Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 27 janvier 2020 M. A... B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1900288 du 27 décembre 2019 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler l'arrêté du 3 décembre 2018 du préfet du Val-de-Marne ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision portant refus de renouvellement de son titre de séjour est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- elle méconnaît les stipulations du a) et du c) du 1. de l'article 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne, lequel n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite de son mariage en Tunisie avec une ressortissante française, M. A... B..., ressortissant tunisien né le 9 avril 1990, est entré en France le 27 novembre 2016, sous couvert d'un visa de long séjour valant titre de séjour. Par un arrêté du 3 décembre 2018, le préfet du Val-de-Marne a refusé de renouveler ce titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A... B... relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa requête tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article 10 de l'accord franco-tunisien : " 1. Un titre de séjour d'une durée de dix ans, ouvrant droit à l'exercice d'une activité professionnelle, est délivré de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour sur le territoire français : / a) Au conjoint tunisien d'un ressortissant français, marié depuis au moins un an, à condition que la communauté de vie entre époux n'ait pas cessé, que le conjoint ait conservé sa nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français [...] ".
3. Pour rejeter la demande de titre de séjour dont il était saisi, le préfet du Val-de-Marne s'est fondé sur la circonstance que M. A... B..., qui a épousé une ressortissante française le 6 avril 2016, par un acte transcrit au service central d'état civil le 31 août 2016, ne justifiait pas d'une communauté de vie effective avec celle-ci. Il ressort toutefois des pièces du dossier que, par les pièces qu'il produit, à savoir des avis d'échéance de loyer comportant le nom des deux époux, au titre des mois d'août et novembre 2018, ainsi qu'un courrier émanant d'un fournisseur d'électricité et de gaz en date du 29 octobre 2018 comportant leurs deux noms, M. A... B... établit la communauté de vie avec son épouse, à Noisy-le-Sec, à la date de la décision attaquée. La circonstance que la fiche de renseignements remplie par M. A... B..., en novembre 2017, dans le cadre du dépôt de sa demande de titre de séjour, comporte une autre adresse, à Fontenay-sous-Bois, ne saurait établir la rupture de la vie commune, dès lors que cette adresse, qui est celle de la mère de l'épouse de M. A... B..., qui a hébergé le couple, figure également sur l'attestation de demande de logement social au nom de l'épouse de M. A... B..., en date du 21 juin 2017. A cet égard le rapport d'enquête de police en date du 3 mai 2018, qui se borne à indiquer, après des visites au domicile de la mère de M. A... B..., qu'il avait été constaté l'absence de celui-ci et de son épouse et qu'il était impossible de " transmettre les informations demandées ", ne saurait davantage établir la rupture de la vie commune. Dans ces conditions, M. A... B... est fondé à soutenir que la décision attaquée ne pouvait légalement être fondée sur l'absence de communauté de vie avec son épouse.
4. Par ailleurs, si la décision attaquée mentionne également que M. A... B... a fait l'objet d'une condamnation pénale à trois mois d'emprisonnement avec sursis et représente une menace pour l'ordre public, il ne résulte pas de l'instruction, et n'est au demeurant pas soutenu, que le préfet du Val-de-Marne aurait pris la même décision s'il s'était fondé sur ce seul motif.
5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté attaqué du 3 décembre 2018.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Eu égard au motif d'annulation retenu ci-dessus, le présent arrêt implique nécessairement, sous réserve d'un changement dans la situation de l'intéressé, que le préfet du Val-de-Marne délivre à M. A... B... un titre de séjour sur le fondement du a) du 1° de l'article 10 de l'accord franco-tunisien. Il y a lieu, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne d'y procéder, dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés à l'instance :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er: Le jugement n° 1900288 du 27 décembre 2019 du Tribunal administratif de Melun et l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 3 décembre 2018 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Val-de-Marne de délivrer à M. A... B... un titre de séjour sur le fondement du a) du 1. de l'article 10 de l'accord franco-tunisien dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à M. A... B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A... B..., au ministre de l'intérieur et au préfet du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 8 décembre 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme Hamon, président,
- M. Segretain, premier conseiller,
- M. D..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 décembre 2020.
Le rapporteur,
K. D...Le président,
P. HAMON
Le greffier,
C. MONGISLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20PA00279 2