Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 11 septembre 2018, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que l'obligation de quitter le territoire français était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de M.A..., eu égard à la durée de son séjour et à ses attaches familiales ;
- les autres moyens invoqués par M. A...devant le tribunal administratif à l'encontre de l'arrêté attaqué ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à M. A...qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Mantz a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., ressortissant angolais né en 1970, entré en France en 2011 selon ses déclarations, a été interpellé par les services de police le 1er août 2018. Par un arrêté du même jour, le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination. Le préfet de police relève appel du jugement du 6 août 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :
2. Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. A...a fait l'objet, le 25 octobre 2012, d'une décision de refus de délivrance d'un titre de séjour, au motif, notamment, qu'il avait fait l'objet d'un rejet de sa demande d'obtention du statut de réfugié, par décisions de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides du 14 novembre 2011 et de la Cour nationale du droit d'asile du 28 juin 2012. Il entrait ainsi dans le champ d'application des dispositions susvisées.
4. M.A..., qui soutient sans l'établir résider en France de manière continue depuis 2011, fait valoir qu'il est le père de deux enfants mineurs en bas âge, BlaisemieA..., avec lequel il soutient résider en compagnie de sa mère, Mme B...D..., et KainaA.... S'agissant du premier enfant, né le 28 décembre 2015 à Paris 10ème, le requérant n'établit ni résider avec lui et sa mère ni même entretenir avec lui des relations régulières et contribuer à son éducation et à son entretien. S'agissant du deuxième enfant, né le 6 janvier 2016 selon les déclarations du requérant, ce dernier ne produit aucune pièce de nature à établir qu'il en est le père. En outre, l'intéressé ne justifie pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident son épouse et ses quatre premiers enfants, ainsi qu'il résulte de ses déclarations portées sur sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile du 17 février 2011, et où il a vécu jusque l'âge de 41 ans. De plus, il ne justifie d'aucune insertion particulière dans la société française. Par suite, au vu de l'ensemble de ces circonstances, le préfet de police, en obligeant M. A...à quitter le territoire français, n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur la situation personnelle de l'intéressé. Dès lors, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé pour ce motif l'arrêté du préfet de police du 1er août 2018.
5. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris.
Sur les autres moyens soulevés par M. A...:
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
6. En premier lieu, la décision litigieuse vise les textes applicables et indique, d'une part, que M. A...s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour du préfet de police par un arrêté en date du 25 octobre 2012, notifié le 26 octobre 2012 et, d'autre part, qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale. Le préfet de police n'étant, par ailleurs, pas tenu de faire état de l'ensemble des éléments de la vie personnelle de l'intéressé, la décision en cause satisfait ainsi à l'obligation de motivation prévue au II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. En deuxième lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté contesté ni d'aucune autre pièce du dossier que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen approfondi de la situation personnelle de M.A....
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
9. Compte tenu de ce qui a été dit au point 4, et dès lors qu'en outre, M. A...a déclaré, lors de son audition par un agent de police judiciaire le 1er août 2018, que l'enfant Blaisemie A...n'était pas scolarisé en France et a également déclaré que l'autre enfant ne l'était pas, que par ailleurs il ne justifie d'aucune insertion particulière dans la société française, la décision litigieuse n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a donc pas méconnu les stipulations invoquées. Pour les mêmes motifs, le préfet de police n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. A....
10. En quatrième lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 4 et 9 que le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, aux termes duquel : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ", doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :
11. En premier lieu, la décision litigieuse vise les textes dont elle fait application, notamment les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et indique qu'il existe un risque que M. A...se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet aux motifs qu'il s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement et qu'il ne présente pas de garanties de représentation suffisantes dans la mesure où il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision litigieuse doit être écarté.
12. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II. Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité (...) ".
13. Il ressort des pièces du dossier que M. A...s'est soustrait à la mesure d'éloignement dont était assortie la décision de refus de délivrance de titre de séjour du 25 octobre 2012, mentionnée au point 3. En outre, il est constant que l'intéressé est dépourvu de tout document d'identité. Dès lors, celui-ci se trouvait dans les cas prévus aux d) et f) du 3° du 3ème alinéa du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, permettant de regarder comme établi, sauf circonstance particulière, le risque qu'il se soustraie à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français. Si le requérant soutient que le préfet de police aurait dû lui octroyer un délai de départ volontaire au regard de sa situation familiale, il résulte de ce qui a été dit au point 9 que M. A...n'établit aucune vie familiale en France. Par suite, le préfet de police a pu légalement, et sans commettre d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de M.A..., lui refuser le bénéfice d'un délai de départ volontaire.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
14. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, M. A...ne peut se prévaloir, par voie d'exception, de l'illégalité de cette décision pour demander l'annulation de la décision fixant le pays de destination.
15. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 1er août 2018. Dès lors, il y a lieu d'annuler l'article 1er de ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris.
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1814252/8 du 6 août 2018 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C... A....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 1er avril 2019 à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, président de chambre,
- Mme Julliard, présidente-assesseure,
- M. Mantz, premier conseiller,
Lu en audience publique le 24 avril 2019.
Le rapporteur,
P. MANTZ
Le président,
M. HEERS
Le greffier,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA03043