Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 9 février 2016, la SAS Dumez-GTM Calédonie, représentée par Me Balique, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 21 026 218 francs CFP ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 400 000 francs CFP en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SAS Dumez-GTM Calédonie soutient que :
- elle a droit au paiement d'une somme de 630 500 francs CFP pour les " études d'exécution supplémentaires " dès lors que ces études ont été effectuées à l'occasion de travaux supplémentaires portant sur une clôture additionnelle et que les matériaux amiantés ont été découverts sur un terrain qui n'était pas mentionné dans le " plan de situation général " et dans le " plan de situation des matériaux amiantés " ;
- les faits de vandalisme sur les engins de l'entreprise, commis dans la nuit du 8 septembre 2013, sont constitutifs d'un cas de force majeure dont elle est fondée à demander la réparation, pour un montant de 16 352 328 francs CFP, au titre de ses " frais d'arrêt de chantier " ;
- le contrat de sous-traitance a été obtenu par violence dans la mesure où, afin de conduire à terme le chantier, elle s'est " trouvée contrainte " de signer ce contrat avec des opérateurs locaux appartenant à la tribu de Saint Louis afin de prévenir toute difficulté avec cette tribu, qui est " connue pour être une source de tensions et de violence " et qui lui a " imposé " un prix de 15 à 20 % plus onéreux que celui qui est habituellement pratiqué pour ce type de prestations, surcoût dont elle demande à l'Etat d'assurer la réparation pour un montant de 4 043 390 francs CFP.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 décembre 2016, le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche conclut au rejet de la requête.
Le ministre soutient que les moyens invoqués par la SAS Dumez-GTM Calédonie ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 99-209 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999, relatives à la Nouvelle-Calédonie ;
- la loi n° 2007-224 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer ;
- le décret n° 49-500 du 11 avril 1949 modifié, portant application pour les territoires relevant du ministère de la France d'outre-mer du décret du 6 avril 1942 relatif aux marchés passés au nom de l'Etat, et notamment les articles 19 et 20 relatifs aux marchés sur appel d'offres ;
- le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux publics dans sa rédaction issue du décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Boissy,
- les conclusions de M. Rousset, rapporteur public ;
- et les observations de Me Balique, avocat de la SAS Dumez-GTM Calédonie.
1. Considérant que, le 20 juin 2013, le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, agissant au nom et pour le compte de l'Etat, a signé avec la société Dumez-GTM Calédonie un marché relatif à la gestion des matériaux amiantés sur le site du futur lycée du Mont Dore, situé sur le territoire de la commune du Mont Dore ; qu'après l'achèvement des travaux, la société a présenté un projet de décompte final d'un montant de 87 624 726 francs CFP ; que, le 28 juillet 2014, le maître d'ouvrage a établi le décompte général du marché pour un montant de 66 598 508 francs CFP hors taxes, soit 69 928 433 francs CFP toutes taxes comprises ; que la société Dumez-GTM Calédonie, après avoir signé ce décompte avec réserves le 20 août 2014, a présenté un mémoire de réclamation, le 23 septembre 2014, d'un montant de 21 026 218 francs CFP, qui a été implicitement rejeté ; que, par un jugement du 7 décembre 2015, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté la demande de la société Dumez-GTM Calédonie tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 21 026 218 francs CFP au titre du règlement du marché ; que la société Dumez-GTM Calédonie relève appel de ce jugement ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation et de condamnation :
En ce qui concerne le poste, d'un montant de 630 500 francs CFP, relatif aux " études d'exécution supplémentaires " :
2. Considérant, d'une part, que la liste des plans définissant le projet, précisé au point 1.9.1. du cahier des charges techniques particulières (CCTP), comprend notamment un " plan de situation général " et un " plan de situation des matériaux amiantés " ; qu'aux termes de l'article 1.10 du même CCTP : " Les plans d'exécution sont à la charge de l'entreprise. Ils comprennent notamment : / L'évaluation précise des quantités de matériaux amiantés à enfouir. Les éventuels sondages que devra réaliser l'entreprise sont réputés compris dans le prix n° 3 du BPU. Il n'est pas prévu dans ce prix d'analyse de matériaux en vue de recherche de fibres minérales. Les matériaux à enfouir sont parfaitement identifiables visuellement (cf rapport d'étude noF1145-004 du 1711112011 de GINGER LBTP NC) / La mise à jour du projet en fonction de ces quantités en respectant les conditions suivantes : / 1- Le projet d'enfouissement s'étend sur une surface de 2 700 m2 environ délimitée par la forêt de Niaouli au sud, le canal au Nord, l'emprise routière de la RP1 à l'ouest et la limite foncière pour le projet du SMTU à l'Est. / 2- L'enfouissement des matériaux amiantés sera réalisé pour son intégralité hors des emprises du domaine public sur le terrain communal. Sont considérés comme amiantés les matériaux à enfouir et les matériaux contaminés pendant les travaux comme ceux de la piste de chantier (...) L'entrepreneur est informé que l'emprise disponible et les cotes finales du projet sont intangibles " ;
3. Considérant, d'autre part, que le prix n° 3 du bordereau des prix unitaires (BPU) prévoit que les études d'exécution sont rémunérées au forfait, pour un montant de 1 412 962 francs CFP, pour l'ensemble des frais de reconnaissance, de travaux topographiques et d'études nécessaires à l'établissement des plans d'exécution tels que définis aux articles 1.7 et 1.10 du CCTP ; que le prix n° 5 du BPU rémunère, au prix unitaire de 280 francs CFP par m², le défrichage ; que le prix n° 10 du BPU rémunère, au prix unitaire de 1 321 francs CFP hors taxes par m3, la reprise et la mise en remblai des matériaux amiantés ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction et n'est pas contesté que, lors du défrichage de l'emprise de la clôture périphérique du chantier, la société Dumez-GTM Calédonie a découvert des matériaux amiantés sur une " zone 6 " qui n'avaient pas encore été identifiés ; que la société a alors procédé à des études complémentaires de prospection et d'exécution ainsi que des travaux de défrichage sur cette " zone 6 " ; qu'à la suite de ces études et travaux, la société a finalement traité une volume de matériaux amiantés de 8 260 m3, soit 1 060 m3 supplémentaire par rapport au volume de 7 200 m3 qui avait été initialement identifié ;
