Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Boissy, rapporteur,
- les conclusions de M. Rousset, rapporteur public,
- et les observations de Me Labetoule avocat de M. B....
1. Considérant qu'à la suite d'un contrôle sur pièces intervenu au cours de l'année 2008, M. B...a été assujetti à des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales, au titre des années 2005, 2006 et 2007, assorties des pénalités correspondantes, qui ont été mises en recouvrement le 30 octobre 2009 pour ce qui concerne l'impôt sur le revenu et les 30 janvier et 15 août 2010 pour ce qui concerne les contributions sociales ; que les réclamations présentées par M. B...ont été rejetées le 4 octobre 2010 ; que, par un jugement du 16 mai 2013, dont M. B...relève appel, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation et de décharge :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande " ;
3. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que, dans la proposition de rectification en date du 17 décembre 2008, l'administration a indiqué qu'avant son acquisition par M.B..., l'ensemble immobilier situé 19 rue de la Poterie/20 rue des fossés, à Montereau, était " un centre d'accueil pour enfants en difficulté constitué pour partie de dortoirs " ; que, dans ses observations formulées le 13 janvier 2009, M. B...a demandé au service de lui communiquer la teneur et l'origine de ce renseignement ; que, dans sa réponse aux observations du contribuable, en date du 7 avril 2009, l'administration a précisé à l'intéressé que ce renseignement figurait dans le " rapport du directeur départemental du SDIS en date du
22 octobre 2002 ", dans la " formule de publication du 21 février 2001 par le tribunal de grande instance " et dans un document intitulé " aménagement de 15 logements locatifs résidence
Saint Loup 20 rue des fossés, 19 rue de la Poterie ", qui constitue le volet paysager du permis de construire déposé par M. B... lui-même, et a annexé ces trois documents à sa réponse ;
4. Considérant, d'autre part, qu'il ne résulte pas de l'instruction que M. B...aurait ensuite demandé à l'administration de lui transmettre d'autres documents que ceux qu'il a alors obtenus ;
5. Considérant, dès lors, qu'en informant M.B..., en avril 2009, plus de six mois avant la mise en recouvrement des impositions litigieuses, de la teneur et de l'origine du renseignement qu'elle détenait sur la destination antérieure de l'immeuble situé à Montereau, et en lui communiquant spontanément les documents comportant ce renseignement, l'administration n'a pas méconnu les garanties prévues par l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales et n'a pas davantage porté atteinte au principe du respect des droits de la défense ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) " ;
7. Considérant que, pour l'application de ces dispositions, les mentions figurant sur la proposition de rectification relatives aux contributions sociales, qui constituent des impositions distinctes de l'impôt sur le revenu même si elles sont assises, contrôlées et recouvrées selon les mêmes règles, peuvent se limiter à indiquer ces différentes impositions et leur montant sans reprendre les éléments de base déjà indiqués pour l'impôt sur le revenu ;
8. Considérant qu'en indiquant, dans la proposition de rectification du 17 décembre 2008, que les rectifications relatives aux revenus de M. B... entraînaient également la perception sur les revenus fonciers de la contribution sociale généralisée égale à 8,2 % de son montant brut, par application des articles 1600- O C à 1600- O E du code général des impôts, du prélèvement social de 2 % prévu par l'article 1600- O F bis du code général des impôts et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale égal au taux de 0,5 % du montant brut rectifié par application des articles 1600- O G à 1600- O M du code général des impôts et sa contribution additionnelle de 0,3 %, sur le fondement de la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004, et en mentionnant le montant des différentes contributions sociales avant et après le contrôle, l'administration n'a pas méconnu l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;
