Procédure devant la Cour :
I. Par une requête enregistrée, sous le n° 19PA0040, le 4 janvier 2019 et des pièces complémentaires enregistrées le 27 mars 2019, M. E..., représenté par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 31 octobre 2018 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 3 septembre 2018 du préfet de police ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de l'admettre au séjour au titre de l'asile dans un délai de vingt-quatre heures suivant la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, et de lui délivrer une attestation de demande d'asile " procédure normale " pendant la durée de l'examen de sa demande d'asile, ou à défaut, de réexaminer sa situation administrative dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer durant cet examen une attestation de demandeur d'asile, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au bénéfice de son avocat Me B...en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée, sous réserve que celui-ci s'abstienne de percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ou, en cas de rejet de sa demande d'aide juridictionnelle, de lui verser directement la somme.
Il soutient que :
- la décision en litige est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;
- elle est entachée d'un défaut de base légale :
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du Conseil du 26 juin 2013 et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 mars 2019 le préfet de police conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
II. Par une requête enregistrée sous le n° 19PA00041, le 4 janvier 2019 Mme E..., représentée par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 31 octobre 2018 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 3 septembre 2018 du préfet de police ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de l'admettre au séjour au titre de l'asile dans un délai de vingt-quatre heures suivant la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, et de lui délivrer une attestation de demande d'asile " procédure normale " pendant la durée de l'examen de sa demande d'asile, ou à défaut, de réexaminer sa situation administrative dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer durant cet examen une attestation de demandeur d'asile, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au bénéfice de son avocat Me B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée, sous réserve que celui-ci s'abstienne de percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ou, en cas de rejet de sa demande d'aide juridictionnelle, de lui verser directement la somme.
Elle soutient que :
- la décision en litige est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;
- elle est entachée d'un défaut de base légale ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard aux stipulations de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du Conseil du 26 juin 2013 et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 mars 2019 le préfet conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. et Mme E... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 13 février 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
- le règlement (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 modifiant le règlement (CE) n° 1560/2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Julliard a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes susvisées sont relatives à la situation de deux époux et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.
2. M. et Mme E..., ressortissants koweïtiens, nés respectivement le 1er octobre 1984 et le 29 novembre 1991, sont entrés irrégulièrement en France le 28 juin 2018 et ont sollicité leur admission au séjour au titre de l'asile. A la suite de la vérification de leurs empreintes digitales, ils ont été identifiés comme ayant sollicité l'asile auprès des autorités allemandes le 3 janvier 2016 et danoises le 5 janvier 2016. Le 9 juillet 2018, les autorités danoises ont été saisies d'une demande de réadmission à laquelle elles ont explicitement donné leur accord le 17 juillet 2018. Le préfet de police a, par deux arrêtés du 3 septembre 2018, décidé de transférer M. et Mme E... aux autorités danoises en vue du traitement de leurs demandes. Les requérants relèvent appel des jugements du 31 octobre 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
3. En premier lieu, aux termes de l'alinéa 2 de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative " et aux termes de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration : " La motivation (...) doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
4. M. et Mme E... soutiennent que le préfet n'a pas suffisamment motivé ses décisions. Toutefois, les arrêtés contestés, après avoir visé la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la convention de Genève du 28 juillet 1951, le protocole de New York du 31 janvier 1967, le règlement (UE) n° 604/2013 du Conseil du 26 juin 2013, le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003, le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil, le règlement (UE) n° 603/2013 du Conseil et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionnent que M. et Mme E... sont entrés irrégulièrement en France, qu'ils ont sollicité leur admission au titre de l'asile le 28 juin 2018, qu'à la suite de la prise de leurs empreintes, il est apparu qu'ils ont sollicité l'asile en Allemagne le 3 janvier 2016 et le 5 janvier 2016 au Danemark, que les critères prévus par le chapitre III du règlement n° 604/2013 ne sont pas applicables à leur situation et que conformément aux stipulations des articles 3 et 18, 1, b), les autorités danoises doivent être regardées comme étant responsables de l'examen de leurs demandes d'asile, que ces autorités ont été saisies d'une demande le 9 juillet 2018 de réadmission à laquelle elles ont explicitement donné leur accord le 17 juillet 2018 en application de l'article 18, 1, d) du règlement susmentionné, que la situation des intéressés ne révèle pas d'élément de nature exceptionnelle ou humanitaire susceptible de remettre en cause la décision envisagée à leur encontre, que compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de leur vie privée et familiale, les autorités danoises ayant accepté de reprendre en charge leurs quatre enfants mineurs, qu'ils n'établissent ni être dans l'impossibilité de retourner au Danemark ni l'existence d'un risque personnel constituant une atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorités de l'Etat responsable de leurs demandes d'asile. Les arrêtés litigieux énoncent ainsi les considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet de police s'est fondé. Par suite, elles sont suffisamment motivées au regard des exigences des dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ce moyen doit être écarté.
