Procédure devant la Cour
I. Par une requête sommaire enregistrée sous le n°17PA03486, le 13 novembre 2017 et un mémoire complémentaire enregistré le 22 janvier 2018 et le 1er mars 2019, la société Océan, représentée par la SCP de Nervo etB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 14 septembre 2017 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;
2°) de rejeter la demande présentée par la Province Nord et de la SAEML Grands Projets VKP ;
3°) de la mettre hors de cause ;
4°) subsidiairement, d'ordonner une expertise ;
5°) à titre infiniment subsidiaire, d'opérer un partage de responsabilité avec le maître d'oeuvre et la société Modupose en limitant sa propre condamnation à un euro symbolique ;
6°) dans le dernier état de ses écritures, de mettre à la charge de la Province Nord et de la SAEML Grands Projets VKP une somme de 4 000 euros en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- la minute du jugement attaqué est entachée d'irrégularité faute d'être revêtue de la signature du président ;
- le jugement attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation, la faute reprochée à la société Océan étant insuffisamment qualifiée et précise ;
- c'est à tort que le tribunal, sans justifier cette omission, n'a pas tenu compte de l'expertise privée réalisée le 17 novembre 2011 alors qu'elle était utile à la solution du litige et qu'elle émanait de la même société que l'expertise judiciaire ce qui justifie de faire droit à sa demande d'une nouvelle expertise ; la contradiction entre les conclusions de ces deux premières expertises justifie également qu'il en soit ordonné une nouvelle ;
- le tribunal devait retenir le défaut d'impartialité de l'expert dès lors qu'existe un lien entre ce derneir et l'une des parties au litige ;
- le jugement a méconnu les règles relatives à la charge de la preuve en exigeant des défendeurs qu'ils produisent les éléments de nature à établir le caractère excessif des préjudices allégués par la personne publique ;
- elle doit être mise hors de cause dès lors qu'elle a fait preuve de diligence et de transparence dans la vérification de la conformité du Sinotane 2 et que ce produit n'est pas à l'origine des désordres ; c'est l'absence de précautions d'emploi de ce produit qui en a été la cause ;
- dès lors qu'aucune faute dans l'obligation d'information des cocontractants et de fourniture d'un produit conforme ne peut lui être imputée, seule la responsabilité de la société Modupose et les responsabilités du maître d'oeuvre et de la maîtrise d'ouvrage pour avoir précipité la fin des travaux et la reprise en régie devront être retenues.
Par un mémoire en défense et d'appel provoqué enregistré le 1er octobre 2018, la SARL Alain Varichon Architecte et la Mutuelle des Architectes Français représentées par Me F... concluent à ce que la Cour réduise l'indemnisation due par le groupement de la maîtrise d'oeuvre et par la société Socotec à la somme de 69 173 895 francs CFP pour les bassins et les plages et à 22 207 293 francs CFP pour les toitures et rejette les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elles soutiennent que :
- le préjudice relatif aux bassins est en lien direct avec les fautes du maître d'ouvrage qui, contrairement à la proposition de la maîtrise d'oeuvre de retenir l'offre de Socalet, a choisi la société Océan sans autre consultation du groupement de maîtrise d'oeuvre qui s'est ainsi trouvé devant le fait accompli sans pouvoir émettre de réserves, n'a pas attendu la complétion des études techniques puis a résilié le marché pour une cause que ces mêmes études auraient pu éviter ; les mêmes fautes ont été commises dans la conduite du marché relatif aux toitures des jardins ;
- ni le groupement de la maîtrise d'oeuvre ni la société Socotec n'ont été appelées devant la commission d'appel d'offres pour expliquer les contraintes techniques de chaque offre et le caractère atypique de celle proposée par Océan ; elle n'a modifié son cahier des clauses techniques particulières (CCTP) que pour l'adapter au projet sélectionné pour des raisons économiques imposées par le maître d'ouvrage ;
- ACEI a rempli sa mission par ses recommandations techniques pour le lot n° 6 " Etanchéité " en refusant notamment son visa sur les fiches techniques concernant la minéralisation du revêtement étanche proposées par la société Océan ;
- en ce qui concerne le lot n° 19, la maîtrise d'oeuvre a correctement rempli sa mission et la société Modupose encourt la responsabilité des désordres ;
- en ce qui concerne le lot toiture, si l'expert reproche à la maîtrise d'oeuvre le caractère insuffisant de son CCTP, celui-ci n'a fait l'objet d'aucune réserve du bureau de contrôle technique, en particulier sur l'absence d'isolation thermique alors que ce prétendu défaut n'a pas été la source des désordres qui sont dus à la pose du produit étanche qui est de la responsabilité de la société Océan ;
- aucune faute prouvée ne peut être imputée au groupement de la maîtrise d'oeuvre et à la société Socotec ;
- si une responsabilité solidaire des constructeurs devait être retenue par la Cour, et par référence au barème 5 de la convention de règlement de l'assurance construction, 75 % de la responsabilité devraient peser sur l'entreprise Océan pour l'étanchéité en raison de sa lecture approximative des recommandations du fabricant et sur l'entreprise Modupose pour sa méconnaissance des règles de reconnaissance du support du carrelage et l'absence de réserves et de conseils, 15 % pour la maîtrise d'oeuvre (dont 7,5 % pour la SARL Alain Varichon architecte et 7,5 % pour la SARL ACEI) pour n'avoir pas été suffisamment exigeant sur la production des fiches techniques et les autocontrôles des entreprise et 10 % pour le contrôleur technique la société Socotec ;
- les fautes de la maîtrise d'ouvrage doivent être prises en compte dans la réalisation du sinistre et venir diminuer son droit à réparation à hauteur de 25 % ;
Par un mémoire enregistré le 9 octobre 2018, la société Assistance Conseil Etudes Ingénierie (ACEI), représentée par MeH..., conclut à l'annulation du jugement attaqué en constatant que la société Becare a été liquidée le 10 mai 2016, à ce que la Cour déboute la société Océan, la Province Nord et la SAEML VKP de toutes leurs demandes présentées à son encontre, et condamner ces dernières à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- la société Becare désormais liquidée n'a pas à être mise dans la cause et ne saurait par conséquent être condamnée à payer des dommages et intérêts ;
- l'expertise est entachée d'un défaut d'impartialité de l'expert dont l'entreprise est intervenue préalablement au contentieux pour l'une des parties ; ce défaut n'a été soulevé par les parties qu'après le début des opérations d'expertise au constat de la manière dont elles étaient menées ;
