du travail et l'arrêté du 28 octobre 2016 fixant la liste des pièces à fournir pour l'exercice, par un ressortissant étranger, d'une activité professionnelle. La décision mentionne également la demande d'autorisation de travail présentée par son employeur potentiel à la DIRECCTE. D'autre part, si elle fait valoir que la décision implicite du ministre de l'intérieur rejetant son recours hiérarchique n'est pas motivée, elle ne justifie pas, en tout état de cause, avoir demandé communication de ses motifs. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation des décisions attaquées ne peut qu'être écarté.
6. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'auteur de la décision attaquée du 6 mars 2017 n'aurait pas examiné de manière personnalisée et approfondie la situation de Mme A.... En conséquence, le moyen tiré du défaut d'examen sérieux de sa demande doit être écarté.
7. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : 1° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du code du travail. Elle porte la mention " salarié ". (...) ". Aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : (...) / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail ". Enfin, aux termes de l'article R. 5221-20 du code du travail : " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R. 5221-11, le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : 1° La situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquelles la demande est formulée, compte tenu des spécificités requises pour le poste de travail considéré, et les recherches déjà accomplies par l'employeur auprès des organismes concourant au service public de l'emploi pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail ; 2° L'adéquation entre la qualification, l'expérience, les diplômes ou titres de l'étranger et les caractéristiques de l'emploi auquel il postule ; Lorsque la demande concerne un étudiant ayant achevé son cursus sur le territoire français cet élément s'apprécie au regard des seules études suivies et seuls diplômes obtenus en France ; 3° le respect par l'employeur, l'utilisateur mentionné à l'article L. 1251-1 ou l'entreprise d'accueil de la législation relative au travail et à la protection sociale ; 4° Le cas échéant, le respect par l'employeur, l'utilisateur, l'entreprise d'accueil ou le salarié des conditions réglementaires d'exercice de l'activité considérée ; 5° Les conditions d'emploi et de rémunération offertes à l'étranger, qui sont comparables à celles des salariés occupant un emploi de même nature dans l'entreprise ou, à défaut, conformes aux rémunérations pratiquées sur le marché du travail pour l'emploi sollicité ; 6° Le salaire proposé à l'étranger qui, même en cas d'emploi à temps partiel, est au moins équivalent à la rémunération minimale mensuelle mentionnée à l'article L. 3232-1 ; (...) ".
8. Mme A... soutient que le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, aurait méconnu les dispositions du code du travail citées au point 7. Toutefois, il n'est pas contesté que la société Top-Multi-Services n'a pas effectué de recherche de candidatures parmi les demandeurs d'emploi déjà présents sur le marché du travail, conformément aux prescriptions du 1° de l'article R. 5221-20 du code du travail. En outre, il ressort des pièces du dossier que la situation de l'emploi de technicienne de surface en Ile-de-France, qui lui est opposable en vertu de l'arrêté du 18 janvier 2008, ne comporte aucune spécificité particulière de nature à le regarder comme un type d'emploi en tension. Mme A... n'est donc pas fondée à soutenir que le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, aurait méconnu les dispositions de l'article R. 5221-20 du code du travail et entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.
9. Par ailleurs, si Mme A... soutient que les décisions attaquées méconnaissent les dispositions de l'article L. 313-10 1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à la délivrance de carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle, ces dispositions ne peuvent être utilement invoquées à l'appui de la contestation d'une décision distincte de refus de délivrance d'une autorisation de travail. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant et doit être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation des décisions attaquées du préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, et du ministre de l'intérieur lui refusant la délivrance d'une autorisation de travail. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1713028/3-3 du Tribunal administratif de Paris du 10 juillet 2018 est annulé.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... et sa demande de première instance sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A..., au ministre de l'intérieur et au ministre du travail.
Copie en sera adressée au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris.
Délibéré après l'audience du 12 novembre 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président assesseur,
- Mme D..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 26 novembre 2019.
Le rapporteur,
M-I. D...Le président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
A-L. CHICHKOVSKY PASSUELLO
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et au ministre du travail en ce qui les concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA02970