5. M. et Mme E... soutiennent, en deuxième lieu, que les décisions en litige sont entachées d'un défaut d'examen personnel et circonstancié de leur situation en ce que le préfet a désigné le Danemark comme Etat responsable de leur demande d'asile alors qu'ils ont pour la première fois sollicité l'asile en Allemagne le 3 janvier 2016, comme en atteste le relevé d'empreintes Eurodac. Toutefois, il ressort des pièces du dossier et de la fiche d'identification de relevé d'empreintes produite par le préfet en première instance que les autorités danoises ont décidé d'examiner la demande d'asile en faisant usage de leur clause discrétionnaire. Le préfet de police a donc correctement apprécié la situation des requérants. Par suite, ce moyen doit être écarté.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 18 du règlement n° 604/2013 : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : (...) / b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre ; (...) / d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre ".
7. M. et Mme E... doivent être regardés comme soutenant que les arrêtés litigieux sont dépourvus de base légale, le préfet de police s'étant fondé sur
l'article 18 1, b) et non d) du règlement n° 604/2013. Toutefois, il ressort des arrêtés attaqués que le préfet de police a saisi les autorités danoises d'une demande de reprise en charge sur le fondement du b) du 1 de l'article 18 du règlement. Si les intéressés allèguent que leurs demandes d'asile ont été rejetées par les autorités danoises et soutiennent que leur situation relevait, en réalité, du d) du même texte, cette circonstance est sans incidence dès lors que le préfet pouvait également décider leur transfert sur ce fondement. Par suite, ce moyen doit être écarté.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013 : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement " et aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
9. M. et Mme E... soutiennent que le préfet de police a commis une erreur manifeste d'appréciation de leur situation en ce que les autorités danoises ont rejeté leurs demandes d'asile, de sorte qu'en cas de transfert, ils risquent d'être renvoyés avec leurs quatre enfants mineurs au Koweït où ils seraient soumis, en raison de leur appartenance à la communauté Bidoune, à des traitements inhumains et dégradants. Toutefois, les décisions attaquées n'ont ni pour objet ni pour effet de renvoyer les requérants dans leur pays d'origine. Par suite, le moyen doit être écarté.
10. Enfin, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".
11. M. et Mme E... soutiennent que le préfet a méconnu les stipulations précitées en ce que trois de leurs quatre enfants mineurs étant scolarisés en France, les décisions de transfert aux autorités danoises ne sont pas conformes à l'intérêt supérieur de ces enfants. Toutefois, les décisions portant transfert aux autorités danoises n'ont ni pour objet ni pour effet de séparer les requérants de leurs enfants. En tout état de cause, eu égard à l'arrivée récente en France des intéressés et en conséquence, de la scolarité récente de leurs enfants en France, ils ne sont pas fondés à soutenir que les décisions en litige méconnaîtraient les stipulations précitées de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Par suite, le moyen doit être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme E...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, doivent être également rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Les requêtes de M. et Mme E...sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...E...et Mme A...E...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera délivrée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 17 mai 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, président de chambre,
- Mme Julliard, présidente-assesseure,
- M. Mantz, premier conseiller.
Lu en audience publique le 31 mai 2019.
La rapporteure,
M. JULLIARDLe président,
M. HEERSLe greffier,
F. DUBUY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA00040, 19PA00041