- les demanderesses n'ont pas été en mesure de démontrer l'existence d'une faute de la part des sociétés Becare et ACEI qui devront être mises hors de cause ; le CCTP qu'a élaboré la société ACEI était conforme aux règles de l'art et aurait dû être respecté ; les sociétés Becare et ACEI ont critiqué le choix de la société Océan et ont été mises devant le fait accompli ; contrairement à ce qu'affirme l'expert, la maîtrise d'oeuvre n'a pas vocation à stopper le chantier une fois les lots attribués par la commission d'appel d'offres qui ne l'a jamais consultée ; en cours de travaux, la maîtrise d'oeuvre s'est élevée contre les choix techniques de la société Océan ; la société ACEI n'a pas été missionnée pour la phase AMT, l'architecte était le seul interlocuteur de la société SAEML VKP ; dès lors le groupement de maîtrise d'oeuvre ne peut se voir reprocher une mission de conseil technique ; l'acte d'engagement ne prévoit aucun honoraire au titre de l'assistance à l'analyse des offres ;
Par un mémoire enregistré le 9 octobre 2018, la SMA BTP, représentée par Me H..., conclut à la confirmation du jugement attaqué en ce qu'il a rejeté les conclusions dirigées contre la société GAN Outremer Iard, la Mutuelle des Architectes français et la SMA BTP, au rejet des conclusions de la société Océan, de la Province Nord et de la société SAEML VKP à l'encontre de la société ACEI et à la condamnation de la société Océan, de la Province Nord et de la société SAEML VKP à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que le tribunal administratif était bien incompétent pour connaître de la demande de garantie de la société Socotec Nouvelle Calédonie ;
Par un mémoire enregistré le 18 octobre 2018, la société Socotec représentée par Me C... conclut à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il n'a pas statué sur ses conclusions sollicitant le partage de responsabilité des intervenants, à ce que la Cour la mette hors de cause ou à titre subsidiaire si elle retient sa responsabilité, condamne la société Océan, la compagnie d'assurances Gan Outre-mer Iard, la société Modupose, la société Becare, la SARL Alain Varichon Architecte, la Mutuelle des Architectes Français (MAF), la société Assistance Conseil Etudes Ingénierie (ACEI) et la compagnie d'assurance SMA BTP à la garantir de toutes condamnations pouvant être prononcées à son encontre, à rejeter la demande de condamnation solidaire et la condamne à hauteur seulement de son implication dans l'origine des préjudices, enfin condamne solidairement la Province Nord et la SAEML Grand Projet VKP à lui payer la somme de 400 000 XPF (3 352 euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
Elle soutient que :
- le jugement est entaché d'une omission à statuer sur les demandes subsidiaires de partage de responsabilités et d'appels en garanties qu'elle avait formulées dans le délai de l'instruction ;
- la Cour devra ordonner une expertise avant dire droit dès lors que l'expert n'a pas épuisé sa mission qui incluait un avis sur la détermination des responsabilités ;
- s'il lui est reproché d'avoir validé l'utilisation du procédé Sinotane, c'est le maître d'ouvrage délégué qui a choisi la société Océan avec son offre tenant à l'utilisation de Sinotane 2 dont la qualité avait été démontrée à maintes reprises par les professionnels et qui a fait l'objet d'un agrément technique européen ; elle établit également avoir pris en compte la préconisation du fabricant du Sinotane ce produit relative à la pose du carrelage sur ce produit et avoir assuré un suivi et un contrôle rigoureux ; elle avait également parfaitement identifié le problème de méthodologie de traitement de l'étanchéité de la toiture terrasse et désapprouvé cette méthode comme en témoigne l'avis adressé le 10 août 2011 à la SARL Grand Projet VKP et aux autres intervenants ;
- les désordres relèvent de la responsabilité de la société Modupose qui n'a pas respecté les prescriptions pour la pose du carrelage émanant de la société Socotec comme de la société Chrysor Resipoly ; elle ne disposait d'aucun moyen de suivi de ses prescriptions et réserves, n'ayant aucune relation contractuelle avec les autres parties au marché ; elle n'a pas manqué à sa mission de contrôle de la solidité et de la sécurité des ouvrages et a parfaitement respecté les normes applicables NFP 03-100 ;
- par conséquent, le tribunal ne pouvait retenir sa responsabilité ou à tout le moins, sa responsabilité in solidum avec les autres intervenants ;
- les liens de l'expert avec la société Modupose auraient dû conduire le tribunal à refuser de lui confier la mission dans un souci d'impartialité ; l'expertise a été incomplète puisque l'expert a fait une démonstration de non-conformité du produit d'étanchéité aux pièces du marché sans faire une expertise réelle de la cause du sinistre ;
- les condamnations sont disproportionnées au regard de la liste des préjudices qui ne sont justifiés par aucune facture et au regard des conclusions de l'expertise ;
Par deux mémoires en défense enregistrés le 23 octobre 2018, le 26 février 2019 et le 1er mars 2019, la Province Nord de Nouvelle-Calédonie représentée par Me A...conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Océan du versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est régulier ; la société Océan ne produisant pas la minute du jugement attaqué, elle n'établit pas que ce jugement n'aurait pas été signé par le président de la formation du jugement ; ce jugement est suffisamment motivé, aux considérants 8 à 12, quant aux fautes reprochées à la société Océan ;
- contrairement à ce que soutient l'appelante, le tribunal a pris en compte l'expertise privée réalisée le 17 novembre 2011 qui est citée au considérant 7 et a été examinée pour trancher la question de l'impartialité de l'expert judiciaire désigné en 2014 ; la société appelante ne démontre pas en quoi l'expertise de 2011 aurait été plus pertinente que celle de 2014 ;
- le tribunal n'a pas méconnu son office et a bien examiné la question de l'impartialité de l'expert ; la seule circonstance que l'expert désigné aurait partagé des locaux avec une des sociétés mises en cause, la société Modupose, ne suffit pas à établir une influence sur la teneur et les conclusions de l'expert ; au surplus, l'expertise a retenu la responsabilité de la société Modupose ; l'expert ne s'est donc pas estimé lié par l'expertise amiable par un membre du cabinet d'expertise Exccal qu'il a rejoint ;
- l'expert avait lui-même informé le tribunal et les parties de ses liens professionnels anciens et géographiques plus récents avec la société Modupose ;
- le tribunal n'a pas méconnu les règles relatives à la charge de la preuve en matière de préjudice ;
- la société Océan est responsable du choix du Sinotane 2 qui était inadapté à un ouvrage aquatique ; elle a manqué à son devoir d'information vis-à-vis de ses cocontractants ;
- si la société appelante demande à titre subsidiaire sa condamnation à un euro symbolique, les préjudices subis par la Province Nord ne sont pas symboliques ;
- les conclusions de la société Alain Varichon Architecte tendant au partage de responsabilité sont nouvelles en appel et par suite irrecevables ;
Par une lettre du 15 février 2019, les parties ont été informées de ce que, en application de l'article L. 611-7 du code de justice administrative, l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office.
