Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 3 janvier 2017, la société CEGELEC, représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner la commune de Gambier à lui verser la somme de 11 483 154 francs CFP, assortie des intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 12 octobre 2015 ;
3°) de mettre à la charge de commune de Gambier la somme de 300 000 francs CFP sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les contrats en cause sont des contrats de gérance dans lesquels le risque d'exploitation du service est à la charge de la collectivité et non de son cocontractant, qui reçoit une rémunération forfaitaire ;
- en exécution des articles 6 des deux conventions relatives à l'exploitation de la distribution d'eau et d'énergie électrique du 23 février 1999, cette dernière complétée par un avenant du 8 septembre 2003, la commune de Gambier est tenue de s'acquitter du déficit de l'exploitation approuvé par la délibération n° 23/2015 du conseil municipal du 1er septembre 2015 ;
- la commune n'a ni établi ni même allégué une faute de la société, qui serait seule de nature à faire obstacle à l'exécution de son obligation de garantir le risque d'exploitation ;
- la commune disposait de tous les éléments nécessaires pour apprécier la situation financière de l'exploitation des services sans qu'un déficit d'informations puisse être imputé à la société ;
- le recouvrement des factures impayées incombait à la commune qui disposait à cette fin de son personnel et ne saurait reprocher à la société ses propres manquements ;
- la société intervenait en tant que prestataire en charge d'une mission d'assistance technique et ne disposait d'aucun pouvoir de coercition pour interrompre, le cas échéant, la distribution d'eau ou d'électricité aux usagers ;
- le déficit d'exploitation ne résulte au demeurant que de manière partielle du montant des impayés dont la société n'a pas à assumer la charge finale.
Une mise en demeure a été adressée le 31 janvier 2018, sur le fondement de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, à la commune de Gambier.
Par ordonnance du 17 septembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 18 octobre 2018.
Un mémoire a été présenté pour la commune de Gambier par MeA..., le 12 février 2019, postérieurement à la clôture d'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mantz,
- les conclusions de Mme Jayer, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par deux conventions signées le 23 février 1999, renouvelées annuellement par tacite reconduction, la commune de Gambier a confié à la société CEGELEC, aux termes de l'article 1er de ces conventions, la " gérance du service de la production et la distribution publique d'eau destinée à la consommation humaine " et la " gérance du service de la production et la distribution publique d'énergie électrique ". Par deux lettres du 22 août 2014, la société CEGELEC a informé la commune que ces deux conventions ne seraient pas renouvelées pour l'année 2015. Par lettre du 12 octobre 2015, la société CEGELEC a demandé à la commune de Gambier de lui verser la somme de 11 483 154 francs CFP HT, correspondant au solde déficitaire d'exploitation global des deux services précités pour l'année 2014, tel qu'approuvé par la délibération n° 23/2015 du conseil municipal de la commune de Gambier du 1er septembre 2015. La société CEGELEC relève appel du jugement du 22 novembre 2016 par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Gambier à lui verser la somme précitée.
Sur les conclusions aux fins d'indemnisation :
2. Aux termes de l'article 6 des deux conventions pour l'exploitation de la distribution publique d'eau destinée à la consommation humaine et pour l'exploitation de la distribution d'énergie électrique : " CEGELEC est tenue d'assurer la trésorerie de l'exploitation ". Ce même article 6 stipule que tous les trois mois s'agissant de la distribution d'eau et tous les ans s'agissant de la distribution d'énergie électrique, la société fournira un compte d'exploitation à réception duquel " 1) La commune s'acquittera par mandatement du déficit de l'exploitation sous 45 jours. 2) La CEGELEC s'acquittera par virement au compte hors budget "fonds de renouvellement" de la commune de Gambier du bénéfice de l'exploitation sous 45 jours ". Aux termes de l'article 7 des deux conventions : " CEGELEC ouvrira, dès qu'il entrera en fonction, un compte d'exploitation qui (...) comprendra toutes les opérations relatives à l'exploitation du réseau et notamment (...) en recettes : a) toutes les sommes perçues ou à percevoir par Cegelec pour la vente (...) déduction faite des facturations reconnues irrécouvrables avec l'accord de la commune. b) les versements de la Commune pour solde du déficit, s'il y a lieu. / Ce compte sera arrêté chaque année, ainsi qu'il a été dit plus haut. Il sera soumis à l'approbation de la commune avant le 1er février de l'année suivante. Sans réponse de celle-ci avant le 15 mars il sera approuvé d'office. (...) Le compte d'exploitation (...) sera réglé de la façon suivante : - S'il est débiteur, par le versement à CEGELEC, par la commune dudit solde (...) ". Enfin, l'article 11 des deux conventions prévoit, s'agissant de la rémunération du gérant, que celle-ci est constituée, s'agissant de la convention relative à la distribution d'eau, de " 3 % du montant des dépenses enregistrées sur le compte d'exploitation " et, s'agissant de la convention relative à la distribution d'énergie électrique, de " 3 % du montant de la facturation de la consommation d'énergie ".
