Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 28 juin 2017, au greffe de la Cour administrative d'appel de Bordeaux, M.B..., représenté par MeC..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de La Réunion du 24 mai 2017 en tant qu'il a limité l'indemnisation de son préjudice moral à la somme de 5 000 euros ;
2°) de porter à 50 000 euros la somme que le SDIS sera condamné à lui verser en réparation de son préjudice moral et d'assortir cette somme des intérêts au taux légal ;
3°) de mettre à la charge du SDIS de la Réunion une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que le tribunal a, à tort, limité à 5 000 euros la somme à lui verser en réparation de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence résultant du harcèlement moral dont il a été victime alors notamment qu'il n'a jamais pu reprendre son travail et a souffert d'une forte dépression.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 novembre 2018, le service départemental d'incendie et de secours de la Réunion, représenté par MeD..., demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) de mettre à la charge de M. B...une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 7 novembre 2018 la clôture de l'instruction a été reportée du 7 novembre 2018 au 7 décembre 2018.
Par une ordonnance du 1er mars 2019, le président de la section du contentieux du Conseil d'État a attribué à la Cour la requête présentée par M.B....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Labetoulle,
- et les conclusions de M. Baffray, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., adjudant chef auprès du SDIS de la Réunion, a exercé les fonctions de chef du service hygiène et sécurité à partir du 15 mars 2008 mais a rencontré des difficultés avec ses supérieurs et certains collègues, notamment au cours de l'année 2012. Très affecté par cette situation, il a été placé en arrêt maladie à partir du 10 septembre 2012 et n'a que très brièvement repris son travail en septembre 2014 avant d'être à nouveau placé en congé maladie. Entretemps, dans sa séance du 29 août 2013, la commission de réforme a donné un avis favorable à la reconnaissance de sa pathologie comme contractée dans l'exercice des fonctions et ouvrant droit à un congé longue maladie. Par lettre du 6 octobre 2014, M. B...a sollicité le bénéfice de la protection fonctionnelle puis, le 2 février 2015, il a saisi le SDIS d'une demande tendant à la reconnaissance d'une situation de harcèlement moral et à l'indemnisation de ses préjudices. En l'absence de réponse, il a saisi le Tribunal administratif de La Réunion le 3 juin 2015 d'une requête tendant à l'indemnisation du préjudice qu'il estimait avoir subi. Avant que le tribunal ne statue, le SDIS lui a, par décision du 29 décembre 2016, accordé le bénéfice de la protection fonctionnelle. Par jugement du 24 mai 2017, le Tribunal administratif de La Réunion a jugé que les faits en cause étaient bien constitutifs d'un harcèlement moral mais n'a accordé à M. B...qu'une somme de 5 000 euros sur les 150 000 euros qu'il demandait en réparation de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence. M. B...interjette appel de ce jugement en tant qu'il a limité l'indemnisation de son préjudice à ce montant et sollicite à présent une indemnisation de 50 000 euros.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Si le SDIS, dans ses écritures en défense, conteste le fait que M. B...ait été victime de harcèlement moral, il ne forme pas d'appel incident à l'encontre du jugement en tant qu'il a retenu l'existence d'un tel harcèlement mais se borne à demander le rejet de la requête d'appel de M.B.... Par ailleurs, si celui-ci fait état de difficultés dès l'année 2010 il ressort de ses propres écritures et des pièces du dossier que le seul problème rencontré au cours de cette année a tenu au fait que des rapports d'enquête qu'il a établis après les accidents des 5 août et 6 novembre 2010 n'ont pas donné lieu à la saisine du comité d'hygiène et de sécurité ou aux suites qu'il jugeait nécessaires. De même, pour l'année 2011, il ne se plaint que de ce que ses alertes sur la présence d'amiante dans les bâtiments n'auraient pas été prises en compte et de ce qu'il aurait été écarté de l'enquête administrative diligentée sur cette question. Et s'il semble que sa mise à l'écart et ses problèmes soient en grande partie liés à la nomination d'un chargé de mission rattaché à la direction des ressources humaines et à qui auraient été confiées des attributions concurrentes des siennes, à la suite de quoi il aurait été progressivement mis à l'écart au profit de cet agent, il indique lui-même n'avoir eu connaissance de cette nomination qu'en février 2012, soit quelques mois seulement avant d'être placé en congé maladie en septembre 2012, et n'a ainsi eu à subir cette situation que pendant une durée assez limitée. Par ailleurs, s'il justifie, par les pièces versées au dossier, avoir, du fait de ses problèmes professionnels, développé un syndrome anxio-dépressif pour lequel il a fait l'objet d'un suivi de plusieurs années à partir de 2012, il ressort du certificat du 31 octobre 2016 du DrF..., psychiatre, qui l'a examiné le 25 octobre 2016 en vue de son passage devant la commission de réforme que, en dépit d'une fragilité résiduelle, son état est consolidé à cette date. De même si un précédent praticien, le DrE..., faisait état dans une attestation du 14 novembre 2012 de ce que les souffrances psychologiques du requérant auraient un impact sur sa vie relationnelle et affective, il résulte au contraire de l'attestation du Dr F...qu'il a déclaré lors de son examen par ce psychiatre se sentir " nettement mieux ", en faisant état notamment du " soutien de ses proches ". Au vu de l'ensemble des circonstances de l'espèce le tribunal administratif a fait une juste évaluation de son préjudice moral et de ses troubles dans ses conditions d'existence en condamnant le SDIS à lui verser une somme de 5 000 euros à ce titre.
3. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de La Réunion a limité à 5 000 euros la somme qu'il a condamné le SDIS à lui verser en réparation de ses préjudices liés au harcèlement moral subi. Sa requête ne peut dès lors qu'être rejetée.
Sur les intérêts :
4. Si M. B...n'est par suite pas fondé à demander une majoration de l'indemnisation prononcée par le tribunal administratif, il a en revanche droit aux intérêts au taux légal sur cette indemnité, à compter du 30 juin 2015, date d'enregistrement de sa demande de première instance.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
5. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge du SDIS, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. B...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B...la somme demandée par le SDIS de la Réunion sur le même fondement.
DÉCIDE :
Article 1er : La somme de 5 000 euros que le tribunal a mise à la charge du SDIS en réparation des préjudices subis par M. B...portera intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2015.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B...est rejeté.
Article 3 : Les conclusions du SDIS de la Réunion présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...G...B...et au SDIS de La Réunion.
Délibéré après l'audience du 14 mai 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- Mme Labetoulle, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 mai 2019.
Le rapporteur,
M-I. LABETOULLELe président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
P. TISSERAND
République mande et ordonne au préfet de La Réunion en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA022011