Un mémoire a été enregistré le 4 mars 2019 présenté pour la société Socotec représentée par MeC....
Un mémoire a été enregistré le 4 mars 2019 présenté pour la société
Mme J...E...mandataire judiciaire de la société Océan par la SCP de Nervo B....
II. Par une requête, enregistrée sous le n° 17PA03497, le 14 novembre 2017 et un mémoire en réplique enregistré, la société Assistance Conseil Etudes Ingénierie (ACEI), représentée Me H...et Me I...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 14 septembre 2017 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;
2°) de rejeter les demandes présentées par la Province Nord et de la SAEML Grands Projets VKP à son encontre ;
3°) de mettre à la charge de la Province Nord et de la SAEML Grands Projets VKP une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- la société Becare désormais liquidée n'a pas été mise régulièrement dans la cause et ne saurait par conséquent être condamnée à payer des dommages et intérêts ;
- l'expertise est entachée d'un défaut d'impartialité de l'expert dont l'entreprise est intervenue préalablement au contentieux pour l'une des parties ; ce défaut n'a été soulevé par les parties qu'après le début des opérations d'expertise au constat de la manière dont elles étaient menées ; la Cour devra ordonner une expertise avant dire droit dès lors que l'expert n'a pas épuisé sa mission qui incluait un avis sur la détermination des responsabilités ;
- les demanderesses n'ont pas été en mesure de démontrer l'existence d'une faute de la part des sociétés Becare et ACEI qui devront être mises hors de cause ; le CCTP qu'a élaboré la société ACEI était conforme aux règles de l'art et aurait dû être respecté ; les sociétés Becare et ACEI ont critiqué le choix de la société Océan et ont été mises devant le fait accompli ; contrairement à ce qu'affirme l'expert, la maîtrise d'oeuvre n'a pas vocation à stopper le chantier une fois les lots attribués par la commission d'appel d'offres qui ne l'a jamais consulté ; en cours de travaux, la maîtrise d'oeuvre s'est élevée contre les choix techniques de la société Océan ; la société ACEI n'a pas été missionnée pour la phase AMT, l'architecte était le seul interlocuteur de la société SAEML VKP, et dès lors le groupement de maîtrise d'oeuvre ne peut se voir reprocher une mission de conseil technique ; l'acte d'engagement ne prévoit aucun honoraire au titre de l'assistance à l'analyse des offres ;
Par un mémoire enregistré le 14 décembre 2018 et un mémoire récapitulatif enregistré le 18 octobre 2018, la société Socotec, représentée par MeC..., conclut à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il n'a pas statué sur ses conclusions sollicitant le partage de responsabilité des intervenants, à ce que la Cour la mette hors de cause ou à titre subsidiaire si elle retient sa responsabilité, condamne la société Océan, la compagnie d'assurances Gan outre-mer Iard, la société Modupose, la société Becare, la SARL Alain Varichon Architecte, la Mutuelle des Architectes Français (MAF), la société Assistance Conseil Etudes Ingénierie (ACEI) et la compagnie d'assurance SMA BTP à la garantir de toutes condamnations pouvant être prononcées à son encontre, à rejeter la demande de condamnation solidaire et la condamne à hauteur de son implication dans l'origine des préjudices, enfin condamne solidairement la Province Nord et la SAEML VKP à lui payer la somme de 400 000 XPF (3 352 euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance ;
Elle soutient que :
- le jugement est entaché d'une omission à statuer sur les demandes subsidiaires de partage de responsabilités et d'appels en garanties qu'elle avait formulées dans le délai de l'instruction ;
- la Cour devra ordonner une expertise avant dire droit dès lors que l'expert n'a pas épuisé sa mission qui incluait un avis sur la détermination des responsabilités ;
- s'il lui est reproché d'avoir validé l'utilisation du procédé Sinotane, c'est le maître d'ouvrage délégué qui a choisi la société Océan avec son offre tenant à l'utilisation de Sinotane 2 dont la qualité avait été démontrée à maintes reprises par les professionnels et qui a fait l'objet d'un agrément technique européen ; elle établit également avoir pris en compte la préconisation du fabricant du Sinotane relative à la pose du carrelage sur ce produit et avoir assuré un suivi et un contrôle rigoureux ; elle avait également parfaitement identifié le problème de méthodologie de traitement de l'étanchéité de la toiture terrasse et désapprouvé cette méthode comme en témoigne l'avis adressé le 10 août 2011 à la SARL Grand Projet VKP et aux autres intervenants ;
- les désordres relèvent de la responsabilité de la société Modupose qui n'a pas respecté les prescriptions pour la pose du carrelage émanant de Socotec comme de la société Chrysor Resipoly ; elle ne disposait d'aucun moyen de suivi de ses prescriptions et réserves, n'ayant aucune relation contractuelle avec les autres parties au marché ; elle n'a pas manqué à sa mission de contrôle de la solidité et de la sécurité des ouvrages et a parfaitement respecté les normes applicables, NFP 03-100 ;
