Par un jugement n° 1900141 du 24 septembre 2019, le Tribunal administratif de la Polynésie française a annulé l'arrêté n° 1256/MAE du 6 février 2019 portant titularisation de M. C... A... en qualité d'instructeur pompier d'aérodromes.
Procédure devant la Cour :
I- Par une requête, enregistrée le 22 novembre 2019 sous le n° 19PA03723, la Polynésie française, représentée par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1900020 du 24 septembre 2019 du Tribunal administratif de la Polynésie française ;
2°) de rejeter la demande présentée devant le Tribunal administratif de la Polynésie française par la Confédération des syndicats des travailleurs Polynésie-Force Ouvrière ;
3°) de mettre à la charge de la Confédération des syndicats des travailleurs Polynésie-Force Ouvrière le versement de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les membres de l'assemblée de la Polynésie française ont été correctement informés sur le projet de délibération en conformité avec les exigences de l'article 130 de la loi organique du 27 février 2004, dès lors que le rapport de présentation n'était pas inexistant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 septembre 2020, la Confédération des syndicats des travailleurs Polynésie-Force Ouvrière, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce que le versement la somme de 500 000 francs CFP soit mis à la charge de la Polynésie française sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la Polynésie française ne sont pas fondés.
II- Par une requête, enregistrée le 22 novembre 2019 sous le n° 19PA03724 la Polynésie française, représentée par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1900141 du 24 septembre 2019 du Tribunal administratif de la Polynésie française ;
2°) de rejeter la demande présentée par devant le Tribunal administratif de la Polynésie française par la Confédération des syndicats des travailleurs Polynésie-Force Ouvrière ;
3°) de mettre à la charge de la Confédération des syndicats des travailleurs Polynésie-Force Ouvrière le versement de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la titularisation de M. A... prononcée par l'arrêté attaqué respecte l'ensemble des conditions posées par l'article 48 de la délibération du 18 février 2016, issu de la délibération n° 2018-104 APF du 13 décembre 2018 en vigueur à la date de cette titularisation ;
- en application de l'article 56 du statut général de la fonction publique de la Polynésie française, la titularisation de M. A... n'avait pas à être précédée d'une publication de vacance de poste dès lors qu'il s'agit d'une intégration dans un nouveau cadre d'emploi ;
- seuls cinq pompiers, dont M. A..., remplissaient les conditions statutaires pour postuler à l'intégration dans le cadre d'emploi des instructeurs pompiers d'aérodromes.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 septembre 2020, la Confédération des syndicats des travailleurs Polynésie-Force Ouvrière, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce que le versement la somme de 500 000 francs CFP soit mis à la charge de la Polynésie française sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la Polynésie française ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française ;
- la délibération n° 95-215 du 14 décembre 1995 AT du 14 décembre 1995 portant statut général de la fonction publique du territoire de la Polynésie française ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteur public.
Une note en délibéré a été présentée le 19 avril 2021 pour la Confédération des syndicats des travailleurs Polynésie-Force Ouvrière dans les deux instances n° 19PA03723 et 19PA03724.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération n° 2016-16 APF du 18 février 2016, l'assemblée de la Polynésie française a fixé le statut particulier des pompiers d'aérodromes de la fonction publique de la Polynésie française. L'article 48 de cette délibération a créé le cadre d'emploi de catégorie B des instructeurs pompiers d'aérodromes et fixé les conditions de titularisation dans ce cadre d'emploi. Par la délibération n° 2018-104 APF du 13 décembre 2018, l'assemblée a modifié le 9ème alinéa de cet article 48 en substituant à l'évaluation des agents candidats à l'intégration, initialement réalisée par le service d'Etat de l'aviation civile en Polynésie française (SEAC-PF), une évaluation par un centre de formation, conventionné par la direction de la sécurité de l'aviation civile de la direction générale de l'aviation civile pour l'organisation de formations de personnels participant au service de sauvetage et de lutte contre l'incendie des aéronefs sur les aérodromes. Par un premier jugement n° 1900020 du 24 septembre 2019, le Tribunal administratif de la Polynésie française, saisi par le syndicat Confédération des syndicats des travailleurs Polynésie-Force Ouvrière (CSTP-FO), a annulé cette délibération du 13 décembre 2018. Par un second jugement du même jour, en conséquence de cette annulation, le Tribunal administratif de la Polynésie française a annulé l'arrêté du 6 février 2019 portant titularisation de M. C... A... en qualité d'instructeur pompier d'aérodromes par application des dispositions de l'article 48 de la délibération du 18 février 2016 modifié par la délibération du 13 décembre 2018. Par deux requêtes distinctes la Polynésie française fait appel de ces deux jugements.
2. Les requêtes n° 19PA02723 et 19PA03724 présentant à juger des questions semblables, il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.
Sur le moyen d'annulation retenu par le Tribunal administratif de Polynésie française :
3. Aux termes de l'article 130 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française : " Tout représentant à l'assemblée de la Polynésie française a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires qui font l'objet d'un projet ou d'une proposition d'acte prévu à l'article 140 dénommé "loi du pays" ou d'autres délibérations. A cette fin, les représentants reçoivent, douze jours au moins avant la séance pour un projet ou une proposition d'acte prévu à l'article 140 dénommé "loi du pays" et quatre jours au moins avant la séance pour un projet ou une proposition d'autre délibération, un rapport sur chacune des affaires inscrites à l'ordre du jour. ".
