Procédure devant la Cour :
I Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés sous le n° 14PA03376, le
28 juillet 2014 et 5 février 2016, la société I2F, représentée par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1300246, 1300250 du 30 avril 2014 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;
2°) d'enjoindre à la direction des services fiscaux de la Nouvelle-Calédonie de délivrer aux investisseurs dénommés par la société I2F les certificats administratifs attendus ;
3°) de mettre à la charge du Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie le versement d'une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement du tribunal administratif est entaché d'erreurs de droit et le tribunal a omis de statuer sur l'exception d'illégalité de l'arrêté du 10 avril 2012 ;
- le second arrêté du 7 août 2012 a fait courir un nouveau délai pour dénommer les investisseurs à compter de sa notification ;
- l'arrêté d'agrément du 10 avril 2012 est illégal car il méconnaît les dispositions du VI de l'article Lp. 45 ter 1 du code des impôts.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 juillet 2015, la Nouvelle-Calédonie représentée par la Scp Delaporte, Briard, Trichet , conclut au rejet de la requête et à ce que le versement d'une somme de 6 000 euros soit mis à la charge de la société I2F sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le délai pour lever les conditions résolutoires a commencé à courir à compter de la notification de l'arrêté du 10 avril 2012 ;
- l'arrêté du 7 août 2012 modifie uniquement les conditions suspensives prévues par l'arrêté du 10 avril 2012 ;
- l'arrêté d'agrément n'est pas entaché d'illégalité.
II Par une requête enregistrée sous le n° 14PA03378, le 29 juillet 2014, la société
Pains du Coeur, représentée par la SCP Pelletier-Fisselier-Casies, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1300246, 1300250 du 30 avril 2014 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;
2°) d'enjoindre à la direction des services fiscaux de la Nouvelle-Calédonie de délivrer aux investisseurs dénommés par la société I2F les certificats administratifs attendus ;
3°) de mettre à la charge du Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie le versement d'une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement du tribunal administratif est entaché d'erreurs de droit et le tribunal a omis de statuer sur l'exception d'illégalité de l'arrêté du 10 avril 2012 ;
- le second arrêté du 7 août 2012 a fait courir un nouveau délai pour dénommer les investisseurs à compter de sa notification ;
- l'arrêté d'agrément du 10 avril 2012 est illégal car il méconnaît les dispositions du VI de l'article Lp. 45 ter 1 du code des impôts ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 juillet 2015, la Nouvelle-Calédonie représentée par la Scp Delaporte, Briard et Trichet, conclut au rejet de la requête et à ce que le versement d'une somme de 6 000 euros soit mis à la charge de la société Pains du Coeur sur le fondement de
l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le délai pour lever les conditions résolutoires a commencé à courir à compter de la notification de l'arrêté du 10 avril 2012 ;
- l'arrêté du 7 août 2012 modifie uniquement les conditions suspensives prévues par l'arrêté du 10 avril 2012 ;
- l'arrêté d'agrément n'est pas entaché d'illégalité.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code des impôts ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mosser, président assesseur,
- les conclusions de M. Rousset, rapporteur public,
- et les observations MeB..., représentant la Scp Delaporte, Briard et Trichet, avocat du Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.