3. Il ressort des stipulations qui précèdent des deux conventions relatives aux services publics de la distribution d'eau et d'énergie électrique que si la commune de Gambier, qui assume le risque d'exploitation de ces deux services, a seule vocation à percevoir les bénéfices générés par cette exploitation, le gérant étant quant à lui rémunéré de manière forfaitaire et non liée aux résultats de l'exploitation, elle est en revanche tenue, dès lors que les comptes d'exploitation annuels de ces deux services ont été approuvés par elle, de s'acquitter, le cas échéant, du déficit de ces comptes. La circonstance que ceux-ci comportent, dans le chapitre des dépenses, un poste d'impayés est sans incidence sur l'obligation précitée à la charge de la commune, dès lors que l'approbation du compte d'exploitation par cette dernière doit être regardée comme constituant l'accord, prévu à l'article 7 desdites conventions, de la déduction en recettes des facturations reconnues irrécouvrables et, en conséquence, de leur imputation au chapitre des dépenses.
4. Il est constant que, par une délibération de son conseil municipal en date du 1er septembre 2015, la commune de Gambier a approuvé les comptes d'exploitation des services de l'électricité et de l'eau au titre de l'exercice 2014. Il résulte de l'examen desdits comptes que le compte d'exploitation de l'eau présente un résultat excédentaire de 770 876 francs CFP HT et que le compte d'exploitation de l'électricité présente un résultat déficitaire de 12 254 030 francs CFP HT. Le résultat global des deux services est, dès lors, constitué d'un solde déficitaire de 11 483 154 francs CFP HT, montant expressément approuvé par le conseil municipal dans sa délibération précitée. Par suite et conformément à ce qui a été dit au point 3, la commune de Gambier était tenue de s'acquitter auprès de la société CEGELEC de cette somme.
5. La commune de Gambier oppose au versement du solde du déficit, tel que prévu à l'article 7 des conventions précitées, l'inexécution par la société CEGELEC de son obligation contractuelle de procéder au recouvrement des factures impayées. Elle soutient que la société n'ayant pas justifié des diligences requises, qui, selon la commune, lui incombaient, dans le cadre de cette mission de recouvrement, notamment concernant le service de la distribution d'énergie électrique, elle est fondée à s'exonérer du versement du solde déficitaire précité, lequel résulte principalement du montant des factures impayées. Toutefois, il ne résulte d'aucune stipulation contractuelle ni d'aucun motif d'intérêt général que, à supposer même que la société CEGELEC ait manqué à son obligation d'accomplir les diligences nécessaires au recouvrement des factures impayées des deux services de la distribution d'eau et d'énergie électrique, la commune puisse s'exonérer du paiement du déficit d'exploitation au titre de l'exercice 2014 qu'elle a préalablement approuvé. En outre et en admettant même que la commune, par ses écritures de première instance, soit regardée comme demandant à la juridiction d'effectuer une compensation entre sa dette résultant de son obligation de versement du déficit d'exploitation et la créance qu'elle détiendrait sur la société CEGELEC du fait de l'imputabilité à cette dernière du montant des impayés inclus dans ce déficit, une telle créance ne présente en tout état de cause pas la nature d'une créance certaine, liquide et exigible et n'est dès lors pas susceptible d'être payée par voie de compensation avec le solde du déficit d'exploitation.
6. Il résulte de ce qui précède que, d'une part, la société CEGELEC est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Gambier à lui verser la somme de 11 483 154 francs CFP HT, représentative du déficit d'exploitation global des deux services publics de l'électricité et de l'eau au titre de l'exercice 2014 et, d'autre part, qu'il y a lieu de condamner la commune de Gambier à verser à la société CEGELEC ladite somme.
Sur les intérêts :
7. La société CEGELEC demande que la condamnation de la commune de Gambier soit assortie des intérêts au taux légal à compter du 12 octobre 2015, date de sa demande préalable. Toutefois, en l'absence de preuve de la date à laquelle la commune aurait reçu cette lettre, la société est seulement fondée à demander que la somme de 11 483 154 francs CFP HT soit assortie des intérêts légaux à compter de la date d'enregistrement de sa demande devant le tribunal, soit le 12 janvier 2016.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Gambier la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société CEGELEC et non compris dans les dépens de la présente instance.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de la Polynésie française n° 1600006 du 22 novembre 2016 est annulé.
Article 2 : La commune de Gambier est condamnée à verser à la société CEGELEC la somme de de 11 483 154 francs CFP HT. Cette indemnité portera intérêts au taux légal à compter du 12 janvier 2016.
Article 3 : La commune de Gambier versera à la société CEGELEC une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société CEGELEC et à la commune de Gambier.
Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Polynésie française et au ministre des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 15 février 2019 à laquelle siégeaient :
Mme Heers, président de chambre,
Mme Julliard, présidente-assesseure,
M. Mantz, premier conseiller,
Lu en audience publique le 8 mars 2019.
Le rapporteur,
P. MANTZ
Le président,
M. HEERS
Le greffier,
C. DABERT
La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA00024