Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 17 avril 2018, M. C..., représenté par Me A...B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors que les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté ;
- le motif de l'arrêté attaqué tiré de la fraude concernant l'année 2007 n'est pas établi ;
- le requérant justifie d'une résidence habituelle en France de plus de 10 ans ;
- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'un vice de procédure, faute pour le préfet d'avoir saisi la commission du titre de séjour, en méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le requérant justifie de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires de nature à justifier son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 précité ;
- la décision viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 28 janvier 2019, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Mantz a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant égyptien né le 5 août 1978, est entré en France le 20 octobre 2005 selon ses déclarations. Il a sollicité, le 26 octobre 2017, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet de police, par arrêté du 29 novembre 2017, a rejeté sa demande de titre de séjour, a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination. M. C... relève appel du jugement du 22 mars 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'il ressort de l'examen du jugement attaqué que le tribunal administratif a écarté, par une motivation suffisante, le moyen tiré de ce que l'arrêté litigieux serait insuffisamment motivé en ce que le préfet de police se serait borné à indiquer que les documents produits par M. C... au titre de l'année 2007 ne lui appartenaient pas pour motiver son refus de le faire regarder comme entrant dans le champ d'application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'omission à statuer doit être écarté.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
3. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ".
4. Afin de considérer qu'il n'était pas tenu de soumettre à la commission du titre de séjour, en vertu des dispositions qui précèdent, la demande d'admission exceptionnelle au séjour de M. C..., du fait que ce dernier ne justifiait pas résider en France habituellement depuis plus de dix ans, le préfet de police a motivé son arrêté, d'une part, par le fait que les documents présentés par l'intéressé pour l'année 2008 étaient insuffisants pour établir sa présence au titre de cette année et, d'autre part, pour l'année 2007, par la circonstance que les documents présentés n'appartenaient pas au requérant mais à un homonyme qui aurait " effectué des démarches auprès des services préfectoraux en 2007 et connu également sous l'identité de "Mohamed Sheta" ".
5. S'agissant du premier motif tiré de l'absence de documents suffisants au titre de l'année 2008, le requérant produit cinq prescriptions médicales dont quatre du docteur R. comportant les tampons de ce dernier ainsi que de la pharmacie, en date des 7 janvier, 14 avril, 18 juillet et 8 septembre 2008 et une du docteur M., en date du 25 juin 2008. Il produit, en outre, une facture rédigée à la main en date du 11 mars 2008 et deux courriers de la Banque Postale en date du 13 décembre 2008. Au vu de l'ensemble de ces documents, la présence de M. C... doit être regardée comme établie au cours de l'année 2008.
6. S'agissant du deuxième motif relatif à l'année 2007, si le préfet de police invoque la fraude qu'aurait commise M. C... en se prévalant de documents ne lui appartenant pas, il ne produit aucun document ou commencement de preuve de nature à l'établir, alors en outre qu'il n'explicite pas le raisonnement l'ayant conduit à retenir une telle fraude. Dans ces conditions, le préfet de police n'apportant pas la preuve qui lui incombe, la fraude qu'il invoque ne peut être tenue pour établie. En outre, il ressort de l'examen de ces documents qu'ils sont constitués de deux factures d'opérateurs téléphoniques en date des 27 février et 26 septembre 2007, une facture de l'enseigne " Conforama " en date du 9 août 2007, une facture d'un magasin de téléphonie en date du 22 septembre 2007 ainsi qu'un billet de train aller-retour pour le trajet Paris-Dax daté des 23 et 24 septembre 2007. Au vu de l'ensemble de ces documents dont, ainsi qu'il vient d'être dit, aucun élément du dossier ne permet de corroborer les allégations du préfet selon lesquelles ils n'appartiendraient pas au requérant, la présence de ce dernier doit être regardée comme établie au titre de l'année 2007, y compris pour la période comprise entre le 29 novembre et le 31 décembre 2007, seule période incluse dans une antériorité de dix ans à compter de la date de l'arrêté attaqué.
7. Il résulte de ce qui précède que les deux motifs sur lesquels le préfet de police s'est fondé pour considérer que M. C... n'était pas en mesure d'attester sa résidence en France depuis plus de dix ans sont erronés. Par suite, le requérant est fondé à soutenir qu'il justifie résider en France habituellement depuis plus de dix ans et, en conséquence, que l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de procédure en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour.
8. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. Le vice de procédure mentionné au point 7 a eu pour effet de priver le requérant d'une garantie et constitue une irrégularité de nature à affecter la légalité de la décision de refus de titre de séjour et, par voie de conséquence, celle de l'obligation de quitter le territoire français et du pays de destination. Il s'ensuit que M. C... est fondé à soutenir que l'arrêté du préfet de police du 29 novembre 2017 est entaché d'illégalité.
9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 novembre 2017 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
10. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ".
11. Eu égard au motif d'annulation retenu, le présent arrêt implique seulement, par application des dispositions de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, que le préfet de police procède au réexamen de la situation administrative de M. C..., après saisine de la commission du titre de séjour, dans un délai qu'il convient de fixer à trois mois à compter de la notification du présent arrêt, et qu'il le munisse, dans l'attente d'une nouvelle décision, d'une autorisation provisoire de séjour.
Sur les frais liés au litige :
12. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
13. En application de ces dispositions, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1719112/6-2 du Tribunal administratif de Paris du 22 mars 2018 et l'arrêté du préfet de police du 29 novembre 2017 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de M. C..., après saisine de la commission du titre de séjour, dans un délai de trois mois suivant la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente d'une nouvelle décision, une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à M. C... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E...C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera délivrée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 15 février 2019 à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, président de chambre,
- Mme Julliard, présidente-assesseure,
- M. Mantz, premier conseiller,
Lu en audience publique le 8 mars 2019.
Le rapporteur,
P. MANTZ
Le président,
M. HEERS
Le greffier,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA01290