1. Considérant que les requêtes de la société I2F et de la société Pains du Coeur sont dirigées contre un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt ;
2. Considérant que, par courrier en date du 21 décembre 2010, la SAS Ingénierie financière et fiscale (I2F), a déposé à la direction des services fiscaux de la Nouvelle-Calédonie, pour le compte de la Sarl Pains du Coeur, qui l'a mandatée spécialement pour cette opération, une demande d'agrément au bénéfice des articles Lp. 45 ter 1 et Lp. 45 ter 2 du code des impôts pour la réalisation d'une unité de fabrication de produits de viennoiserie surgelés sur la commune de Voh, le montant de l'investissement tel que déclaré à l'administration s'élevant à 160 000 000 francs CFP ; que la demande d'agrément a été complétée, sur requête des services fiscaux, les 21 juillet et 17 août 2011, un récépissé de dépôt du dossier ayant été délivré le 9 août 2011; que le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a pris, le 10 avril 2012, un arrêté portant agrément de la Sarl Pains du Coeur au bénéfice des articles Lp. 45 ter 1 et Lp. 45 ter 2 du code des impôts; que l'article 7 de cet arrêté, sous l'intitulé "Obligations à la charge de la société constituant des conditions suspensives", a prévu que : "Compte tenu de la base éligible retenue, la Sarl Pains du Coeur devra produire à la direction des services fiscaux de la Nouvelle-Calédonie un nouveau plan de financement offrant toute garantie vis-à-vis des tiers dans un délai maximum d'un mois à compter de la notification de la présente décision. Elle devra également produire à la direction des services fiscaux de la Nouvelle-Calédonie un rescrit de la direction générale des finances publiques confirmant l'éligibilité du projet au bénéfice de l'aide fiscal à l'investissement outre-mer de plein droit, dans un délai maximum d'un mois à compter de la délivrance dudit rescrit. La levée de ces conditions sera matérialisée par la délivrance des certificats administratifs par la direction des services fiscaux."; que l'article 8 du même arrêté prévoyait sous l'intitulé " Obligations à la charge de la société constituant des conditions résolutoires opérant de plein droit " : (...) "La Sarl Pains du Coeur doit faire parvenir à la direction des services fiscaux : /- dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêté l'identification des investisseurs s'engageant à apporter les financements, conformément au VI de l'article Lp. 45 ter1 du code des impôts." ; que par un arrêté du 7 août 2012, le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a modifié l'arrêté du
10 avril 2012 portant agrément de la Sarl Pains du Coeur, en prévoyant en son article 1er : "La condition suspensive prévue au deuxième alinéa de l'article 7 de l'arrêté susvisé liée à l'obtention préalable d'un rescrit favorable de la DGFIP, est supprimée " et en son article 2 : "Il est inséré en dernier alinéa de l'article 8 de l'arrêté susvisé les termes suivants : "Elle s'engage également à produire à la direction des services fiscaux une attestation d'éligibilité du projet au bénéfice de l'aide fiscale à l'investissement outre-mer de plein droit de l'Etat, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêté." ; que la société Pains du Coeur et la société I2F relèvent appel du jugement en date du 30 avril 2014 par lequel le tribunal de Nouvelle-Calédonie a rejeté leurs demandes en annulation de la décision en date du 26 avril 2013 par laquelle le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a refusé de délivrer les certificats administratifs matérialisant le respect des conditions suspensives prévues par l'arrêté d'agrément ;
Sur la régularité du jugement :
3. Considérant que les erreurs de droit commises par le tribunal, si elles sont susceptibles d'affecter le bien-fondé du jugement sont en tout état de cause sans incidence sur la régularité de ce jugement et relèvent uniquement du contrôle opéré par l'effet dévolutif de l'appel ;
4. Considérant que les sociétés requérantes soutiennent que le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de l'illégalité de l'arrêté du 10 avril 2012 portant agrément de la société Pains du Coeur au bénéfice des dispositions des articles Lp. 45 ter 1 et Lp. 45 ter 2 du code des impôts ; que toutefois, à le supposer fondé, le moyen invoqué n'aurait pu conduire qu'à confirmer la décision de refus de délivrance des certificats administratifs contestée ; que, par suite, le moyen était inopérant ; qu'ainsi, le tribunal, qui n'est pas tenu de répondre aux moyens inopérants, n'a pas entaché sa décision d'irrégularité ;
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de refus de délivrance des certificats administratifs en date des 17 et 26 avril 2013 :
5. Considérant qu'aux termes de l'article Lp. 45 ter 1 du code des impôts de la
Nouvelle-Calédonie : " (...)/ VI. (...) L'entreprise bénéficiaire de l'agrément doit fournir au service chargé de l'instruction, dans un délai de trois mois maximum à compter de la notification de la décision d'agrément, les éléments définis par un arrêté du gouvernement relatifs aux investisseurs ayant apporté leur financement et indiquer la durée prévisionnelle du portage du financement. Un certificat administratif relatif au montant du crédit d'impôt, à la période d'imputation et au taux de la rétrocession à reverser à l'entreprise réalisant l'investissement est notifié par le service chargé de l'instruction, à chacun des investisseurs financiers dans les conditions définies par un arrêté du gouvernement. Le certificat administratif est obligatoirement joint à la déclaration de résultat de l'exercice ou la déclaration annuelle de revenus au titre desquels est pratiquée l'imputation du crédit d'impôt. A défaut de fournir dans le délai précité, éventuellement prorogé d'un mois, sur demande motivée de l'entreprise, les éléments relatifs aux investisseurs financiers, la décision d'agrément concernant le programme d'investissement devient caduque de plein droit et l'entreprise pétitionnaire devra présenter, le cas échéant, une nouvelle demande d'agrément " ;