- par conséquent, le tribunal ne pouvait retenir sa responsabilité ni à tout le moins, sa responsabilité in solidum avec les autres intervenants ;
- les liens de l'expert avec la société Modupose auraient dû conduire le tribunal à refuser de lui confier la mission dans un souci d'impartialité ; l'expertise a été incomplète puisque l'expert a fait une démonstration de non-conformité du produit d'étanchéité aux pièces du marché sans faire une expertise réelle de la cause du sinistre ;
- Les condamnations sont disproportionnées au regard de la liste des préjudices qui ne sont justifiés par aucune facture et au regard des conclusions de l'expertise ;
Par un mémoire enregistré le 1er mars 2018, la SMA BTP représentée par Me I... et Me H...conclut à la confirmation du jugement attaqué en ce qu'il a rejeté les conclusions dirigées contre la société Gan Outre-mer Iard, la Mutuelle des Architectes Français et elle-même et à la condamnation de la Province Nord et la SAEML VKP à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que le tribunal était incompétent pour connaître de l'appel en garantie dirigé contre elle par la société Socotec Calédonie ;
Par un mémoire enregistré le 3 avril 2018 et des pièces nouvelles enregistrées le 4 mars 2019, et une lettre enregistrée le 1er mars 2019 informant de sa mise en liquidation judiciaire la SARL Océan représentée par la SCP Nervo et B...conclut au rejet des conclusions de la société ACEI et à la condamnation de cette dernière à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- elle a été choisie au terme d'une procédure régulière ;
- le fait qu'elle a été la société moins-disante est sans lien avec les désordres survenus ;
-la société Socotec a validé l'utilisation du Sinotane 2 le 23 février 2010, soit avant la signature de l'acte d'engagement entre la maîtrise d'ouvrage et la société Océan le 17 mars 2010 ;
- la société ACEI ne s'est pas opposée à l'acceptation de son offre et ne s'est pas manifestée avant mai 2010, soit après l'apparition des désordres ;
Par des mémoires en défense enregistrés le 23 octobre 2018, 26 février 2019 et 1er mars 2019, la Province Nord de Nouvelle-Calédonie représentée par Me A...conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société ACEI du versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que des frais et honoraires d'expertise tels que taxés par l'ordonnance du 28 juillet 2014 ;
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable en ce qu'elle ne contient aucune critique du jugement attaqué, en violation des articles R. 411-1 et R. 811-13 du code de justice administrative ; la demande tendant à ce que la Cour constate que la société Becare a été liquidée est irrecevable car il n'appartient pas au juge de faire des constatations et parce qu'elle concerne un tiers ; les conclusions sont irrecevables en ce qu'elles visent à la fois l'annulation et la réformation du jugement ;
- le tribunal n'a pas méconnu son office et a bien examiné la question de l'impartialité de l'expert ; la seule circonstance que l'expert désigné aurait partagé des locaux avec une des sociétés mises en cause, la société Modupose, ne suffit pas à établir une influence sur la teneur et les conclusions de l'expert ; au surplus, l'expertise a retenu la responsabilité de la société Modupose ; l'expert ne s'est donc pas estimé lié par l'expertise amiable par un membre du cabinet d'expertise Exccal qu'il a rejoint ; l'expert avait lui-même informé le tribunal et les parties de ses liens professionnels anciens et géographiques plus récents avec la société Modupose ;
- la circonstance que la société ACEI n'était pas chargée de l'analyse technique et financière des offres de la première procédure et qu'elle ne siégeait pas à la commission d'appel d'offres ne suffit pas à l'exonérer de sa responsabilité ; la présence d'un maître d'ouvrage délégué n'a pas pour effet de l'exonérer du contenu et de l'accomplissement de ses missions ; c'est à juste titre que le tribunal a jugé que sa responsabilité était engagée tant pour les désordres affectant les bassins et les plages que les toitures-terrasses jardins ;
- la société appelante est tenue de réparer le dommage causé ;
- les conclusions de la société Socotec sont tardives et par suite irrecevables ;
Un mémoire a été enregistré le 4 mars 2019 présenté pour la société Socotec représentée par MeC... ;
Un mémoire a été enregistré le 4 mars 2019 présenté pour la société
MmeJ... E... mandataire judiciaire de la société Océan représentée par la SCP de Nervo etB... ;
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 modifiée relative à la Nouvelle-Calédonie ;
- la délibération n° 136/CP du 1er mars 1967 portant réglementation des marchés publics ;
la délibération n° 64/CP du 10 mai 1989 fixant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux et aux marchés publics de fournitures courantes et de services passés en application de la délibération n° l36 du 1er mars 1967 ;
- le code de justice administrative dans sa version applicable en Nouvelle-Calédonie.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Julliard,
- les conclusions de Mme Jayer, rapporteur public,
- et les observations de Me B...pour la société Océan et Me A...pour la Province Nord.
