Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 18 décembre 2020, et des mémoires, enregistrés le 29 décembre 2020 et le 8 mars 2021, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler les articles 2 à 4 du jugement n° 2017862/8 du 20 novembre 2020 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme E... devant le Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- le jugement contesté est irrégulier dès lors qu'il ne fournit aucune précision sur les raisons qui permettent de considérer que le risque d'éloignement serait par lui-même de nature à établir une méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'arrêté en litige ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- aucun des autres moyens soulevés en première instance n'est fondé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 février 2021, Mme B... E..., représentée par Me C..., conclut au non-lieu à statuer, et, à titre subsidiaire, au rejet de la requête du préfet de police, à ce qu'elle soit admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle s'est vu délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale, a été convoquée à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et a obtenu un dossier OFPRA, de sorte que la requête du préfet de police a perdu son objet ;
- aucun des moyens soulevés par le préfet de police n'est fondé.
Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 10 février 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- la directive 2011-95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1460 du 18 novembre 2020.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E..., ressortissante afghane née le 22 mars 1978, est entrée irrégulièrement en France, et a sollicité, le 8 septembre 2020, son admission au séjour au titre de l'asile. La consultation du fichier " Eurodac " a révélé que l'intéressée avait présenté une demande d'asile auprès des autorités suédoises le 6 mai 2015, le 8 mai 2015 et le 22 juin 2017. Le 10 septembre 2020, le préfet de police a adressé aux autorités suédoises une demande de reprise en charge de Mme E... en application des dispositions du d) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, que les autorités suédoises ont acceptée le 14 septembre 2020. Par un arrêté du 28 octobre 2020, le préfet de police a décidé le transfert de Mme E... aux autorités suédoises. Par un jugement du 20 novembre 2020, le Tribunal administratif de Paris a admis Mme E... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de police de délivrer à Mme E... une attestation de demande d'asile en procédure normale dans le délai de deux semaines à compter du jugement, et mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros au titre des frais liés à l'instance. Le préfet de police relève appel des articles 2 à 4 de ce jugement.
Sur les conclusions tendant à l'admission à l'aide juridictionnelle provisoire :
2. Mme E... ayant été admise à l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 10 février 2021, ses conclusions tendant à son admission à l'aide juridictionnelle provisoire présentées dans son mémoire en défense enregistré le 26 février 2021 étaient dépourvues d'objet et doivent être rejetées.
Sur l'exception de non-lieu à statuer opposée en défense :
3. S'il ressort des pièces du dossier que le préfet de police a délivré à Mme E... une attestation de demande d'asile en procédure normale le 27 novembre 2020 et qu'elle a été convoquée auprès des services de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 26 janvier 2021, ces mesures sont intervenues en exécution du jugement du 20 novembre 2020 et n'excèdent pas ce qui était nécessaire à l'exécution de ce jugement. Dans ces conditions, l'exception de non-lieu à statuer soulevée par Mme E... doit être écartée.
Sur le moyen d'annulation retenu par le Tribunal administratif de Paris :
4. Aux termes de de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
5. Pour annuler l'arrêté en litige comme méconnaissant les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le Tribunal administratif de Paris s'est fondé sur la circonstance qu'il existe de fortes probabilités que le transfert de Mme E... aux autorités suédoises, lesquelles ont rejeté sa demande d'asile et son recours contre ce rejet, soit suivi de son éloignement vers l'Afghanistan, pays où Mme E... serait susceptible d'être exposée à des traitements inhumains et dégradants contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cependant, et même si cette présomption n'est pas irréfragable, la Suède, qui ne présente pas de défaillances systémiques, est présumée se conformer aux stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de la directive 2011-95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d'une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection. S'il ressort des pièces produites par Mme E... en première instance que le tribunal administratif de Stockholm (Forvälltningsrätten i Stockholm) a rejeté sa demande d'asile, par une décision du 28 juin 2019, confirmée par la cour d'appel administrative de Stockholm (Kammarrätten i Stockholm) le 1er septembre 2020, l'existence d'un risque sérieux de renvoi de Mme E... en Afghanistan, qui ne démontre pas qu'elle ne serait pas à même d'exercer un recours effectif contre une éventuelle nouvelle mesure d'éloignement prise par les autorités suédoises, n'est pas établie.
