Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 22 mars 2019, la SASU Futuro, représentée par Me Bouquet, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°1802014/1-1 du 31 janvier 2019 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'administration a méconnu l'article L. 51 du livre des procédures fiscales en ce qui concerne le report, pour un montant de 22 186 euros sur le mois de septembre 2009, d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée constaté dans les comptes de l'exercice clos le 31 août précédent remis en cause le crédit de taxe sur la valeur ajoutée, d'un montant de 22 186 euros, qu'elle a reporté sur le mois de septembre 2009 ;
- elle a de ce fait méconnu les dispositions de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ;
- le rappel de taxe sur la valeur ajoutée collectée, d'un montant de 11 760 euros au 31 août 2010 n'est pas fondé, la taxe n'étant pas exigible ;
- l'administration a rejeté à tort la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée grevant des factures de Magic Online au 31 août 2010, 2011 et 2012 ;
- c'est à tort que l'administration a réintégré dans ses bénéfices imposables plusieurs sommes portées au crédit du compte courant de son associé, M. A... ;
- les produits constatés d'avance au 31 août 2012 correspondent à des prestations non encore achevées à la date de clôture des exercices au bénéfice de plusieurs sociétés et devaient donc être déduites du bénéfice imposable ;
- c'est également à tort que le service a considéré que les charges correspondant aux prestations fournies par les sociétés Magic Online, France Télécom comme n'ayant pas été engagées dans l'intérêt de l'entreprise et qu'il a refusé d'admettre en déduction de ses résultats les frais de voyage et de déplacement de son gérant ;
- s'agissant de la pénalité pour manquement délibéré, l'administration ne démontre pas qu'elle aurait agi de manière intentionnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 septembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics, conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- les conclusions de la requête ne sont recevables que dans la limite du montant des droits et pénalités correspondant aux chefs de rectification effectivement contestés dans la réclamation ;
- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Soyez,
- et les conclusions de M. Segretain, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société par actions simplifiées à associé unique (Sasu) Futuro, qui exerçait alors une activité de conseil pour les affaires et la gestion, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er septembre 2009 au 31 août 2012 et qui a été prolongée jusqu'au 30 juin 2013 en matière de taxe sur la valeur ajoutée. Ce contrôle a entraîné des suppléments de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur les sociétés, en droits et pénalités, que le Tribunal administratif de Paris a confirmés par un jugement du 31 janvier 2019 dont la société relève appel.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales, en vigueur lors de la procédure de contrôle : " Lorsque la vérification de la comptabilité, pour une période déterminée, au regard d'un impôt ou taxe ou d'un groupe d'impôts ou de taxes est achevée, l'administration ne peut procéder à une nouvelle vérification de ces écritures au regard des mêmes impôts ou taxes et pour la même période. Toutefois, il est fait exception à cette règle lorsque la vérification a été limitée à des opérations déterminées ainsi que dans les cas prévus aux articles L. 176 en matière de taxes sur le chiffre d'affaires et L. 187 en cas d'agissements frauduleux, ainsi que dans les cas de vérification de la comptabilité des sociétés mères qui ont opté pour le régime prévu à l'article 223 A du code général des impôts et dans les cas prévus à l'article L. 188 A après l'intervention de la réponse de l'autorité compétente de l'autre Etat ou territoire ". Et aux termes de l'article L 176 du même livre : " Pour les taxes sur le chiffre d'affaires, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts./Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la sixième année qui suit celle au titre de laquelle la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts, lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce (1)./Dans le cas où l'exercice ne correspond pas à une année civile, le délai part du début de la première période sur laquelle s'exerce le droit de reprise en matière d'impôt sur le revenu et d'impôt sur les sociétés et s'achève le 31 décembre de la troisième année suivant celle au cours de laquelle se termine cette période./Dans le cas prévu au troisième alinéa du 1 du 7° de l'article 257 du code général des impôts, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle intervient la délivrance du permis de construire ou le début des travaux ". Ces dispositions permettent à l'administration de comprendre dans une nouvelle vérification, même si cela déroge aux prescriptions de l'article L 51 du livre des procédures fiscales, une fraction de période d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée ayant déjà fait l'objet d'une vérification, dès lors que cette fraction se trouve incluse dans un exercice qui se situe à l'intérieur du délai de répétition prévu en matière d'impôt sur le revenu et d'impôt sur les sociétés. Si la Sasu Futuro estime irrégulière la procédure d'imposition au regard des dispositions précitées du livre des procédures fiscales s'agissant du report pour un montant de 22 186 euros sur le mois de septembre 2009 d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée constaté dans les comptes de l'exercice clos le 31 août précédent, elle critique en fait la méconnaissance de la position qu'aurait prise l'administration sur la déduction de crédit au cours d'une précédente vérification de comptabilité. Par suite, le moyen soulevé est relatif au bien-fondé de l'administration.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne les droits de taxe sur la valeur ajoutée :
3. En premier lieu, comme il a été dit au paragraphe précédent, la Sasu Futuro a enregistré dans ses comptes le report pour un montant de 22 186 euros sur le mois de septembre 2009 d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée constaté dans les comptes de l'exercice clos le 31 août précédent et sa déduction sur la déclaration CA de novembre 2009. La seule circonstance que l'administration ne se serait pas prononcée au sujet de ce report et de sa déduction au cours d'une précédente vérification de comptabilité ne saurait s'analyser comme une prise de position de fait, au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, qui serait opposable à l'administration lors de la remise en cause de la déduction litigieuse. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de la position prise par l'administration sur cette déduction ne peut qu'être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes du 3 de l'article 283 du code général des impôts : " Toute personne qui mentionne la taxe sur la valeur ajoutée sur une facture est redevable de la taxe du seul fait de sa facturation ".