9. Considérant, en dernier lieu, qu'il résulte de l'instruction, et en particulier de l'examen des pages 5 à 8 de la proposition de rectification du 17 décembre 2008, que l'administration, contrairement à ce que soutient M. B..., s'est fondée, en matière de revenus fonciers, non seulement sur le changement de destination de l'ensemble immobilier mais aussi sur la circonstance que, compte tenu notamment de l'importance des travaux d'aménagement interne, les travaux litigieux devaient être regardés, non pas comme de simples dépenses de réparation, d'entretien ou d'amélioration mais comme des travaux de reconstruction ; que, dès lors,
M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'administration aurait procédé à une " substitution de motifs " ayant eu pour objet ou pour effet de porter atteinte au principe du respect des droits de la défense ;
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
S'agissant des revenus fonciers :
10. Considérant qu'aux termes de l'article 31 du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur lors des années d'imposition en litige : " I. Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : / 1° Pour les propriétés urbaines: / (...) b) Les dépenses d'amélioration afférentes aux locaux d'habitation, à l'exclusion des frais correspondant à des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement (...) " ; qu'au sens de ces dispositions, doivent être regardés comme des travaux de reconstruction ceux qui comportent la création de nouveaux locaux d'habitation ou qui ont pour effet d'apporter une modification importante au gros oeuvre, ainsi que les travaux d'aménagement interne qui, par leur importance, équivalent à des travaux de reconstruction, et comme des travaux d'agrandissement ceux qui ont pour effet d'accroître le volume ou la surface habitable des locaux existants ; que des travaux d'aménagement interne, quelle que soit leur importance, ne peuvent être regardés comme des travaux de reconstruction que s'ils affectent le gros oeuvre ou s'il en résulte une augmentation du volume ou de la surface habitable ;
11. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. B... a acquis le 16 janvier 2002 un ensemble immobilier, situé au 19 rue de la Poterie/20 rue des fossés à Montereau, dans le département de la Seine-et-Marne, qui avait auparavant été un centre d'accueil pour enfants en difficulté ; qu'au cours des années 2003 et 2004, l'intéressé a fait réaliser des travaux sur le bâtiment C, qui était anciennement une grange, et sur les bâtiments A et B, qui accueillaient principalement des dortoirs ; qu'à la suite des travaux, un appartement a été créé dans le bâtiment C et quatorze appartements ont été créées dans les bâtiments A et B, à raison de huit dans le bâtiment A (deux au rez-de-chaussée, deux au premier étage, deux au deuxième étage et deux dans les " combles " ) et six dans le bâtiment B (deux au rez-de-chaussée, deux au premier étage et deux au deuxième étage) ; qu'au titre de ces travaux, M. B... a respectivement déduit de ses revenus fonciers les sommes de 433 284 euros en 2003 et de 162 957 euros en 2004 ; que l'administration, qui a estimé que ces dépenses n'étaient pas déductibles, les a réintégrées et, compte tenu des autres recettes et charges non contestées déclarées par l'intéressé, a estimé que le déficit non imputé en 2003 qui était reportable était de 17 311 euros et que celui non imputé en 2004 était de 35 819 euros ; qu'elle a ensuite, pour les années 2005, 2006 et 2007, tiré les conséquences de ces réintégrations et de ces déficits reportables rectifiés en constatant que les revenus fonciers nets déficitaires initialement déclarés par M. B... étaient bénéficiaires à hauteur respectivement de 15 676 euros, 59 315 euros et 63 349 euros ;