6. Le préfet de police est donc fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a jugé que l'arrêté du 28 octobre 2020 portant transfert de Mme E... aux autorités suédoises méconnaissait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
7. Toutefois, il y a lieu pour la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme E... devant le Tribunal administratif de Paris et devant la Cour.
Sur les autres moyens soulevés par Mme E... :
8. En premier lieu, par un arrêté n° 2020-00799 du 1er octobre 2020, régulièrement publié au bulletin officiel de la ville de Paris du 9 octobre 2020, le préfet de police a donné délégation à M. A... F..., attaché d'administration de l'Etat affecté au sein du douzième bureau de la sous-direction de l'administration des étrangers de la direction de la police générale à la préfecture de police, signataire de l'arrêté contesté dont l'identité est mentionnée par l'arrêté en litige, pour signer tous actes dans la limite de ses attributions, au nombre desquelles figure la police des étrangers, en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il n'est pas établi qu'elles n'étaient pas absentes ou empêchées lors de la signature de l'arrêté litigieux. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence dont serait entaché l'arrêté contesté manque en fait et doit être écarté.
9. En deuxième lieu, en vertu du paragraphe 1 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, lorsqu'une telle demande est présentée, un seul Etat, parmi ceux auxquels s'applique ce règlement, est responsable de son examen. Cet Etat, dit Etat membre responsable, est déterminé en faisant application des critères énoncés aux articles 7 à 15 du chapitre III du règlement ou, lorsqu'aucun Etat membre ne peut être désigné sur la base de ces critères, du premier alinéa du paragraphe 2 de l'article 3 de son chapitre II. Si l'Etat membre responsable est différent de l'Etat membre dans lequel se trouve le demandeur, ce dernier peut être transféré vers cet Etat, qui a vocation à le prendre en charge. Lorsqu'une personne a antérieurement présenté une demande d'asile sur le territoire d'un autre Etat membre, elle peut être transférée vers cet Etat, à qui il incombe de la reprendre en charge, sur le fondement des b), c) et d) du paragraphe 1 de l'article 18 du chapitre V et du paragraphe 5 de l'article 20 du chapitre VI de ce même règlement.
10. En application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.
11. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application. S'agissant d'un étranger ayant, dans les conditions posées par le règlement, présenté une demande d'asile dans un autre Etat membre et devant, en conséquence, faire l'objet d'une reprise en charge par cet Etat, doit être regardée comme suffisamment motivée la décision de transfert qui, après avoir visé le règlement, relève que le demandeur a antérieurement présenté une demande dans l'Etat en cause, une telle motivation faisant apparaître qu'il est fait application du b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 ou du paragraphe 5 de l'article 20 du règlement.
12. L'arrêté du 28 octobre 2020, par lequel le préfet de police a décidé le transfert de Mme E... aux autorités suédoises, regardées comme responsables de l'examen de sa demande d'asile, vise notamment le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Il indique qu'" il ressort de la comparaison des empreintes digitales de Mme E... au moyen du système Eurodac, effectuée conformément au règlement n° 603/2013 [...], que l'intéressée a sollicité l'asile auprès des autorités suédoises le 6 mai 2015, le 8 mai 2015 et le 22 juin 2017 ", que " les critères prévus par le chapitre III ne sont pas applicables à la situation de Mme E..., qu'en conséquence, au regard des articles 3 et 18 (1) (d), les autorités suédoises doivent être regardées comme étant responsables de la demande d'asile de Mme E... " et qu'enfin, ces autorités, après avoir été saisies sur ce fondement, " ont fait connaître leur accord le 14 septembre 2020 en application de l'article 18 (1) d du règlement ". Dans ces conditions, et contrairement à ce que soutient Mme E..., l'arrêté du préfet de police portant transfert aux autorités suédoises est suffisamment motivé. Par suite, le moyen doit être écarté.
13. En troisième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement [...]. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3 [...] ".
