Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 12 février 2019, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1823488/8 du 27 décembre 2018 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- c'est à tort que le Tribunal administratif a jugé que ses arrêtés étaient entachés d'un défaut d'examen de la situation personnelle de M. B... ;
- les autres moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à M. B..., qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... ressortissant malien né le 12 mars 1991, entré en France en 2008 selon ses déclarations, a été interpellé par les services de police dans le cadre d'un contrôle d'identité. Par deux arrêtés du 18 décembre 2018, le préfet de police a, d'une part, obligé M. B... à quitter le territoire français, sans délai de départ volontaire, fixé le pays de destination et, d'autre part, prononcé à son encontre une interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée de douze mois. Le préfet de police relève appel du jugement du 27 décembre 2018 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a annulé ces arrêtés.
Sur le moyen d'annulation retenu par le Tribunal administratif de Paris :
2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée ".
3. Pour annuler l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français et, par voie de conséquence, celui prononçant une interdiction de retour, le Tribunal a relevé un défaut d'examen sérieux de la situation personnelle de l'intéressé par le préfet de police, qui n'a pas mentionné dans sa décision les attaches familiales de M. B... en France, la durée de son séjour ainsi que son isolement dans son pays d'origine. Toutefois il ressort des pièces du dossier que l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français mentionne que M. B... s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour le 3 décembre 2015 et s'est depuis maintenu sur le territoire français. Il rappelle que M. B... n'ayant pas exécuté une précédente obligation à quitter le territoire français du 25 novembre 2015 émis par le préfet du Val-de-Marne, le risque de fuite est caractérisé. Il mentionne également que l'intéressé ne peut justifier de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, et ne présente dès lors pas de garanties de représentation suffisantes. Enfin il mentionne que M. B... n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine et que la décision ne porte pas, au cas d'espèce, une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale dès lors qu'il se déclare célibataire sans enfant. Alors que M. B... n'a pas fait état préalablement à l'édiction de la décision attaquée, et notamment lors de son audition, de sa situation familiale, la seule circonstance que l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français ne mentionne pas la durée du séjour en France de M. B... ne saurait révéler un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle.
4. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le juge de première instance s'est fondé sur l'absence d'un tel examen particulier par le préfet pour annuler les arrêtés attaqués du 18 décembre 2018.
5. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. B... devant le Tribunal administratif de Paris.
Sur les autres moyens de la demande de M. B... :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
6. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 que la décision, qui mentionne les dispositions de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde, est suffisamment motivée.
7. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine. A supposer que M. B... établisse, par les pièces qu'il produit, résider de manière continue en France depuis 2009, il est constant qu'il n'a ni ressources ni contrat de travail et a déclaré être célibataire sans charge de famille en France. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier qu'il serait dépourvu d'attaches familiales au Mali. Dans ces conditions, la décision n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne le refus de délai de départ volontaire :
9. En premier lieu, le moyen soulevé contre cette décision, et tiré de " l'exception d'illégalité ", n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien fondé.
10. En second lieu, aux termes des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L 552-4, L. 561-1 et L. 561-2. (...) ".
11. Il ressort des pièces du dossier que M. B... s'est soustrait à l'exécution d'une précédente obligation de quitter le territoire français, qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité et qu'il a déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français. Dans ces conditions, en refusant d'accorder un délai de départ volontaire à M. B... le préfet de police n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
12. Le moyen soulevé contre cette décision, et tiré de " l'exception d'illégalité ", n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien fondé.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant douze mois :
13. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour.(...) La durée d'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
14. La décision prononçant l'interdiction de retour sur le territoire français comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle vise l'article L. 511-1, III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et il ressort des termes mêmes de la décision contestée que le préfet de police a pris en compte, au vu de la situation de M. B..., l'ensemble des critères prévus par la loi. L'arrêté indique ainsi que l'intéressé déclare être entré en France en 2008, qu'il n'a pas de liens forts et caractérisés en France, où il est célibataire sans enfant et qu'il a fait l'objet d'une précédente décision d'éloignement, sans lui opposer une menace pour l'ordre public. Par suite, le préfet de police a suffisamment motivé sa décision.
15. Il résulte des dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vigueur depuis le 1er novembre 2016, que, lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, ou lorsque l'étranger n'a pas respecté le délai qui lui était imparti pour satisfaire à cette obligation, il appartient au préfet d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français , sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. La durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés au paragraphe III de l'article L. 511-1 précité, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire
16. Malgré la durée de sa présence en France, à la supposer établie, M. B..., qui est célibataire sans enfant et ne justifie d'aucune intégration sur le territoire, n'établit ni même n'invoque l'existence de circonstances humanitaires qui auraient pu justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour sur le territoire français. En se bornant à faire état d'une résidence stable il n'établit pas que le préfet de police aurait commis une erreur d'appréciation en fixant à douze mois la durée de cette interdiction.
17. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé ses arrêtés du 18 décembre 2018.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1823488/8 du 27 décembre 2018 du Tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il a annulé les arrêtés du 18 décembre 2018 du préfet de police.
Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par M. B... devant le Tribunal administratif de Paris et tendant à l'annulation de ces arrêtés sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 12 novembre 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- Mme A..., président assesseur,
- Mme Oriol, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 26 novembre 2019.
Le rapporteur,
P. A...Le président,
C. JARDIN
Le greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA00717