4. Pour annuler la délibération du 13 décembre 2018 modifiant l'article 48 de la délibération du 18 février 2016 ainsi que, par voie de conséquence, l'arrêté portant titularisation de M. A... pris en application de l'article 48 ainsi modifié, le Tribunal a considéré que le rapport de présentation de la délibération, en date du 7 décembre 2018, comportait des informations erronées, que, par suite, il n'avait pas permis aux membres de l'assemblée de Polynésie française d'exercer utilement leur mandat et que cette irrégularité avait eu une incidence sur le sens de la délibération attaquée.
5. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le contenu du rapport reçu par les membres de l'assemblée est sans incidence sur la régularité de la procédure d'adoption de la délibération attaquée, dès lors que ce contenu n'est pas tel qu'il doive conduire à regarder le rapport comme inexistant. Dans ces conditions la Polynésie française est fondée à soutenir que c'est à tort que, pour annuler la délibération et l'arrêté attaqués par la CSTP-FO, le Tribunal a retenu le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de la loi organique et du droit à l'information des membres de l'assemblée.
6. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble des litiges par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la CSTP-FO en première instance et en appel.
Sur la légalité de la délibération du 13 décembre 2018 :
7. En premier lieu, la CSTP-FO soutient que la délibération du 13 décembre 2018 serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que les nouvelles dispositions de l'article 48 ne prévoient en réalité aucune évaluation de l'aptitude des agents aux fonctions spécifiques d'instructeur. L'article 48 dans sa rédaction issue de la délibération attaquée dispose que : " La titularisation est prononcée si le stagiaire satisfait aux conditions suivantes : /- réussite de l'examen professionnel d'intégration ; /- obtention de la qualification initiale "chef de manoeuvre" auprès d'un organisme agréé au sens de la réglementation relative au service de sauvetage et de lutte contre l'incendie des aéronefs sur les aérodromes applicable en Polynésie française ; / - évaluation par un centre de formation conventionné par la direction de la sécurité de l'aviation civile (DSAC) de la direction générale de l'aviation civile (DGAC) pour l'organisation de formation de personnels participant au service de sauvetage et de lutte contre l'incendie des aéronefs sur les aérodromes.(...). La seule circonstance que ces dispositions, pas plus que celles de la rédaction antérieure de l'article 48, ne précisent pas le contenu de l'évaluation réalisée par un centre de formation conventionné ne permet pas de tenir pour établi que l'aptitude des agents aux fonctions spécifiques d'instructeur ne sera pas effectivement évaluée. Par suite, le moyen doit être écarté.
8. En second lieu, la seule circonstance que la modification de l'article 48 introduite par la délibération attaquée est intervenue la veille de l'annulation, prononcée par le Tribunal administratif de Polynésie française le 14 décembre 2018, des décisions du 11 octobre 2017 prononçant la titularisation de cinq agents dans le cadre d'emploi des instructeurs pompiers d'aérodromes, lesquelles avaient été prises sans évaluation en violation de l'article 48 dans sa rédaction alors applicable, ne suffit pas à faire regarder la délibération du 13 décembre 2018 comme étant entachée de détournement de pouvoir dès lors que l'assemblée de la Polynésie française a fait usage de ses pouvoirs normatifs en matière de fonction publique pour déterminer les règles de qualifications techniques applicables à l'ensemble d'un cadre d'emploi, la circonstance que cette délibération ait permis la titularisation ultérieure des cinq agents concernés par les jugements du 14 décembre 2018 étant, à cet égard, sans incidence.
Sur la légalité de la titularisation de M. A... :
9. La circonstance que l'arrêté de titularisation de M. A... dans le cadre d'emploi des instructeurs pompiers d'aérodromes n'ait été précédé d'aucune publication de vacance de poste est en tout état de cause sans incidence sur la légalité de cet arrêté, dès lors qu'il n'est pas contesté que, à la date de cette décision, la totalité des cinq agents remplissant les conditions statutaires pour postuler à l'intégration dans ce cadre d'emploi ont été informés de la procédure d'intégration.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la Polynésie française est fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le Tribunal administratif de Polynésie française a annulé la délibération n° 2018-104 APF du 13 décembre 2018 ainsi que, par voie de conséquence, l'arrêté n° 1256/MAE du 6 février 2019 portant titularisation de M. C... A... en qualité d'instructeur pompier d'aérodromes.
Sur les frais liés aux instances :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Polynésie française, qui n'est pas, dans les présentes instances, la partie perdante, le versement des sommes que la CSTP-FO demande au titre des frais liés aux instances. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la CSTP-FO le versement de la somme que la Polynésie française demande sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Les jugements n° 1900020 et n° 1900141 du 24 septembre 2019 du Tribunal administratif de la Polynésie française sont annulés.
Article 2 : Les demandes présentées par la CSTP-FO devant le Tribunal administratif de Polynésie française ainsi que ses conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions de la Polynésie française présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la Polynésie française et à la Confédération des syndicats des travailleurs Polynésie-Force Ouvrière.
Copie en sera adressée à M. C... A....
Délibéré après l'audience du 13 avril 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- Mme B..., président assesseur,
- M. Aggiouri, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 mai 2021.
Le rapporteur,
P. B...Le président,
C. JARDIN
Le greffier,
C. BUOTLa République mande et ordonne au ministre des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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Nos 19PA03723, 19PA03724