5. Il résulte de l'instruction que la Sasu Futuro a émis, le 1er janvier 2010, à destination de la société MGI Audit et Gestion une facture d'un montant total de 71 760 euros incluant une taxe sur la valeur ajoutée de 19,6 % pour un montant de 11 760 euros. Elle n'a cependant pas reversé au Trésor la taxe sur la valeur ajoutée s'y rapportant, alors même que le paiement de cette facture a été comptabilisé au débit de son compte client dans la comptabilité de la société MGI Audit et Gestion. En application des dispositions précitées du code général des impôts, la Sasu Futuro était redevable de cette taxe du seul fait de sa facturation. Ainsi, le moyen tiré du caractère infondé du rappel de la taxe sur la valeur ajoutée collectée ne peut qu'être écarté.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. (...) ". En application de ces dispositions, si le contribuable présente une facture dont l'auteur est régulièrement inscrit au registre du commerce et se présente comme assujetti sans que la mention de la taxe sur la valeur ajoutée soit manifestement abusive, il incombe à l'administration d'établir que cette facture est fictive ou de complaisance.
7. L'administration a, d'une part, remis en cause la déduction par la Sasu Futuro, au titre de la période en litige, de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les dépenses afférentes à des prestations de maintenance informatique fournies par la société Magic Online, société régulièrement inscrite au registre du commerce et se présentant comme assujettie à la taxe. Les factures correspondant à ces dépenses font cependant mention non de travaux de maintenance informatique réalisés sur un ou plusieurs sites de la société requérante, mais de travaux effectués pour le compte de différents sites "mgi" avec terminaison ".com". De plus, le code client MGI Audit 75018 figure sur toutes les factures. Dès lors, l'administration était fondée à considérer que ces dépenses de maintenance informatique concernaient la Sarl MGI Audit et Gestion, société sise, 1 bis rue Cauchois 75018 Paris, qui loue un local à cette adresse à la société Futuro et dont M. A... est le gérant de fait. À supposer que la trace comptable des factures établies au nom de la Sasu Futuro se trouve dans les extraits du grand livre de cette société, cette circonstance est sans incidence sur la fourniture effective des prestations en cause à la requérante, fourniture qui n'est corroborée par aucun document se rapportant à l'exécution des travaux. Par suite, le moyen tiré du rejet injustifié de la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée grevant ces dépenses, doit être écarté.
8. En dernier lieu, la Sasu Futuro ne conteste pas sérieusement que les factures qui lui étaient adressées par le prestataire France Télécom, concernent des lignes et abonnements installés à l'adresse du domicile personnel de son gérant. Dans sa réponse du 29 octobre 2013 au questionnaire adressé par le service vérificateur, elle a indiqué que l'une des lignes était résiliée et que l'autre servait au travail à domicile. Par cette dernière affirmation, elle n'établit pas que ces dépenses téléphoniques de son gérant étaient engagées pour les besoins de son exploitation. Dans ces conditions, l'administration était fondée à rejeter la déduction, au titre de la période en litige, de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé ces factures.