14. Il ressort des pièces du dossier que Mme E..., qui a présenté une demande d'asile le 8 septembre 2020, s'est vu remettre, contre signature, le jour même, la brochure dite " A " (" J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' "), la brochure dite " B " (" Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' "), ainsi que, en tout état de cause, le " guide du demandeur d'asile " et la brochure " Eurodac ". Il n'est pas établi que ces documents, rédigés en dari, ne comportaient pas l'ensemble des éléments d'information énumérés par les dispositions de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, alors qu'il est indiqué, au-dessus de la signature apposée par la requérante sur chacun des documents, le nombre de pages qu'ils comportaient. Si Mme E... fait valoir que les brochures devaient être remises dans une langue qu'elle comprend, l'intéressée a signé le résumé de l'entretien individuel du même jour, réalisé à l'aide d'un traducteur en dari, et a déclaré " avoir compris l'ensemble des termes de cet entretien ". Il ressort d'ailleurs des pièces du dossier que Mme E... a demandé, dans son mémoire enregistré le 6 novembre 2020 au greffe du Tribunal administratif de Paris, l'assistance, à l'audience, d'un interprète en dari et qu'elle a été entendue par les services de l'OFPRA, le 26 janvier 2021, en dari. Si, à cet égard, Mme E... soutient que la notice d'informations pour les personnes dont l'examen de la demande d'asile relève de la compétence de la France et portant sur le choix de la langue dans laquelle ils souhaitent être entendus ne lui a pas été remise et qu'elle n'a ainsi pas pu porter à la connaissance de l'administration la langue dans laquelle elle souhaitait que les informations lui soient communiquées, il ressort des pièces du dossier, en tout état de cause, que ce document lui a été remis le 8 septembre 2020, et que, comme il a été dit précédemment, l'ensemble des documents requis par les dispositions de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 lui ont été remis en dari, langue qu'elle comprend. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 doit être écarté.
15. En quatrième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / [...] 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national [...] ".
16. Il ressort des pièces du dossier que Mme E... a bénéficié lors du dépôt de sa demande d'asile d'un entretien individuel le 8 septembre 2020 au cours duquel elle a pu présenter les observations nécessaires avant l'édiction de l'arrêté portant transfert aux autorités suédoises. Dès lors, elle n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté contesté méconnaîtrait l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration.
17. Si, en vertu de l'article R. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de police est l'autorité compétente pour procéder à la détermination de l'État responsable de l'examen d'une demande d'asile, ces dispositions ne font pas obstacle à ce que l'entretien individuel requis pour l'application de l'article 5 précité soit mené par un agent de la préfecture, qui, n'étant pas le signataire de la décision de transfert déterminant l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile, n'avait pas à bénéficier d'une délégation de signature du préfet pour procéder à cet entretien. Ainsi, si le résumé de l'entretien individuel de Mme E... ne comporte pas le nom et la qualité de l'agent qui a conduit l'entretien, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée a été reçue par un agent du douzième bureau de la direction de la police générale en charge de l'asile de la préfecture de police. Dès lors que l'entretien de Mme E... a été mené par un agent qualifié au sens du paragraphe 5 de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013, l'absence d'indication de l'identité de l'agent ayant conduit l'entretien individuel n'a pas privé Mme E... de la garantie tenant au bénéfice de cet entretien et à la possibilité de faire valoir toutes observations utiles. Par ailleurs, cet entretien a eu lieu - par le biais d'un interprète qualifié de l'agence ISM interprétariat dont le nom, le prénom et l'adresse sont indiqués - en dari, langue que l'intéressée, qui a déclaré " avoir compris l'ensemble des termes de cet entretien ", comprend. Si Mme E... soutient que la notice d'informations pour les personnes dont l'examen de la demande d'asile relève de la compétence de la France et portant sur le choix de la langue dans laquelle ils souhaitent être entendus ne lui a pas été remise, il ressort en tout état de cause des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit précédemment, que ce document lui a été remis le 8 septembre 2020, et que l'entretien a eu lieu en dari, langue que la requérante comprend. Enfin, la circonstance que le compte rendu d'entretien, produit par le préfet de police, n'aurait pas été remis à Mme E... à la suite de cet entretien est sans incidence, de même que les circonstances que son conseil n'a pas été averti de la possibilité d'en solliciter la communication préalablement à l'édiction de l'arrêté en litige, et que ne figurent pas, sur le compte rendu de l'entretien, la mention de la durée de celui-ci et de la possibilité donnée à l'intéressée de procéder à une relecture de celui-ci, alors que, en tout état de cause, Mme E... a signé ce compte rendu et indiqué que l'ensemble des renseignements la concernant étaient exacts. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté, dans ses diverses branches.