Considérant ce qui suit :
1. La Province Nord de Nouvelle-Calédonie a chargé la SAEML Grand Projet VKP, en qualité de maître d'ouvrage délégué, de procéder à la réalisation des travaux de construction du centre aquatique à Pouembout. La maîtrise d'oeuvre a été confiée au groupement Becare - Alain Varichon Architecte - ACEI - ETE - Secuprev et le contrôle technique à la société Socotec Calédonie. Le lot n° 6 " Etanchéité " a été attribué à l'entreprise Océan et le lot 19B " Revêtement bassins " à la société Modupose. Le début des travaux a été fixé au 6 mai 2010 et l'achèvement de ces travaux au 6 août 2011. Au cours du mois d'août 2011, des décollements de carreaux du revêtement carrelage sur le grand bassin et les plages sont apparus, mettant en cause l'adhérence du mortier colle au produit d'étanchéité Sinotane 2. Face à l'inertie de la société Océan malgré deux mises en demeure des 21 décembre 2011 et 7 février 2012 tendant à la dépose des carrelages et à la pose d'un isolant sur les toitures-terrasses des locaux du centre aquatique, le maître d'ouvrage a décidé le 27 juin 2012 la mise en régie puis la résiliation du marché lot n° 6. La Province Nord a sollicité du juge des référés du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie la désignation d'un expert, dont le rapport a été déposé le 24 juillet 2014. La Province Nord de Nouvelle-Calédonie et la SAEML Grand Projet VKP ont demandé au tribunal administratif de condamner in solidum l'entreprise Océan, et son assureur la société GAN outre-mer IARD, la société Modupose, la société Alain Varichon Architecte, et son assureur la Mutuelle des Architectes Français, les sociétés Becare et Assistance Conseil Etudes Ingéniérie (ACEI) et leur assureur la SMA BTP à verser à la Province Nord la somme de 178 332 092 francs CFP en réparation des préjudices découlant des désordres d'étanchéité ayant affecté le centre aquatique de Pouembout. Par un jugement du 14 septembre 2017, le tribunal a condamné in solidum les sociétés Alain Varichon Architecte, ACEI, Becare, Socotec, Océan et Modupose à verser la somme de 92 321 847 francs CFP à la Province Nord et condamné in solidum les sociétés Alain Varichon Architecte, ACEI, Becare et Océan à verser la somme de 29 609 722 francs CFP à la Province Nord. Par deux requêtes enregistrées respectivement sous le n° 17PA03486 et sous le n° 17PA03497, les sociétés Océan et ACEI relèvent appel de ce jugement.
2. Les requêtes n° 17PA03486 et n° 17PA03497 sont dirigées contre le même jugement et présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt.
Sur les fins de non-recevoir opposées par la Province Nord de Nouvelle-Calédonie :
3. Si la Province Nord soutient que la requête de la société ACEI est irrecevable en ce qu'elle ne contient aucune critique du jugement attaqué, en violation des articles R. 411-1 et R. 811-13 du code de justice administrative, il ressort de la lecture de cette requête qu'elle critique tant l'expertise sur laquelle se sont fondés les premiers juges que la responsabilité fautive qu'ils ont retenue. Par suite, cette fin de non-recevoir ne peut qu'être écartée.
4. Si la Province Nord soutient également que les conclusions la requête de la société ACEI sont irrecevables en ce qu'elles visent à la fois l'annulation et la réformation du jugement attaqué, de telles conclusions doivent être regardées comme présentées à titre principal et subsidiaire. Cette fin de non-recevoir doit être également écartée.
5. En revanche, les conclusions de la société ACEI tendant à ce que la Cour constate que la société Becare a été liquidée, qui doivent en l'espèce être regardées comme tendant à ce que la Cour mette la société Becare hors de cause, sont irrecevables, comme le soutient la Province Nord, en tant qu'elles sont présentées par un tiers.
Sur la régularité du jugement attaqué :
6. La société Socotec soutient que le jugement attaqué est irrégulier en tant qu'il n'a pas statué sur ses conclusions subsidiaires sollicitant le partage de responsabilité des intervenants en cas de reconnaissance de sa responsabilité et appelant en garantie la société Océan, la compagnie d'assurances Gan outre-mer Iard, la société Modupose, la société Becare, la SARL Alain Varichon Architecte, la Mutuelle des Architectes Français (MAF), la société Assistance Conseil Etudes Ingénierie (ACEI) et la compagnie d'assurance SMA BTP. Il ressort en effet des pièces du dossier de première instance que la société Socotec a présenté de telles conclusions dans son mémoire enregistré le 26 juin 2017 au greffe du tribunal, soit avant la clôture de l'instruction reportée au 17 juillet, mémoire qui n'a toutefois pas été visé par le jugement attaqué. Alors qu'ils rejetaient les conclusions présentées à titre principal par la société Socotec, les premiers juges ont omis de se prononcer sur ses conclusions subsidiaires et ont, par suite, entaché d'irrégularité leur jugement, qui doit donc être annulé. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la Province Nord de Nouvelle-Calédonie et la SAEML Grands Projets VKP devant le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie.
Sur l'action principale:
7. La Province Nord et la SAEML Grand Projet VKP recherchent la responsabilité contractuelle, à raison de diverses fautes, des intervenants à l'acte de construire et de leurs assureurs respectifs tant en ce qui concerne les désordres affectant les bassins aquatiques et les plages du centre nautique qu'en ce qui concerne les désordres affectant les toits terrasses et demandent leur condamnation in solidum à réparer les préjudices résultant pour la Province Nord de ces désordres.
8. Toutefois, ces conclusions sont présentées devant une juridiction incompétente pour en connaître en tant qu'elles sont dirigées contre la société GAN Outre-mer IARD, la Mutuelle des Architectes Français et la SMA BTP dès lors que si l'action directe ouverte à la victime d'un dommage ou à l'assureur de celle-ci subrogé dans ses droits, contre l'assureur de l'auteur responsable du sinistre, tend à la réparation du préjudice subi par la victime, elle se distingue de l'action en responsabilité contre l'auteur du dommage en ce qu'elle poursuit l'exécution de l'obligation de réparer qui pèse sur l'assureur en vertu du contrat d'assurance, dont il appartient aux seules juridictions de l'ordre judiciaire de connaître, alors même que l'appréciation de la responsabilité de son assuré dans la réalisation du fait dommageable relèverait de la juridiction administrative.
S'agissant de la régularité de l'expertise du 24 juillet 2014 :
9. Les sociétés Océan et ACEI soutiennent que le rapport d'expertise déposé le 24 juillet 2014 est entaché d'irrégularité en raison du manque d'impartialité de l'expert désigné par le Tribunal administratif, dès lors que M. G...était membre du cabinet Exccal, lequel avait réalisé un rapport consacré au décollement du carrelage de la piscine Pouembout et était un ancien salarié de la société Modupose, également mise en cause dans cette affaire.
