2°) de rejeter la demande de la Compagnie nationale Royal Air Maroc devant le tribunal administratif.
Il soutient que :
- le document de circulation pour étranger mineur présenté à l'embarquement était manifestement usurpé ; il existe en effet une dissemblance physionomique manifeste entre d'une part, le voyageur, tel qu'il apparait sur la photographie apposée sur son passeport et d'autre part, la photographie apposée sur le document de circulation pour étranger mineur ; les dates de naissances figurant sur les deux documents diffèrent ;
- la compagnie intimée n'allègue aucune circonstance atténuante susceptible de justifier une minoration de l'amende.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mai 2019, la Compagnie nationale Royal Air Maroc, représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de
2 500 euros soit mis à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- si l'usurpation était manifeste ou évidente, le passager aurait été nécessairement interpellé par la police marocaine aux frontières ou par les agents de sûreté aéroportuaire, ce qui n'a pas été le cas ;
- si une erreur a pu être commise par les agents de la compagnie aérienne quant à l'identité du passager, qui a déjà passé avec succès deux filtres de sécurité, sanctionner la compagnie à hauteur de 10 000 euros est manifestement disproportionné.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- le code des transports,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Heers,
- et les conclusions de Mme Jayer, rapporteur public.
Une note en délibéré, enregistrée le 24 juin 2019, a été présentée par Me A...pour la Compagnie nationale Royal Air Maroc.
Considérant ce qui suit :
1. Le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 15 janvier 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision du 23 mars 2017 infligeant une amende de 10 000 euros à la Compagnie nationale Royal Air Maroc pour avoir, le 2 mai 2016, débarqué sur le territoire français un passager de nationalité congolaise, en provenance de Casablanca, muni d'un passeport manifestement usurpé.
2. Les dispositions de l'article L. 6421-2 du code des transports et celles des articles L. 625-1 et L. 625-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile font obligation aux transporteurs aériens de s'assurer, au moment des formalités d'embarquement, que les voyageurs ressortissants d'Etats non membres de l'Union européenne sont en possession de documents de voyage leur appartenant, le cas échéant revêtus des visas exigés par les textes, non falsifiés et valides. Elles lui imposent à ce titre de vérifier que l'étranger est muni des documents de voyage et des visas éventuellement requis et que ceux-ci ne comportent pas d'éléments d'irrégularité manifeste, décelables par un examen normalement attentif des agents de l'entreprise de transport. En l'absence d'une telle vérification, à laquelle le transporteur est d'ailleurs tenu de procéder en vertu de l'article L. 6421-2 du code des transports, le transporteur encourt l'amende administrative prévue par les dispositions précitées.
3. Il résulte de l'examen des photographies figurant d'une part sur le passeport et d'autre part sur le document de circulation pour étranger mineur, documents tous deux présentés à l'embarquement par le passager en cause, qu'elles correspondent chacune à un jeune homme de type africain mais dont le regard, la forme du nez et de la bouche, ainsi que celle du visage, diffèrent très sensiblement. De plus, il est constant que la date de naissance portée sur chacun de ces documents diffère également. Dans ces conditions, les documents présentés à l'embarquement comportaient des éléments d'irrégularité manifeste, décelables par un examen normalement attentif des agents procédant à l'embarquement des passagers et c'est donc à tort que, pour annuler la sanction infligée à la compagnie aérienne, le tribunal administratif a retenu l'absence d'irrégularité manifeste.
4. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la Compagnie nationale Royal Air Maroc devant les premiers juges.
5. Pour soutenir que le montant de l'amende, fixé à 10 000 euros, est manifestement disproportionné, la compagnie soutient que le prononcé systématique et automatique de l'amende à son montant maximum est contraire aux règles issues de la jurisprudence du Conseil constitutionnel et du Conseil d'Etat. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que l'amende contestée lui ait été infligée sans examen des circonstances de l'espèce. Par ailleurs, la circonstance que le passager avait déjà passé avec succès deux filtres de sécurité avant d'arriver au poste d'embarquement ne suffit pas à démontrer que le montant de la sanction serait disproportionné.
6. Enfin, la compagnie ne peut utilement se prévaloir en appel de ce que le passager aurait été nécessairement interpellé par la police marocaine aux frontières ou par les agents de sûreté aéroportuaire si l'irrégularité était manifeste.
7. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé sa décision du 23 mars 2017 et à demander l'annulation du jugement.
8. En ce qui concerne les frais liés à l'instance, la demande de la Compagnie nationale Royal Air Maroc tendant à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doit être écartée dès lors que l'Etat n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1708532 du 15 janvier 2019 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande de la Compagnie nationale Royal Air Maroc devant le tribunal administratif et ses conclusions d'appel présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à la Compagnie nationale Royal Air Maroc.
Délibéré après l'audience du 24 juin 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, président,
- Mme Julliard, présidente-assesseure,
- M. Mantz, premier conseiller,
Lu en audience publique le 12 juillet 2019.
Le président-rapporteur,
M. HEERSL'assesseure la plus ancienne,
M. JULLIARD
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA01076