12. Considérant, en premier lieu, qu'il n'est pas contesté que les travaux qui ont eu lieu dans les " combles " du bâtiment A et ceux concernant la rénovation du bâtiment C ont eu pour objet et pour effet de créer de nouveaux locaux d'habitation respectivement deux appartements pour les combles et un appartement pour le bâtiment C, de sorte que les dépenses exposées à ce titre ne constituent pas des dépenses d'amélioration déductibles du revenu foncier de M. B... ; que, d'ailleurs, pour une part très importante, les dépenses exposées au titre des années 2003 et 2004 au titre des combles et du bâtiment C, concernant la plâtrerie, l'isolation, les peintures, les menuiseries, les revêtements de sol, l'électricité, la plomberie et la maçonnerie ont fait l'objet d'un devis spécifique de la part de la société MTB, établi le 2 juin 2003 et portant le n° D-06-03, pour un montant de 50 880,54 euros TTC au titre des travaux effectués dans les combles et un montant de 28 164,28 euros pour les travaux effectués dans le bâtiment C et n'ont pas été déduits des revenus fonciers que M. B... a déclarés au titre des années 2003 et 2004 ;
13. Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction, et en particulier de l'examen de l'ensemble des devis et factures produits, des photographies et des documents du dossier de permis de construire, que, s'agissant des bâtiments A et B, M. B...a aménagé les locaux existant au rez-de-chaussée, au 1er étage et au 2ème étage en douze appartements ; que ces travaux ont consisté, pour l'essentiel, à créer de nouvelles cloisons, de nouvelles huisseries, à remplacer l'ensemble des installations électriques, sanitaires et de plomberie ainsi que le système de chauffage et à installer un ascenseur desservant les différents étages ; que si, à cette occasion, une poutre en bois a été remplacée par une poutre en fer avec un poteau vertical au rez-de-chaussée du bâtiment A et si, dans ce même bâtiment, un escalier existant a été supprimé sur trois niveaux de plancher et remplacé par un plancher neuf représentant au total 11,25 m2 et que quatre fenêtres ont été bouchées sur le bâtiment principal, il n y'a en revanche pas eu de travaux sur les fondations ; que, dès lors, les seules modifications touchant au gros-oeuvre sont d'une importance très limitée et la modification affectant la surface habitable, au demeurant marginale, résulte du seul réaménagement consécutif à la suppression d'une cage d'escalier ; que, par suite, l'ensemble des dépenses exposées au titre du rez-de-chaussée et des deux premiers étages des bâtiments A et B doivent être regardées comme des dépenses d'amélioration ; que, compte tenu de la nature de l'ensemble des travaux ainsi réalisés et de ce qui a été dit au point 12, ces dépenses d'amélioration sont en l'espèce dissociables des dépenses afférant aux travaux exécutés dans les combles du bâtiment A et dans le bâtiment C ;
14. Considérant que les devis et les factures produits par M. B... ne permettant pas tous de distinguer les dépenses d'amélioration déductibles au titre des travaux effectués sur les premiers étages des bâtiments A et B de celles non déductibles au titre des travaux effectués sur le bâtiment C et dans les combles du bâtiment A, la Cour a demandé à M.B..., sur le fondement de l'article R. 611-10 du code de justice administrative, " de produire tous éléments nécessaires à la détermination des bases d'imposition, notamment la répartition, selon leur date de paiement et la nature des travaux auxquels elles se rattachent, des factures de dépenses " et lui a indiqué que, " dans cette optique, le requérant pourra[it], pour certains travaux, et s'il le juge[ait] utile, proposer une méthode forfaitaire réaliste et justifiée de ventilation de dépenses qui sera[it] communiquée à l'administration dans le cadre de la procédure contradictoire " ;
15. Considérant que, dans son mémoire en réplique, enregistré le 27 juillet 2015, M. B... a notamment produit un " tableau de synthèse " et a indiqué que, compte tenu des seuls travaux exécutés sur le bâtiment C au cours des années 2003 et 2004, il proposait qu'une somme de 1 000 euros soit déduite des dépenses exposées au titre de la fourniture de matériaux de ce bâtiment ; que, compte tenu du libellé et de la désignation des produits figurant sur l'ensemble des devis et des factures produites, ce montant apparaît réaliste ; que, s'agissant de la distinction qui devait être opérée au sein des quatorze appartements réalisés dans les bâtiments
