Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 12 juin 2015, M. B..., représenté par MeC..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1404305 du 13 avril 2015 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du ministre de l'intérieur du 5 mars 2014 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision fixant son pays de destination a été prise en méconnaissance de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 dès lors que le ministre de l'intérieur ne l'a pas invité à présenter ses observations avant de prendre cette décision ;
- la décision fixant son pays de destination est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;
- la décision fixant son pays de destination est insuffisamment motivée ;
- la décision implicite née le 28 novembre 2011 refusant d'abroger l'arrêté d'expulsion en date du 28 novembre 2001 méconnaît les dispositions de l'article L. 524-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Vu le mémoire en défense, enregistré le 1er avril 2016, présenté par le ministre de l'intérieur, qui conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le moyen tiré de la violation de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 manque en fait ;
- la décision litigieuse n'est entachée ni d'un défaut d'examen particulier de la situation de l'intéressé, ni d'une insuffisance de motivation ;
- l'exception d'illégalité de la décision implicite de refus d'abrogation de l'arrêté d'expulsion du 28 novembre 2001 ne peut plus être utilement invoquée, cette décision étant devenue définitive faute d'avoir fait l'objet d'une demande de communication de ses motifs ;
- à titre subsidiaire, les moyens invoqués à l'appui de cette exception d'illégalité ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mosser,
- et les conclusions de M. Rousset, rapporteur public.
1. Considérant que M. B..., ressortissant tunisien, né le 16 avril 1975, a fait l'objet d'un arrêté en date du 28 novembre 2001 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé son expulsion ; que, par arrêté du 5 mars 2014, le ministre de l'intérieur a fixé la Tunisie comme pays de destination de la mesure d'expulsion ; que M. B... relève appel du jugement du 13 avril 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du
5 mars 2014 ;
2. Considérant, en premier lieu, que les dispositions des articles L. 521-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile régissent de manière complète les règles de procédure administrative auxquelles est soumise l'intervention des arrêtés d'expulsion et des décisions fixant le pays de destination, dans des conditions qui garantissent aux intéressés le respect des droits de la défense ; qu'elles excluent, par suite, l'application des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relatives à la procédure contradictoire préalable à l'intervention des décisions qui doivent être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979, et ce quand bien même la décision fixant le pays de destination ne serait pas notifiée en même temps que celle prononçant l'expulsion ; que, dès lors, le moyen tiré par M. B... de ce que la décision fixant le pays de destination de la mesure d'expulsion méconnaîtrait les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ne peut qu'être écarté ;
3. Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté du ministre de l'intérieur du 5 mars 2014 fixant la Tunisie comme pays de destination de la mesure d'expulsion dont M. B... a fait l'objet vise les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, indique que l'intéressé a fait l'objet, le 28 novembre 2001, d'un arrêté d'expulsion et mentionne que le requérant n'a pas établi être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'il comporte ainsi l'énoncé suffisant des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que, par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation de l'arrêté contesté doit être écarté ;
4. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des termes même de l'arrêté en litige, que le ministre de l'intérieur a procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressé pour fixer le pays de destination de la mesure d'expulsion ;
5. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 524-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sans préjudice des dispositions de l'article L. 524-1, les motifs de l'arrêté d'expulsion donnent lieu à un réexamen tous les cinq ans à compter de la date d'adoption de l'arrêté. L'autorité compétente tient compte de l'évolution de la menace pour l'ordre public que constitue la présence de l'intéressé en France, des changements intervenus dans sa situation personnelle et familiale et des garanties de réinsertion professionnelle ou sociale qu'il présente, en vue de prononcer éventuellement l'abrogation de l'arrêté. L'étranger peut présenter des observations écrites. A défaut de notification à l'intéressé d'une décision explicite d'abrogation dans un délai de deux mois, ce réexamen est réputé avoir conduit à une décision implicite de ne pas abroger. Cette décision est susceptible de recours (...). " ;
6. Considérant que l'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale ;
7. Considérant que la décision implicite de refus d'abrogation de l'arrêté d'expulsion du 28 novembre 2001, née le 28 janvier 2012, dans les conditions prévues par les dispositions citées au point 5, résulte du réexamen des motifs de l'arrêté d'expulsion ; qu'ainsi, ce refus d'abrogation ne constitue pas une nouvelle décision d'expulsion, ni, par suite, la base légale de la décision du 5 mars 2014 fixant la Tunisie comme pays de destination, laquelle a pour base légale l'arrêté d'expulsion du 28 novembre 2001 ; que, pour les mêmes motifs, la décision du 5 mars 2014 fixant le pays de destination n'a pas non plus été prise pour l'application de la décision du 28 janvier 2012 de refus implicite d'abroger l'arrêté d'expulsion ; que d'ailleurs, l'illégalité de la décision du 28 janvier 2012 de refus d'abroger l'arrêté d'expulsion du 28 novembre 2001 n'aurait pas pour effet de conférer nécessairement un droit à l'abrogation de cet arrêté d'expulsion ; que par suite, M. B... ne peut pas utilement exciper de l'illégalité de la décision née le 28 janvier 2012 à l'appui de ses conclusions en annulation de la décision du 5 mars 2014 ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 27 mai 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Driencourt, président de chambre,
- Mme Mosser, président assesseur,
- M. Boissy, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 24 juin 2016.
Le rapporteur,
G. MOSSERLe président,
L. DRIENCOURT Le greffier,
F. DUBUYLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA02349