Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 23 janvier 2019, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 20 décembre 2018 ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme D... devant le Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté sa demande de substitution de base légale alors qu'il avait bien exercé son pouvoir discrétionnaire de régularisation ;
- contrairement à ce que le tribunal administratif a retenu, il avait bien examiné la demande de Mme D... au regard du 5°) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;
- les autres moyens soulevés par Mme D... devant le tribunal administratif ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 mars 2019, Mme D..., représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête, et à ce que le versement d'une somme de 1 000 euros soit mis à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête du préfet de police a été présentée tardivement ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., ressortissante algérienne née le 15 mars 1987, a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 6 août 2018 par lequel le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Le préfet de police fait appel du jugement du 20 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif a annulé cet arrêté.
Sur la fin de non-recevoir soulevée par Mme D... :
2. Aux termes de l'article R. 776-9 du code de justice administrative applicable au contentieux des obligations de quitter le territoire français : " Le délai d'appel est d'un mois. Il court à compter du jour où le jugement a été notifié à la partie intéressée. Cette notification mentionne la possibilité de faire appel et le délai dans lequel cette voie de recours peut être exercée. ". Aux termes de l'article R. 751-4-1 du même code : " Par dérogation aux articles R. 751-2, R. 751-3 et R. 751-4, la décision peut être notifiée par le moyen de l'application informatique mentionnée à l'article R. 414-1 aux parties qui sont inscrites dans cette application ou du téléservice mentionné à l'article R. 414-6 aux parties qui en ont accepté l'usage pour l'instance considérée. / Ces parties sont réputées avoir reçu la notification à la date de première consultation de la décision, certifiée par l'accusé de réception délivré par l'application informatique, ou, à défaut de consultation dans un délai de deux jours ouvrés à compter de la date de mise à disposition de la décision dans l'application, à l'issue de ce délai (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que le jugement du tribunal administratif du 20 décembre 2018 a été mis à disposition du préfet de police le 20 décembre 2018 au moyen de l'application informatique mentionnée par les dispositions citées ci-dessus de l'article R. 751-4-1 du code de justice administrative, et n'a pas été consulté dans le délai de deux jours ouvrés à compter de cette date. Le délai d'appel d'un mois prévu par les dispositions citées ci-dessus de l'article R. 776-9 du même code n'était donc pas venu à expiration le 23 janvier 2019, date à laquelle la requête du préfet de police a été enregistrée au greffe de la Cour. Ainsi, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que cette requête aurait été présentée tardivement.
Sur la requête du préfet de police :
4. Il ressort de l'arrêté du préfet de police du 6 août 2018 que, si cet arrêté vise l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, son auteur a, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif, examiné la demande de Mme D... au regard du 5°) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Le préfet de police est donc fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge s'est fondé sur ce motif pour annuler son arrêté.
5. Toutefois, il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme D... devant le tribunal administratif et en appel.
Sur les autres moyens soulevés par Mme D... :
6. En premier lieu, l'arrêté en litige comporte l'énoncé de l'ensemble des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Ainsi, il est suffisamment motivé. Aucune disposition en vigueur n'imposait d'y joindre l'avis émis le 26 avril 2018 par le collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII).
7. En deuxième lieu, il ne ressort pas de la motivation de l'arrêté en litige qu'il n'aurait pas été précédé d'un examen complet de la situation de Mme D....
8. En troisième lieu, si Mme D... qui a eu communication de l'avis émis le 26 avril 2018 par le collège des médecins de l'OFII dans le cadre de l'instruction suivie devant le tribunal administratif, fait valoir que le collège des médecins ne s'est pas prononcé sur la possibilité pour son fils de bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays et sur la durée prévisible du traitement, comme le prévoit l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 visé ci-dessus, le collège n'est pas tenu de le faire lorsque, comme en l'espèce, il estime que le défaut de prise en charge médicale ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité.
9. En quatrième lieu, Mme D... ne saurait utilement invoquer les dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ne sont pas applicables aux ressortissants algériens, dont la situation est entièrement régie par les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.
10. En cinquième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an, portant la mention vie privée et familiale, est délivré de plein droit : (...) 5° au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autorisation de séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de refus (...) ".
11. Si Mme D... se prévaut de l'état de santé de son fils, né en Algérie le 17 novembre 2003, caractérisé par une pathologie neurologique et par un handicap visuel et cognitif sévère, et de la circonstance qu'il a été pris en charge par la Maison départementale du handicap et par un institut spécialisé, les certificats médicaux qu'elle a produits sont insuffisamment circonstanciés pour remettre en cause l'avis émis le 26 avril 2018 par le collège des médecins de l'OFII. Elle n'est donc pas fondée à soutenir que cet arrêté aurait pour effet de la séparer de son fils, contraint de demeurer en France.
12. Si Mme D... fait valoir également qu'elle est entrée en France en juillet 2014, qu'elle est intégrée professionnellement et socialement en France, que sa fille, née à Paris le 16 mars 2015, y est scolarisée à l'école maternelle, et que son père, l'un de ses frères et l'une de ses soeurs résident en France en situation régulière, elle ne conteste pas ne pas être dépourvue de toute attache familiale dans son pays où elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt-sept ans, et où réside notamment son époux. L'arrêté en litige ne peut, dans ces conditions, être regardé comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée, en méconnaissance des stipulations citées ci-dessus.
13. En sixième lieu, compte tenu de ce qui a été dit aux points 11 et 12, Mme D... n'est pas fondée à invoquer les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, et à soutenir que l'arrêté en litige reposerait sur une appréciation manifestement erronée de sa situation.
14. En dernier lieu, Mme D... ne saurait utilement invoquer les stipulations du 7°) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 dans le champ desquelles elle n'entre pas.
15. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 6 août 2018.
Sur les conclusions de Mme D... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme que Mme D... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1815798/2-3 du Tribunal administratif de Paris du 20 décembre 2018 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme D... devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions devant la Cour sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme C... D....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 12 novembre 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. B..., président assesseur,
- Mme Labetoulle, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 26 novembre 2019.
Le rapporteur,
J-C. B...
Le président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
A-L. CHICHKOVSKY PASSUELLO
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA00382