En ce qui concerne les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés :
9. D'une part, aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 33 ter, 40 à 43 bis et 151 sexies, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. 2 bis. Pour l'application des 1 et 2, les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l'avance en paiement du prix sont rattachés à l'exercice au cours duquel intervient la livraison des biens pour les ventes ou opérations assimilées et l'achèvement des prestations pour les fournitures de services (...) ". D'autre part, aux termes de l'article 39 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ".
10. Il appartient à l'entreprise vérifiée de justifier des écritures portées sur un compte de tiers figurant au passif du bilan. Ainsi, lorsqu'un associé procède à un apport en compte courant, il doit apporter des éléments prouvant qu'il a effectué un virement depuis son compte bancaire personnel sur le compte de la société en produisant par exemple, l'avis de virement bancaire ou les relevés de comptes bancaires de l'apporteur et du bénéficiaire. S'il effectue des dépenses pour le compte de la société avec ses deniers personnels, il doit produire les factures correspondantes ainsi que ses relevés de compte bancaire personnel qui attestent du paiement de ces dépenses. A défaut, l'administration peut réintégrer dans le bénéfice imposable le montant de la dette figurant au passif du bilan dont la réalité n'a pas été établie.
11. En premier lieu, s'agissant des sommes inscrites au compte courant d'associé de M. A..., le report " à nouveau " qui figure au passif du bilan d'ouverture de l'exercice non prescrit, au 1er septembre 2009, n'a donné lieu à aucun supplément d'imposition. De plus, le fait que le crédit de 1 965 euros comptabilisé le 31 août 2011 provient de la société MGI Audit et Gestion n'est pas de nature à justifier l'écriture d'apport en compte courant de M. A..., faute pour l'associé de justifier d'une créance sur la Sasu Futuro. Enfin, dans l'exercice de son droit de communication auprès de l'établissement bancaire gestionnaire du compte de la société, en application des articles L. 81, L. 83, L. 85 et L. 102 B du livre des procédures fiscales, l'administration a constaté que les crédits d'un montant de 17 940 euros, 3 588 euros et 8 870 euros, figurant sur le compte courant de l'associé, provenaient en fait de produits de vente à des clients de la Sasu Futuro, que cette dernière avait omis de déclarer. Ainsi, faute d'établir les créances que M. A... détenait directement ou indirectement sur elle, la Sasu Futuro ne combat pas efficacement le caractère de passif non justifié des sommes inscrites au crédit du compte courant de l'associé.
12. En deuxième lieu, la Sasu Futuro a retranché de son bénéfice imposable des " produits constatés d'avance " d'un montant de 71 488 euros, à l'exercice clos le 31 août 2012, motif pris de l'inachèvement, dû à un incendie, des prestations de son gérant en faveur des sociétés Market Gestion Conseil et MGI Audit. Toutefois, il résulte de l'instruction que les produits facturés ont été réglés, soit directement soit par compensation entre ces sociétés qui ont le même actionnaire et le même gérant. Par suite, quel que soit le temps où devait intervenir le règlement de ces prestations, dont la teneur n'a pas été précisée, ces produits ont donné lieu à règlement. Le moyen tiré de la réintroduction erroné dans les bénéfices imposables ne peut qu'être écarté.
13. En troisième lieu, si la société requérante conteste le rejet de la déduction de dépenses de maintenance informatique facturées par la SARL Audit et Gestion, pour des montants hors taxe s'élevant respectivement à 708 euros, à 727 euros et à 330 euros au titre de chacun des exercices en litige, elle n'apporte aucun élément de preuve pour établir la réalité et l'intérêt pour elle de ces dépenses.
14. En quatrième lieu, s'agissant des factures de dépenses de télécommunication pour des montants hors taxes de 775 euros, de 1062 euros et de 895 euros au titre de chacun des trois exercices en litige, qui ont été considérées par le service comme ayant été engagées au profit exclusif de son gérant, la société Futuro n'apporte aucun justificatif de nature à démontrer leur caractère professionnel.
15. Enfin s'agissant des indemnités kilométriques versées à M. A..., il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges au point 18 du jugement et non critiqués en appel, d'écarter le moyen tiré du rejet injustifié de leur déduction.
Sur les pénalités :
16. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges aux points 19 et 20 du jugement attaqué, d'écarter les moyens repris sans changement en appel à l'appui de la contestation de ces pénalités.
17. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par l'administration, que la Sasu Futuro n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la Sasu Futuro est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la Sasu Futuro et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.
Délibéré après l'audience du 14 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- M. Soyez, président,
- Mme Jurin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 octobre 2021.
Le rapporteur,
J. E. SOYEZ Le président de chambre
C. JARDIN
La greffière,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA01122