18. En cinquième lieu, aux termes de l'article 23 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Lorsqu'un État membre auprès duquel une personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), a introduit une nouvelle demande de protection internationale estime qu'un autre État membre est responsable conformément à l'article 20, paragraphe 5, et à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), il peut requérir cet autre État membre aux fins de reprise en charge de cette personne. / 2. Une requête aux fins de reprise en charge est formulée aussi rapidement que possible et, en tout état de cause, dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif Eurodac (" hit "), en vertu de l'article 9, paragraphe 5, du règlement (UE) n° 603/2013 [...] ".
19. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de police a saisi les autorités suédoises d'une demande de reprise en charge de Mme E..., ce dont il justifie en produisant la copie de la requête qu'il a adressée aux autorités suédoises, qui a été acceptée par l'office des migrations suédois (Migrationsverket) le 14 septembre 2020. Par suite, Mme E... ne saurait soutenir que le préfet de police aurait méconnu les dispositions de l'article 23 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. Ainsi, le moyen doit être écarté.
20. En sixième lieu, Mme E... soutient que l'arrêté contesté méconnaît les dispositions du 2. de l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 aux termes desquelles " [la] décision [...] contient des informations sur les voies de recours disponibles, y compris sur le droit de demander un effet suspensif, le cas échéant, et sur les délais applicables à l'exercice de ces voies de recours et à la mise en oeuvre du transfert et comporte, si nécessaire, des informations relatives au lieu et à la date auxquels la personne concernée doit se présenter si cette personne se rend par ses propres moyens dans l'État membre responsable ". Cependant, et alors au demeurant que Mme E... n'allègue pas avoir informé l'administration de son intention de rejoindre le pays responsable de sa demande d'asile par ses propres moyens, l'article 26 du règlement n° 604/2013 n'impose pas au préfet de préciser à l'étranger l'ensemble des modalités dans lesquelles son transfert aura lieu. Dès lors, un tel moyen, qui concerne les conditions d'exécution de la mesure de transfert, est inopérant.
21. Enfin, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement [...] ".
22. Mme E... soutient que, dès lors qu'elle risquerait de subir des traitements inhumains et dégradants en cas de renvoi en Afghanistan, le préfet de police aurait dû faire usage de la possibilité, prévue par l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, d'examiner sa demande d'asile alors même que cet examen ne lui incombait pas en vertu des critères fixés dans ce règlement. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit précédemment au point 5 que Mme E... n'établit pas l'existence d'un risque sérieux de renvoi en Afghanistan, de sorte qu'en s'abstenant d'examiner sa demande d'asile, le préfet de police n'a pas entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par suite, le moyen doit être écarté. Pour le motif exposé au point 5, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doit également être écarté.
23. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 28 octobre 2020, lui a enjoint de délivrer à Mme E... une attestation de demande d'asile en procédure normale et a mis à sa charge une somme de 1 000 euros au titre des frais liés à l'instance. Il est dès lors fondé à demander l'annulation des articles 2 à 4 de ce jugement, sans qu'il soit besoin de statuer sur sa régularité, et le rejet des conclusions de la demande devant le Tribunal administratif de Paris auxquelles ce jugement a fait droit, à l'exception de celles tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Sur les frais liés à l'instance :
24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme E... demande, au profit de son défenseur, au titre des frais liés à l'instance.
D E C I D E :
Article 1er : Les articles 2 à 4 du jugement n° 2017862/8 du 20 novembre 2020 du Tribunal administratif de Paris sont annulés.
Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par Mme E... devant le Tribunal administratif de Paris auxquelles ce jugement a fait droit aux articles 2 à 4 de son jugement sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par Mme E... devant la Cour sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme B... E....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 13 avril 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- Mme Hamon, président assesseur,
- M. D..., premier conseiller.
Rendu public par mise au disposition au greffe, le 20 avril 2021.
Le rapporteur,
K. D...
Le président,
C. JARDIN Le greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20PA04058 2