5. Considérant que si le maître d'ouvrage a accepté de rémunérer, par application des prix n° 5 et n° 10, les prestations relatives au défrichage du terrain et au traitement des nouveaux matériaux amiantés découverts, il a revanche refusé de payer les études complémentaires de prospection et d'exécution conduites par la société Dumez-GTM Calédonie rendues nécessaires par la découverte de ces nouveaux matériaux amiantés ;
6. Considérant qu'il n'est pas contesté que la découverte de matériaux amiantés a eu lieu à l'occasion de prestations supplémentaires demandées par le maître d'ouvrage concernant la pose d'une clôture additionnelle, lesquelles prestations ont d'ailleurs été rémunérées par un avenant n°1 ; que si la société fait valoir que cette clôture additionnelle n'était pas mentionnée dans le " plan de situation général " et dans le " plan de situation des matériaux amiantés ", elle ne conteste pas, en revanche, que la " zone 6 ", qui est le terrain sur lequel ces matériaux ont été découverts, était bien située dans l'emprise du projet qui, selon l'article 1.10 du CCTP, présentait en principe un caractère intangible ; que la société requérante, qui ne produit pas le plan de situation, n'établit pas davantage que cette " zone 6 " ne figurait pas sur ce plan ; qu'enfin, contrairement à ce qu'elle soutient, le " plan de situation des matériaux amiantés ", listé à l'article 1.9.1. du CCTP, n'a pas eu pour objet ni pour effet, compte tenu de l'étendue des prestations notamment confiées à la société par les stipulations de l'article 1.10 du CCTP, de déterminer contractuellement, de manière fixe et prédéfinie, une superficie de traitement de matériaux amiantés ; que, dès lors, et eu égard au caractère forfaitaire de sa rémunération définie par le prix n°3, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le maître d'ouvrage a refusé de lui payer une somme de 630 500 francs CFP au titre des études complémentaires qu'elle a réalisées à cette occasion ;
En ce qui concerne le poste, d'un montant de 16 352 328 francs CFP, relatif aux " frais d'arrêt de chantier " :
7. Considérant que si la société Dumez-GTM Calédonie soutient que les faits de vandalisme sur les engins de l'entreprise, commis dans la nuit du 8 septembre 2013, sont constitutifs d'un cas de force majeure dont elle est fondée à demander la réparation, elle n'apporte cependant à l'appui de ce moyen, déjà soulevé devant le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, aucun élément nouveau susceptible de remettre en cause l'appréciation que les premiers juges ont à bon droit portée sur ce moyen aux points 9 à 12 du jugement attaqué, qui doit dès lors être écarté par adoption des motifs retenus par les premiers juges ; que, dès lors, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le maître d'ouvrage a refusé de lui payer une somme de 16 352 328 francs CFP à ce titre ;
En ce qui concerne le poste, d'un montant de 4 043 390 francs CFP, relatif aux " surcoûts dus à l'intégration des entreprises locales sur le chantier " :
8. Considérant qu'après le début d'exécution du marché, la société Dumez-GTM Calédonie et la société Ko Mwai ont conclu un contrat de sous-traitance qui a été accepté et agréé par la haut commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie le 10 septembre 2013, d'un montant prévisionnel de 14 500 000 francs CFP hors taxes pour des prestations de gardiennage, de transport et de mise en dépôt des matériaux ;
9. Considérant que la société requérante soutient que le contrat de sous-traitance a été obtenu par violence dans la mesure où, afin de conduire à terme le chantier, elle s'est " trouvée contrainte " de signer ce contrat avec des opérateurs locaux appartenant à la tribu de Saint Louis afin de prévenir toute difficulté avec cette tribu, qui est " connue pour être une source de tensions et de violence " et qui lui aurait " imposé " un prix de 15 à 20 % plus onéreux que celui qui est habituellement pratiqué pour ce type de prestations ;
10. Considérant que la société requérante n'établit ni même n'allègue que le maître d'ouvrage aurait, par son comportement, participé aux conditions dans lesquelles son consentement sur le contrat de sous-traitance aurait été obtenu ; que, dès lors, et en tout état de cause, elle n'est pas fondée à rechercher la responsabilité contractuelle de l'Etat et à lui demander, sur ce fondement, de réparer le préjudice de 4 043 390 francs CFP qu'elle estime avoir subi à ce titre ; qu'il appartient seulement à la société requérante, si elle s'y croit fondée, de rechercher la responsabilité contractuelle ou pénale de la société Ko Mwai, avec laquelle elle est liée par un contrat de droit privé, devant le juge judiciaire ;
11. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la société Dumez-GTM Calédonie n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 21 026 218 francs CFP au titre du règlement du marché en litige ; que ses conclusions aux fins d'annulation et de condamnation doivent par suite être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demande la société Dumez-GTM Calédonie au titre des frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Dumez-GTM Calédonie est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Dumez-GTM Calédonie et au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.
Délibéré après l'audience du 3 mars 2017 à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, président de chambre,
- Mme Mosser, président assesseur,
- M. Boissy, premier conseiller.
Lu en audience publique le 21 mars 2017.
Le rapporteur,
L. BOISSY
Le président,
M. HEERSLe greffier,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°16PA00592 2