Procédure devant la Cour :
Par une requête sommaire et un mémoire ampliatif, enregistrés le 27 novembre 2019 et le 19 décembre 2019, M. A... B..., représenté par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1904480/2-1 du 17 septembre 2019 du Tribunal administratif de Paris.
2°) d'annuler l'arrêté du 30 août 2018 du préfet de police ;
3°) d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour méconnaît les dispositions des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il n'est pas établi que l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration aurait été rendu à la suite d'une délibération collégiale ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen personnalisé et complet de sa situation ;
- elle méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée en raison de l'illégalité, invoquée par voie d'exception, de la décision portant refus de délivrance du titre de séjour ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il remplit les conditions posées par le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ne pouvait donc pas faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ;
- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision le privant d'un délai de départ volontaire est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur de droit, le préfet de police s'étant cru lié par le délai de trente jours énoncé à l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard à ses conséquences sur sa situation personnelle.
La requête a été communiquée au préfet de police, lequel n'a pas produit de mémoire en défense.
M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 15 octobre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant ivoirien né le 20 décembre 1998, a sollicité son admission au séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 30 août 2018, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. B... relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la fin de non-recevoir opposée en première instance :
2. D'une part, l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " I. - L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des 3°, 5°, 7° ou 8° du I de l'article L. 511-1 ou sur le fondement de l'article L. 511-3-1 et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II de l'article L. 511-1 ou au sixième alinéa de l'article L. 511-3-1 peut, dans le délai de trente jours suivant sa notification, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ou d'interdiction de circulation sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant [...] ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Lorsqu'une action en justice ou un recours doit être intentée avant l'expiration d'un délai devant les juridiction de première instance, [...] l'action ou le recours est réputée avoir été intentée dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter : / a) De la notification de la décision d'admission provisoire ; / b) De la notification de la décision constatant la caducité de la demande ; / c) De la date à laquelle le demandeur à l'aide juridictionnelle ne peut plus contester la décision d'admission ou de rejet de sa demande en application du premier alinéa de l'article 56 et de l'article 160 ou, en cas de recours de ce demandeur, de la date à laquelle la décision relative à ce recours lui a été notifiée ; / d) Ou, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné ".
4. Le préfet de police a fait valoir, en première instance, que la requête de M. B... était tardive. Toutefois, si le préfet de police soutenait que l'arrêté contesté a été notifié le 4 septembre 2018, il ressort des pièces du dossier que le pli contenant cet arrêté a été présenté, à cette date, au 92 rue Saint-Denis à Paris (premier arrondissement), alors que M. B... indique, de son côté, qu'il avait communiqué au préfet de police son changement d'adresse avant la signature, le 30 août 2018, de l'arrêté contesté. Il se prévaut, au soutien de ses allégations, de la circonstance que le préfet de police a mentionné la nouvelle adresse qu'il lui avait communiquée, au 31 rue de la Folie Regnault (onzième arrondissement), sur le récépissé de demande de titre de séjour qui lui a été délivré le 18 juillet 2018. Le préfet de police n'apporte aucun élément permettant de remettre en cause la circonstance qu'il avait connaissance de la nouvelle adresse de M. B..., dont il a lui-même fait état sur ce récépissé. Il n'établit pas davantage, ni même n'allègue, que M. B... aurait de nouveau fait état d'un changement d'adresse après la délivrance de ce récépissé. Il n'établit pas, enfin, que M. B... aurait, en dépit de l'erreur commise sur l'adresse d'envoi, reçu le pli en cause, qui n'a pas été distribué. La notification doit donc être regardée comme ayant été régulièrement effectuée le 8 novembre 2018, à l'occasion du second envoi du pli contenant l'arrêté contesté, cette fois à la nouvelle adresse de M. B.... Or, il ressort des pièces du dossier que M. B... a sollicité le bénéfice de l'aide juridictionnelle par une demande enregistrée le 3 décembre 2018, présentée dans le délai de recours contentieux, et que l'aide juridictionnelle totale lui a été octroyée par une décision du 9 janvier 2019. M. B... soutient, sans être contesté, que cette décision lui a été notifiée le 6 février 2019. Ainsi, la requête de M. B..., enregistrée au greffe du Tribunal administratif de Paris le 6 mars 2019, ne peut être regardée comme tardive. Par suite, la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la demande introductive d'instance doit être écartée.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
5. Il ressort des pièces du dossier que, M. B..., après être entré en France en 2016, a été scolarisé en certificat d'aptitude professionnelle (CAP) " Peintre-applicateur de revêtement " au sein du lycée professionnel Hector-Guimard au titre des années 2017/2018 et 2018/2019. M. B..., qui a d'ailleurs obtenu son certificat d'aptitude professionnelle ainsi que le diplôme d'études en langue française (DELF), en juillet 2019, se prévaut de résultats scolaires satisfaisants, qui lui ont valu les compliments du conseil de classe. L'un de ses professeurs fait état, dans une attestation datée du 23 novembre 2017, de son sérieux et de son assiduité, ainsi que de la circonstance qu'il est apprécié par l'équipe pédagogique. Par ailleurs, M. B..., qui a bénéficié d'un parrainage républicain en mai 2018, se prévaut de sa relation avec une ressortissante burkinabée, titulaire d'une carte de séjour valable jusqu'au 17 février 2023, depuis 2016 - ainsi qu'en témoigne l'attestation rédigée par l'intéressée le 2 septembre 2019 - laquelle ressortissante a d'ailleurs donné naissance, le 5 juillet 2019, à un enfant reconnu par M. B.... Enfin, il ressort des pièces du dossier que M. B... souffre d'une dysplasie arythmogène du ventricule droit ayant justifié la pose d'un pacemaker, ainsi qu'en atteste un certificat médical rédigé le 13 juin 2017 par un praticien hospitalier, et nécessitant un contrôle régulier dans un service de cardiologie. Dès lors, dans les circonstances particulières de l'espèce, M. B... est fondé à soutenir que le refus de régulariser sa situation par la délivrance d'un titre de séjour est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard à ses conséquences sur sa situation personnelle. Il est donc fondé à en demander l'annulation, ainsi que, par voie de conséquence, des décisions l'obligeant à quitter le territoire français, le privant d'un délai de départ volontaire et fixant le pays de renvoi.
6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 août 2018 du préfet de police.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Eu égard au motif d'annulation retenu, le présent arrêt implique nécessairement, sous réserve d'un changement dans la situation de l'intéressé, que soit délivré à M. B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de police de délivrer à M. B... ce titre dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés à l'instance :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de mettre à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. B..., Me D..., d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sous réserve que Me D... renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
D É C I D E :
Article 1er: Le jugement n° 1904480/2-1 du 17 septembre 2019 du Tribunal administratif de Paris et l'arrêté du préfet de police du 30 août 2018 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à M. B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera au conseil de M. B..., Me D..., une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me D..., au préfet de police et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 9 février 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- Mme Hamon, président assesseur,
- M. C..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 février 2021.
Le rapporteur,
K. C...Le président,
C. JARDIN
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 19PA03798 2