Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 22 février 2018 et le 27 novembre 2018, M. B..., représenté par MeC..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 7 décembre 2017 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.
Il soutient que :
- l'arrêté est entaché d'une violation de son droit d'être entendu dès lors qu'il n'a pu faire valoir les éléments nouveaux qu'il détenait relatifs à sa demande d'asile ; en effet, le préfet de police, qui s'est cru lié par la décision de la Cour nationale du droit d'asile, n'a ni cherché à s'informer du fait de savoir si le requérant avait des éléments nouveaux à faire valoir ni ne lui a donné la possibilité de les présenter au guichet ;
- l'arrêté est insuffisamment motivé ;
- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination viole les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense enregistré le 15 janvier 2019, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 3 mai 2018.
Les parties ont été informées, par courrier du 8 janvier 2019, qu'en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, la décision de la Cour était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions de M. B... tendant à l'annulation d'une prétendue décision du préfet de police lui refusant la délivrance d'un titre de séjour.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Mantz a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant pakistanais né le 15 mars 1995, est entré en France le 28 décembre 2016 selon ses déclarations. Par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) en date du 30 mai 2017, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 14 septembre 2017, sa demande tendant à ce que lui soit reconnu le statut de réfugié ou accordé le bénéfice de la protection subsidiaire a été rejetée. Par un arrêté en date du 7 décembre 2017, le préfet de police a pris à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 13 février 2018 par lequel le magistrat désigné du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la prétendue décision de refus de délivrance de titre de séjour :
2. Il ressort de l'examen de l'arrêté contesté du 7 décembre 2017 que le préfet de police n'a pas pris de décision refusant à M. B... la délivrance d'un titre de séjour. Par suite, les conclusions du requérant tendant à l'annulation d'une telle décision, qui est inexistante, sont sans objet et ne peuvent qu'être rejetées.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ".
4. En premier lieu, l'arrêté du 7 décembre 2017 vise les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment celles, qui précèdent, du 6° de l'article L. 511-1-I, applicables à la situation de M. B.... Il précise, en particulier, que la demande d'asile formée par celui-ci a été rejetée par l'OFPRA et par la CNDA et que, compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il n'est pas porté atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé à sa vie privée et familiale. En outre, il mentionne que le requérant n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Ainsi, cet arrêté contient l'exposé suffisant des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement tant de l'obligation de quitter le territoire que de la décision fixant le pays de destination.
5. En deuxième lieu, lorsqu'il sollicite la délivrance d'un titre de séjour, notamment au titre de l'asile, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Dans l'hypothèse où l'intéressé, demandeur d'asile, a fait l'objet d'un rejet définitif de sa demande, il lui est loisible de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne la mesure d'éloignement susceptible d'être prise à son encontre à la suite du refus définitif de la reconnaissance de la qualité de réfugié ou du bénéfice de la protection subsidiaire, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français susceptible d'être prise.
6. M. B... soutient qu'il n'a pu faire valoir les éléments nouveaux qu'il détenait relatifs à sa demande d'asile et a été privé de son droit au réexamen de cette demande dès lors que le préfet de police, s'estimant lié par la décision de la Cour nationale du droit d'asile du 14 septembre 2017, n'a pas cherché à s'informer du fait de savoir si le requérant avait des éléments nouveaux à faire valoir ni ne lui a donné la possibilité de les présenter au guichet. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé ait sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux, notamment dans le but de déposer une demande de réexamen de sa demande d'asile, ni qu'il ait été empêché de s'exprimer ou de se présenter devant les services préfectoraux avant que ne soit prise la mesure d'éloignement litigieuse. Par suite, le préfet de police, qui ne s'est pas cru lié par la décision de la Cour nationale du droit d'asile, n'était pas tenu d'inviter M. B... à formuler des observations ou de s'enquérir d'éventuels éléments nouveaux en sa possession susceptibles de fonder une demande de réexamen de sa demande d'asile, avant l'édiction de cette mesure. Dès lors, le requérant n'a pas été privé de son droit à être entendu, tel qu'il résulte notamment des principes généraux, dont celui de bonne administration et de respect des droits de la défense.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. M. B... fait valoir qu'il réside en France depuis décembre 2016 et qu'il a tissé des liens affectifs en France. Toutefois, l'intéressé n'apporte aucune précision utile au regard de ces liens allégués. Il ressort en outre des pièces du dossier que l'intéressé, célibataire sans charges de famille, n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident notamment ses parents et où il a vécu jusqu'à l'âge de 21 ans. De plus, l'entrée en France de M. B..., à la supposer même établie fin 2016, était très récente à la date de l'arrêté attaqué et celui-ci ne justifie pas d'une intégration particulière sur le territoire national. Au regard de ces circonstances, le préfet de police n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels l'obligation de quitter le territoire français a été prise. Celle-ci n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. Enfin, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
10. M. B... invoque le moyen tiré des stipulations qui précèdent au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination. Il n'apporte toutefois au soutien de ce moyen, déjà invoqué dans des termes similaires devant le Tribunal administratif de Paris, aucun élément nouveau susceptible de remettre en cause l'appréciation que les premiers juges ont, à bon droit, portée sur ce moyen qui doit, dès lors, être écarté par adoption des motifs retenus par le premier juge.
11. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 décembre 2017 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. Ses conclusions aux fins d'annulation doivent, par suite, être rejetées.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
12. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation présentées par M. B..., n'appelle, par lui-même, aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction présentées par le requérant doivent être également rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera délivrée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 15 février 2019 à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, président de chambre,
- Mme Julliard, présidente-assesseure,
- M. Mantz, premier conseiller,
Lu en audience publique le 8 mars 2019.
Le rapporteur,
P. MANTZ
Le président,
M. HEERS
Le greffier,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA00619