10. Il ressort du rapport d'expertise judiciaire que M. G...a précisé aux parties présentes lors de la première réunion d'expertise le 27 mars 2014 que le cabinet Exccal, pour lequel il exerçait, avait réalisé pour la société Océan une expertise privée relative à la même affaire, qu'il en avait informé le président du tribunal mais que ni lui-même, ni son sapiteur n'avaient participé à cette expertise. Il résulte également de l'instruction que cette expertise privée, réalisée entre août et novembre 2011, a été effectuée par un autre expert et contenait des conclusions contraires à celles du rapport judiciaire de M.D.... En outre, si ce dernier avait été, plusieurs années auparavant, salarié d'une société dont l'activité a été reprise par la société Modupose, dont la responsabilité a été, au demeurant, retenue dans l'expertise dont il est l'auteur, cette circonstance n'est pas de nature à établir un manque d'impartialité de M. D.... Par suite, l'expertise judiciaire n'est pas entachée d'irrégularité.
S'agissant des désordres affectant les bassins aquatiques et les plages :
11. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise judiciaire, que ces désordres ont pour origine l'utilisation expérimentale par le titulaire du lot n° 6 " Etanchéité ", la société Océan, d'un produit Sinotane 2 non destiné à des bassins et ne permettant pas de recevoir un carrelage collé.
12. Il résulte également de l'instruction, que le lot n° 6 a fait l'objet d'une première procédure d'appel d'offres déclarée infructueuse le 8 septembre 2009 en raison de la non-conformité de l'offre de la société Océan, seule candidate, aux prescriptions techniques du marché. À l'issue d'une nouvelle procédure d'appel d'offres, le groupement de maîtrise d'oeuvre a proposé de retenir l'offre de la société Socalet, conforme aux prescriptions du marché, et, en seconde position, d'étudier l'offre de la société Océan, offre moins-disante, sous réserve de validation du procédé technique proposé par le contrôleur technique, la société Socotec. Cette dernière ayant validé l'utilisation du système d'étanchéité liquide Sinotane 2 par courriel du 23 février 2010, le marché a été attribué à la société Océan par acte d'engagement du 26 avril 2010. Le 17 mai 2010, le maître d'oeuvre, la société ACEI, a émis des réserves sur le procédé Sinotane et demandé à la société Océan de lui fournir un certificat du fabricant sur l'utilisation de ce produit sous carrelage collé en horizontal et vertical en piscine. A la suite de la production par la société Océan d'un courrier du
19 août 2010 de la société Chryso Resipoly, la société ACEI a accepté l'utilisation du Sinotane avec pose de carrelage collé avec un mortier-colle sur sa couche minéralisée. Par deux courriers des 29 septembre 2010 et 25 février 2011, la société Modupose, titulaire du lot 19B " Revêtement bassins " a émis des doutes sur la compatibilité du mortier-colle avec le Sinotane 2. A la suite d'essais positifs d'adhérence sur béton du Sinotane 2 réalisés par la société Océan à la demande du maître d'ouvrage délégué et validés le 11 juillet 2011 par la société Socotec, la SARL Varichon a demandé à la société Modupose par courriel du
8 juillet 2011 de commencer la pose du carrelage sur les bassins. Après l'apparition de décollements du carrelage, constatés le 9 août 2011, la société Modupose a proposé la mise en oeuvre d'un primaire Primaprene Plus, solution refusée par la société ACEI mais mise en oeuvre par la société Modupose sur le bassin d'apprentissage le 13 septembre 2011, malgré l'absence de garantie du fournisseur Parex Lanko. Enfin, il résulte également de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que les désordres constatés sur le joint de dilatation des plages sont également imputables à la pose du carrelage à cheval sur ledit joint.
13. Il résulte de l'ensemble de ces constatations et des conclusions de l'expert, qui ne sont pas utilement contredites par les parties, que les désordres constatés sur les bassins et les plages du centre aquatique trouve principalement leur origine dans l'utilisation d'un produit d'étanchéité non conforme à son cahier des charges techniques visé par Qualiconsult, lequel ne prévoit pas son usage dans le cas d'ouvrages devant recevoir un carrelage collé et soumis aux contre-pressions, tels que des bassins de piscines enterrées. Cette utilisation constituait donc une faute contractuelle au regard des exigences du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) du marché prévoyant la réalisation d'une " étanchéité liquide à base de liant hydraulique bénéficiant d'un avis technique apte à recevoir un carrelage collé " imputable à la société Océan, entreprise spécialisée dans l'étanchéité et responsable du bon usage des produits, du respect des règles de l'art et des prescriptions de l'article 3.5 du CCTP. Pour sa part, la société Socotec, garante des normes de construction au titre de sa mission de contrôle technique (solidité-sécurité) a validé l'utilisation du procédé Sinotane ainsi qu'il a déjà été dit. Quant aux sociétés Alain Varichon Architecte et ACEI, elles ont failli, en leur qualité de maître d'oeuvre, dans leur mission de conseil au maître d'ouvrage sur les risques de mise en oeuvre d'un procédé expérimental. A cet égard, il résulte de l'annexe 4 à l'acte d'engagement du lot " maîtrise d'oeuvre " qu'en ce qui concerne la répartition des tâches pour le lot n° 6 " Etanchéité ", la société Alain Varichon " participe " et ACEI " exécute et est responsable " et qu'en ce qui concerne la répartition des tâches pour le lot n° 19 " Revêtement sols et murs ", la société Alain Varichon " exécute et est responsable ". Il ne résulte en revanche pas de l'instruction que le maître d'ouvrage ait contribué, par le choix de la société Océan, à la réalisation du dommage dès lors que cette offre a été, préalablement à l'attribution du marché, validée par le groupement de maîtrise d'oeuvre et le contrôleur technique par la levée de leurs réserves. Aucune faute de la Province Nord et de son mandataire ne saurait en conséquence exonérer de leur responsabilité les défendeurs. Enfin, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert, que la société Modupose a contribué, par une exécution défectueuse des travaux de pose du carrelage à l'aggravation des désordres.
14. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, que la société Socotec, les sociétés Alain Varichon Architecte et ACEI et la société Modupose ont contribué par leurs manquements respectifs à leurs obligations contractuelles à la réalisation des désordres. Dès lors, la province Nord et la SAEML Grand Projet VKP sont fondées à demander la condamnation in solidum de l'entreprise Océan, de la société Modupose, de la société Socotec, de la société Alain Varichon Architecte, des sociétés Becare et Assistance Conseil Etudes Ingéniérie (ACEI) à les indemniser des préjudices subséquents. La circonstance que la société Becare aurait été liquidée le 10 mai 2016 est sans incidence à cet égard.
15. Par ailleurs, si chacun des coauteurs d'un même dommage, en conséquence de leurs fautes respectives, doit être condamné in solidum à la réparation de l'entier dommage, chacune de ces fautes ayant concouru à le causer tout entier, il n'y a pas lieu de tenir compte du partage de responsabilités entre les coauteurs, lequel n'affecte que les rapports réciproques de ces derniers, mais non le caractère et l'étendue de leur obligation à l'égard de la victime du dommage. Dès lors, et en l'absence d'appel en garantie, la demande présentée à titre subsidiaire devant le tribunal administratif par la société Varichon et la Mutuelle des Architectes Français tendant à ce que seule une part de responsabilité de 7,5 % dans la réalisation des dommages lui soit imputée, ne peut qu'être rejetée.
S'agissant des désordres affectant les toits terrasses :
16. Il résulte de l'instruction, et en particulier du rapport d'expertise judiciaire, que les désordres affectant les toits terrasses du centre aquatique consistant en des infiltrations et des dégradations des peintures, ont pour origine l'absence d'étanchéité de ces toitures également traitées au Sinotane 2 qui ne permet pas la pose d'une isolation thermique prévue par le CCTP et qui n'est pas conforme à la norme anti-racine applicable. Ainsi, l'utilisation par la société Océan du Sinotane 2 pour assurer l'étanchéité des toitures terrasses jardins ne permettait pas de garantir la construction des bâtiments selon les règles de l'art et les prescriptions de l'article 3.5 du CCTP, et constitue une faute contractuelle, nonobstant la circonstance, à la supposer établie, que la suppression de la couche d'isolation thermique aurait été possible. Si cette faute incombe principalement à la société Océan, titulaire du lot " Etanchéité ", responsable du choix du Sinotane 2, elle est également imputable, pour les motifs exposés au point 13, à la société Alain Varichon Architecte, à la société ACEI, ainsi qu'à la société Socotec.
17. Dès lors, la Province Nord et la SAEML Grands Projets VKP sont fondées à demander, sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, la condamnation in solidum de la société Océan, de la société Alain Varichon Architecte, des sociétés Becare et ACEI, ainsi que de la société Socotec qui ont chacune contribué à l'apparition des désordres. Aucune faute en revanche, pour les motifs exposés au point 13, ne saurait exonérer de leur responsabilité les défendeurs. La circonstance que la société Becare aurait été liquidée le 10 mai 2016 est sans incidence à cet égard.
18. Pour les motifs exposés au point 15, les conclusions subsidiaires mentionnées à ce même point du présent arrêt, présentées par la société Varichon et la Mutuelle des Architectes Français, ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les préjudices :
19. En premier lieu, en l'absence de justification du lien de causalité direct et certain entre d'une part, les fautes exposées aux points précédents et d'autre part, les frais d'entretien liés au report de l'ouverture du centre aquatique estimés par la province Nord à la somme de 1 878 898 francs CFP, l'indemnisation du salaire versé à l'agent responsable du centre aquatique pendant la période de report soit 8 748 004 francs CFP, les dépenses de fonctionnement sur la même période, soit 24 516 992 francs CFP, la perte de recettes de 5 400 000 francs CFP, le coût des travaux de levées des réserves et de la mise aux normes, estimés par la province Nord à 13 057 699 francs CFP et les frais financiers exposés, estimés à 2 809 429 francs CFP, les demandes de la Province Nord au titre de ces postes de préjudices doivent être rejetées.
20. En deuxième lieu, la province Nord justifie avoir exposé, au titre des travaux de reprise, la somme de 70 673 123 francs CFP pour les bassins, la somme de 16 146 705 francs CFP pour les plages et le joint de dilatation et la somme de 24 680 285 francs CFP pour les toitures terrasses jardins. Il y a également lieu de retenir la somme de 5 538 756 francs CFP au titre de l'assistance à la maîtrise d'ouvrage fournie par la SAEML VKP Grand Projet, compte tenu du taux non contesté de 5,25 % du montant total des travaux qui s'élève à 111 500 113 francs CFP, ainsi que la somme de 10 892 700 francs CFP qu'elle justifie également avoir versé au titre de l'assistance à la maîtrise d'ouvrage à la société Beck.
21. Il résulte de l'instruction et en l'absence de contestation des parties sur ce point, qu'il y a lieu de retenir ainsi que l'a fait le tribunal, une répartition des frais liés à l'assistance à la maîtrise d'ouvrage de 70 % au titre des désordres ayant affecté les bassins et plages et de 30 % au titre des désordres ayant affecté les toitures terrasses jardins.
22. Dans ces conditions, compte tenu de la clé de répartition ainsi retenue pour la répartition des frais liés à l'assistance à la maîtrise d'ouvrage (10 892 700 francs CFP + 5 538 756 francs CFP = 16 431 456 francs CFP), soit 70 % au titre des désordres ayant affecté les bassins et plages (11 502 019 francs CFP) et 30 % au titre des désordres ayant affecté les toitures terrasses jardins (4 929 437 francs CFP), les préjudices subis par le maître d'ouvrage s'élèvent à 98 321 847 francs CFP (70 673 123 francs CFP + 16 146 705 francs CFP + 11 502 019 francs CFP ) au titre des désordres ayant affecté les bassins et plages et à 29 609 722 francs CFP (24 680 285 francs CFP + 4 929 437 francs CFP) au titre des désordres ayant affecté les toitures terrasses jardins.