A et B, le requérant a proposé, pour les factures qui ne permettaient pas d'individualiser de la manière la plus précise les prestations réalisées au titre des deux seuls appartements aménagés dans les combles du bâtiment A, une méthode consistant à proratiser le montant des factures à hauteur de 2/14ème et d'extourner les sommes ainsi calculées des dépenses déductibles des revenus fonciers des années 2003 et 2004 ; que, compte tenu de la nature des prestations réalisées dans les quatorze appartements, qui sont pour l'essentiel similaires, et de ce que l'essentiel des travaux spécifiquement réalisés dans les combles ont été individualisés dans le devis n° D-06-03 établi par la société MTB le 2 juin 2003, cette méthode forfaitaire et portant sur un montant limité de travaux apparaît au cas d'espèce réaliste ;
16. Considérant qu'il résulte de l'examen de l'ensemble des documents produits, et en particulier des devis et factures établis par les sociétés MTB, Bache Batiment, Ben Mahmoud, Gourdial Sing, MGC 89, Konfortech 89, Consuel, Han, Brico dépôt, Cocelec, Grès de Cologne, Point P, SDME, Metal Union et CBMTP, de l'analyse du " tableau de synthèse ", du courrier du 24 novembre 2008 récapitulant les règlements effectués, du mémoire enregistré le 2 juin 2016 et de l'application de la méthode forfaitaire proposée à certaines factures, que les dépenses déductibles au titre de l'année 2003 s'élèvent à 415 503,47 euros (soit 321 817 euros pour MTB, 29 402,80 euros pour Bache, 12 763,71 euros pour Gourdialsing, 17 000 euros pour
Ben Mamhoud, 3 999,43 euros pour Cocelec, 22 011,43 euros pour Point P, 854,84 euros pour SDME, 1 519,69 euros pour Grès de Cologne et 6 134,57 euros pour Brico dépôt) et à 164 226,64 euros pour l'année 2004 (soit, avec la réintégration d'une somme forfaitaire de
1 000 euros pour le bâtiment C, 5 109,79 euros pour Ben Mamoud, 97 107,18 euros pour Han, 17 412,93 euros pour MGC, 1 800,66 euros pour Konfortech 89, 1 255,89 euros pour Consuel, 14 260,29 euros pour point P, 2 606,57 euros pour grès de Cologne, 5 310 euros pour
Brico dépôt, 14 833,71 euros pour Métal Union et 5 529,62 euros pour CBMTP) ;
S'agissant des revenus agricoles :
17. Considérant que M. B...invoque à l'appui de sa requête d'appel le moyen tiré de ce que les charges qu'il a supportées l'ont été dans l'intérêt de l'exploitation de l'EARL de la Mare ; que le requérant n'apporte cependant à l'appui de ce moyen, déjà soulevé, dans les mêmes termes, devant le tribunal administratif de Paris, aucun élément nouveau susceptible de remettre en cause l'appréciation que les premiers juges ont à bon droit portée sur ce moyen au point 8 du jugement attaqué, qui doit dès lors être écarté par adoption des motifs retenus par ces derniers ;
18. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté l'intégralité de sa demande et à demander la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2005, 2006 et 2007, ainsi que des pénalités correspondantes, procédant de la réinterprétation des dépenses mentionnées au point 16 et la réformation, dans cette mesure, de ce jugement ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
19. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances particulières de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B...et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : M. B...est déchargé des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus fonciers et des contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2005, 2006 et 2007 et des pénalités correspondantes procédant de la réintégration des dépenses mentionnées au point 16 du présent arrêt.
Article 2 : Le jugement n° 1008524 du tribunal administratif de Melun en date du 16 mai 2013 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. B...une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.
Délibéré après l'audience du 24 juin 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Driencourt, président de chambre,
- M. Boissy, premier conseiller,
- M. Cheylan, premier conseiller.
Lu en audience publique le 8 juillet 2016.
Le rapporteur,
L. BOISSYLe président,
L. DRIENCOURTLe greffier,
A-L. PINTEAU
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 13PA02735 3