Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 1er février 2016, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 15 décembre 2015 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la requête de Mme A...B... présentée devant le tribunal.
Il soutient que :
- le tribunal a à tort jugé que l'arrêté attaqué méconnaissait les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien alors qu'elle ne justifie pas de sa présence en France avant 2008 ;
- elle est célibataire et sans charge de famille en France et a vécu éloignée de ses parents plusieurs années, ceux-ci étant arrivés en 2000 et 2003 ;
- elle n'établit pas que son état nécessiterait la présence de sa famille proche et ne justifie pas de son intégration en France ni de son impossibilité de se réinsérer en Algérie où elle conserve des attaches familiales.
Par un mémoire en défense enregistré le 31 janvier 2017, Mme A...B..., représentée par Me Boudjellal, conclut au rejet de cette requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
- l'accord franco algérien du 27 décembre 1968 modifié,
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Labetoulle,
- et les observations de Me Boudjellal, avocat de Mme A...B....
1. Considérant que Mme A...B..., ressortissante algérienne, née en 1985, qui a déclaré être entrée en France le 5 août 2006, a sollicité en 2011 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des stipulations des articles 6-5, 6-7 et 7 b) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1967 modifié et des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le préfet de police, par un premier arrêté du 30 décembre 2011, a rejeté cette demande, a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; que le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté par jugement du 12 juillet 2012, annulé par la cour de céans par arrêt du 12 janvier 2013 ; que l'intéressée qui avait bénéficié d'un titre de séjour en application du jugement du 12 juillet 2012 a ensuite formé une nouvelle demande de titre le 2 avril 2014 sur le fondement des articles 6-5 et 7b de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le préfet de police a rejeté cette nouvelle demande par arrêté du 11 mai 2015 portant également obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et fixant le pays de renvoi ; que cet arrêté a été annulé par jugement du tribunal administratif du 15 décembre 2015 dont le préfet de police interjette appel ;
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) 5. Au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A...B...qui a accompli ses premières démarches auprès du préfet de police en 2009 ne justifie ni de la date et des conditions de son entrée en France en 2006, ni de sa présence effective sur le territoire national depuis cette date ; qu'elle ne justifie pas non plus d'une quelconque intégration professionnelle ; qu'elle est célibataire et sans charge de famille ; que, si ses parents et ses trois frères sont entrés en France respectivement en 2000 et 2003, Mme A... B...ne justifie pas ne plus avoir d'attaches familiales dans son pays d'origine, où résident sa grand-mère et ses tantes maternelles, où elle a vécu au moins jusqu'à l'âge de 21 ans et où elle s'est maintenue au moins jusqu'en 2006 après le départ de sa famille en France ; qu'enfin, si elle invoque son état de santé et la pathologie psychiatrique dont elle souffre, il ressort des pièces du dossier que si son état de santé nécessite une prise en charge médicale, elle peut néanmoins bénéficier d'un traitement et d'un suivi approprié dans son pays d'origine ; qu'il est d'ailleurs constant qu'elle a pu bénéficier d'un suivi ainsi que de soins en Algérie pour cette pathologie ; que le préfet de police est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé son arrêté au motif qu'il portait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus en méconnaissance des stipulations susmentionnées ;
4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance par Mme A...B...;
5. Considérant que l'arrêté attaqué énonce les considérations de fait et de droit sur lesquelles il se fonde et est par suite suffisamment motivé ; que l'obligation de quitter le territoire français n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte de la décision portant refus de délivrance du titre de séjour sollicité ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...)" ;
7. Considérant que pour les motifs énoncés au point 3, Mme A...B...n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté attaqué porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris ni par suite qu'il méconnaitrait les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet de police aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
8. Considérant que Mme A...B...invoque la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que l'autorité administrative n'avait pas à examiner la demande de l'intéressée sur le fondement de ces dispositions dès lors que l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié régit d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, ainsi que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés ; que s'il est toujours loisible au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation, ni l'état de santé de l'intéressée qui, ainsi qu'il a été dit peut faire l'objet d'une prise en charge appropriée dans son pays d'origine ni la présence en France de ses parents et de ses trois frères alors qu'elle conserve des attaches familiales dans son pays d'origine et qu'elle a vécu éloignée de ses parents et de sa fratrie pendant plusieurs années lors de leur arrivée en France, ne constituent des circonstances exceptionnelles ou des motifs humanitaires au sens de ces dispositions ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 11 mai 2015 par lequel il a refusé de délivrer à Mme A...B...le titre demandé et l'a obligée à quitter le territoire dans un délai d'un mois ; que, par voie de conséquence, les conclusions de Mme A...B...à fin d'injonction, et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1510162 du Tribunal administratif de Paris du 15 décembre 2015 est annulé.
Article 2: La demande présentée par Mme A...B...devant le tribunal et ses conclusions devant la Cour sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme C...A...B....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 14 mars 2017, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président assesseur,
- Mme Labetoulle, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 mars 2017.
Le rapporteur,
M-I. LABETOULLELe président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
T. ROBERT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA00434