23. Il y a lieu, par conséquent, de condamner in solidum l'entreprise Océan, la société Modupose, la société Socotec, la société Alain Varichon Architecte, les sociétés Becare et ACEI à payer à la province Nord la somme de 98 321 847 francs CFP au titre des désordres ayant affecté les bassins et plages. Au titre des désordres ayant affecté les toitures terrasses jardins, il y a lieu de condamner in solidum la société Océan, la société Alain Varichon Architecte, les sociétés Becare et ACEI, ainsi que la société Socotec à payer à la province Nord la somme de 29 609 722 francs CFP.
Sur les appels en garantie :
24. En premier lieu, les conclusions d'appel en garantie formées par la société Socotec à l'encontre de la société GAN Outre-mer IARD, la Mutuelle des architectes français et la SMA BTP sont, pour les motifs exposés au point 8, présentées devant une juridiction incompétente pour en connaître.
25. En second lieu, compte tenu des fautes respectivement imputables à chacun des coauteurs des dommages et rappelées aux points 13 et 19 ci-dessus, la société Socotec est fondée à demander la condamnation des coauteurs à la garantir à hauteur de 60% pour la société Océan, de 15% pour le groupement de maîtrise d'oeuvre et à hauteur de 10 % pour la société Modupose, de la somme de 14 748 277 francs CFP mise à sa charge au titre des dommages ayant affecté les bassins et plages et à demander la condamnation de la société Océan à la garantir à hauteur de 70 % et du groupement de maîtrise d'oeuvre à hauteur de 15 %, de la somme de 4 441 458, 50 francs CFP mise à sa charge au titre des dommages ayant affecté les toitures terrasses jardins, dans la limite des sommes effectivement versées par elle au titre de ces condamnations.
Sur les frais d'expertise :
26. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge définitive de la société Océan les frais d'expertise taxés et liquidés par ordonnance du 28 juillet 2014 du président du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie à la somme de 1 580 585 francs CFP.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
27. Les dispositions susvisées font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur ce fondement par les sociétés Océan, ACEI, Alain Varichon Architecte, Socotec, la Mutuelle des Architectes Français et la SMA BTP. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge respectivement des sociétés Océan et ACEI la somme de 1 500 euros chacune à verser à la Province Nord de Nouvelle-Calédonie et la SAEML Grand Projet VKP au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1600227 du 14 septembre 2017 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie est annulé.
Article 2 : Les conclusions de la province Nord et de la SAEML Grand Projet VKP d'une part, de la société Socotec d'autre part, dirigées contre les compagnies GAN outre-mer IARD, la Mutuelle des Architectes Français et la SMA BTP sont portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Article 3 : L'entreprise Océan, la société Modupose, la société Socotec, la société Alain Varichon Architecte et les sociétés Becare et Assistance Conseil Etudes Ingéniérie (ACEI) sont condamnées in solidum à payer à la province Nord la somme de 98 321 847 francs CFP au titre des désordres ayant affecté les bassins et plages.
Article 4 : La société Océan, la société Alain Varichon Architecte, les sociétés Becare et Assistance Conseil Etudes Ingéniérie (ACEI), ainsi que la société Socotec sont condamnées in solidum à payer à la province Nord la somme de 29 609 722 francs CFP au titre des désordres ayant affecté les toitures terrasses jardins.
Article 5 : Les conclusions subsidiaires de la société Alain Varichon Architecte tendant à un partage des responsabilités sont rejetées.
Article 6 : La société Océan garantira la société Socotec de la condamnation prononcée à l'encontre de celle-ci au titre des désordres visés à l'article 3 à hauteur de 60 % des sommes effectivement réglées par elle.
Article 7 : La société Océan garantira la société Socotec de la condamnation prononcée à l'encontre de celle-ci au titre des désordres visés à l'article 4 à hauteur de 60 % des sommes effectivement réglées par elle.
Article 8 : Le groupement de maîtrise d'oeuvre, composé des sociétés Becare, Alain Varichon Architecte et ACEI, garantira la société Socotec de la condamnation prononcée à l'encontre de celle-ci au titre des désordres visés à l'article 3 à hauteur de 15 % des sommes effectivement réglées par elle.
Article 9 : Le groupement de maîtrise d'oeuvre, composé des sociétés Becare, Alain Varichon Architecte et ACEI, garantira la société Socotec de la condamnation prononcée à l'encontre de celle-ci au titre des désordres visés à l'article 4 à hauteur de 15 % des sommes effectivement réglées par elle.
Article 10 : La société Modupose garantira la société Socotec de la condamnation prononcée à l'encontre de celle-ci au titre des désordres visés à l'article 3 à hauteur de 10 % des sommes effectivement réglées par elle.
Article 11 : Les frais d'expertise, taxés et liquidés par ordonnance du 28 juillet 2014 du président du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie à la somme de 1 580 585 FCFP, sont mis à la charge définitive de la société Océan.
Article 12 : Les sociétés Océan et ACEI verseront la somme de 1 500 euros chacune à la Province Nord de Nouvelle-Calédonie et la SAEML Grand Projet VKP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 13 : Le présent arrêt sera notifié à la société Océan, à la société Assistance Conseil Etudes Ingénierie (ACEI), à la société SMA BTP, à la Province Nord de Nouvelle-Calédonie, la SAEML Grand Projet VKP, aux compagnies GAN outre-mer IARD, et la Mutuelle des Architectes Français (MAF), à la société Modupose, à la société Becare, à la société Socotec, et à la société Alain Varichon Architecte.
Copie en sera adressée au ministre des outre-mer et au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.
Délibéré après l'audience du 8 mars 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, président de chambre,
- Mme Julliard, présidente-assesseure
- M. Mantz, premier conseiller, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 24 avril 2019.
La rapporteure,
M. JULLIARDLe président,
M. HEERSLe greffier,
F. DUBUYLa République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en
Nouvelle-Calédonie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA03486, 17PA03497