6. Considérant, en premier lieu, que les sociétés ne peuvent pas utilement se prévaloir, par la voie de l'exception, de l'illégalité de l'arrêté du 10 avril 2012 ainsi qu'il résulte du point 4 ;
7. Considérant, en second lieu, qu'il est constant que l'arrêté du 10 avril 2012 a été notifié le 18 avril 2012 ; que cette notification a fait courir un délai de trois mois expirant le 18 juillet 2012 en application des dispositions législatives citées au point 5 qui prévoient que l'entreprise bénéficiaire de l'agrément doit fournir au service chargé de l'instruction, dans un délai de trois mois maximum à compter de la notification de la décision d'agrément, les éléments, définis par un arrêté du gouvernement, relatifs aux investisseurs ayant apporté leur financement et indiquer la durée prévisionnelle du portage du financement ;
8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par un courrier en date du 2 août 2012, la société I2F a indiqué au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, que, conformément à l'article 8 de l'arrêté du 10 avril 2012, les investisseurs financiers s'engageant à apporter les financements à la Sarl Pains du Coeur étaient, notamment, la société générale calédonienne de banque ; que le même courrier d'I2F indiquait, par ailleurs, que : "Conformément à l'arrêté n° 2008-523/GNC du
29 janvier 2008, la Sarl Pains du Coeur vous transmettra les détails des financements apportés dans les trente jours suivant la perception des fonds des sociétés susvisées par le biais d'une
Société Civile." ; que, par un courrier en date du 3 octobre 2012, la société I2F a informé la direction des services fiscaux de la Nouvelle-Calédonie de la circonstance que la société générale calédonienne de banque ne lui avait finalement pas confirmé son souhait de participer à l'opération ; que la société I2F communiquait à l'administration, dans ce même courrier, une liste actualisée des huit investisseurs calédoniens financiers s'étant engagés à apporter les financements à la
Sarl Pains du Coeur ; que ce n'est que par un courrier en date du 7 novembre 2012, que la
société I2F a adressé à la direction des services fiscaux de la Nouvelle-Calédonie les informations relatives au montant des financements apportés et à la date des versements effectués, à la dénomination des investisseurs, à la durée d'affectation des financements et aux engagements souscrits par lesdits investisseurs financiers ;
9. Considérant que ni la circonstance alléguée que des échanges avec l'administration fiscale se sont poursuivis après le 18 juillet 2012, ni l'arrêté modificatif du 7 août 2012, qui ne constitue pas un nouvel arrêté d'agrément ainsi qu'il résulte du point 1, pris en outre alors que l'arrêté d'agrément été déjà caduc de plein droit, n'ont pu avoir pour effet de faire courir un nouveau délai ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les sociétés requérantes n'ont pas fourni à l'administration, dans le délai imparti par la loi fiscale susvisée, les éléments relatifs aux investisseurs financiers ; qu'ainsi, la direction des services fiscaux, en refusant la délivrance des certificats administratifs, n'a pas méconnu les dispositions de la loi fiscale du pays ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Pains du Coeur et la société I2F ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le
Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté leurs demandes ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
12. Considérant que la présente décision n'implique aucune mesure d'exécution ; que par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par les sociétés requérantes ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Nouvelle-Calédonie, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que les sociétés requérantes demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ; que, par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de sociétés requérantes le versement de la somme que la Nouvelle-Calédonie demande sur le fondement des mêmes dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les requêtes de la société I2F et de la société Pains du Coeur sont rejetées.
Article 2 : Les conclusions de la Nouvelle-Calédonie présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société I2F, à la société Pains du Coeur et à la
Nouvelle-Calédonie.
Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.
Délibéré après l'audience du 19 février 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Driencourt, président de chambre,
- Mme Mosser, président assesseur,
- M. Cheylan, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 4 mars 2016.
Le rapporteur,
G. MOSSERLe président,
L. DRIENCOURT Le greffier,
F. DUBUY
La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Nouvelle Calédonie, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14PA03376, 14PA03378