Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 28 juillet 2020, le préfet de la Seine-et-Marne demande à la Cour :
1°) d'annuler les articles 2 à 4 du jugement n° 1906566 du 13 juillet 2020 du tribunal administratif de Melun ;
2°) de rejeter la demande de première instance présentée par M. F... devant le tribunal.
Il soutient que :
- il n'a pas méconnu les dispositions des articles L. 743-1 et R. 723-19 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que la décision de rejet de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a été régulièrement notifiée à M. F... et que celle-ci était devenue définitive à la date de l'arrêté contesté, M. F... n'ayant pas introduit de recours auprès de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) dans le délai qui lui était imparti ;
- les autres moyens soulevés par M. F... en première instance ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 30 octobre 2020, M. F..., représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête, à l'annulation de l'arrêté du 26 juin 2019, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Seine-et-Marne de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et enfin, à ce qu'une somme de
1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que son conseil renonce à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
M. F... soutient que l'arrêté du 26 juin 2019 méconnait les dispositions des articles L. 743-1 et R. 733-32 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n°2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. F..., ressortissant malien né le 31 décembre 1983, a sollicité l'asile en France le 21 septembre 2018, demande rejetée par l'Office français des réfugiés et des apatrides (l'OFPRA) le 20 mars 2019. Par un arrêté du 26 juin 2019, le préfet de la Seine-et-Marne lui a retiré son attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement. Le préfet de la Seine-et-Marne relève appel du jugement du 13 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Melun a annulé, à la demande de M. F..., cet arrêté.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Melun :
2. Aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étranges et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé (...) soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent ". Aux termes des dispositions alors codifiées au III de l'article R. 723-19 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La date de notification de la décision de l'office et, le cas échéant, de la Cour nationale du droit d'asile qui figure dans le système d'information de l'office et est communiquée au préfet compétent et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au moyen de traitements informatiques fait foi jusqu'à preuve du contraire ".
3. Pour annuler l'arrêté portant retrait de son attestation de demande d'asile, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination d'une mesure d'éloignement, le premier juge s'est fondé sur la circonstance que le préfet de la Seine-et-Marne ne justifiait pas de la notification le 18 avril 2019 au requérant de la décision du 20 mars 2019 de l'Office français des réfugiés et des apatrides et que, dès lors, en application des dispositions de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. F... disposait encore du droit de se maintenir en France à la date de la décision attaquée.
4. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Seine-et-Marne produit en appel le relevé des informations de la base de données " Telemofpra ", tenue par l'OFPRA, relative à l'état des procédures de demande d'asile, attestant que la décision précitée de l'OFPRA a été notifiée à l'intéressé le 18 avril 2019 et que le pli ne lui a pas été retourné. Le fichier Telemofpra produit fait foi, conformément aux dispositions du IIII de l'article R. 723-19 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, jusqu'à preuve du contraire. M. F... n'apportant aucun élément de nature à remettre en cause l'exactitude des mentions portées sur ce document, il n'est pas fondé à soutenir qu'il n'aurait pas été destinataire de la notification de la décision de l'Office français des réfugiés et des apatrides du 20 mars 2019 rejetant sa demande d'asile. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-et-Marne est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé l'arrêté du 26 juin 2019 au motif que les dispositions des articles L. 743-1 et R. 723-19 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues.
5. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. F... devant le tribunal administratif de Melun.
Sur les autres moyens soulevés par M. F... devant le tribunal :
6. En premier lieu, par un arrêté n° 19/BC/100 du 4 juin 2019, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de la Seine-et-Marne, le préfet de la Seine-et-Marne a donné délégation à Mme B... C..., attachée d'administration d'Etat, pour signer tous actes, arrêtés et décisions dans la limite de ses attributions, au nombre desquelles figure l'édiction des mesures en matière d'asile et d'intégration. Si M. F... soutient que la signature de l'arrêté en litige est illisible, cet arrêté mentionne le nom, le prénom, la qualité de son auteur et est revêtu de sa signature permettant ainsi d'en identifier son auteur. En outre, eu égard au caractère réglementaire d'un arrêté de délégation de signature, soumis à la formalité de publication, le préfet de la Seine-et-Marne n'était pas légalement tenu de communiquer ce dernier arrêté pour permettre à l'intéressé de vérifier la compétence de l'auteur de l'arrêté litigieux. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte attaqué doit être écarté.
7. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-et-Marne n'aurait pas, avant de prendre la décision fixant le pays de destination attaquée, procédé à un examen particulier et suffisamment approfondi de la situation de M. F... notamment au regard des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en cas de retour dans son pays d'origine. Il s'ensuit que le moyen tiré d'un défaut d'examen de sa situation personnelle doit être écarté.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration dispose que : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ", et aux termes de l'article L. 211-5 du même code " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". De même, aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 511-1-I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée ".
9. L'arrêté contesté vise les textes dont il fait application, en particulier les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les articles L. 511-1, L. 721-22, L. 723-11 à L. 723-13, L. 731-2 et L. 743-1 à L. 743-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration et mentionne les éléments de fait relatifs à la situation de M. F... pris en compte par le préfet, notamment la circonstance que l'intéressé a sollicité son admission au séjour en qualité de demandeur d'asile, laquelle a été rejetée par l'OFPRA le 20 mars 2019, notifiée le 18 avril 2019 et qu'il n'a pas introduit de recours devant la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). L'arrêté relève également que l'intéressé a déclaré être célibataire et sans charge de famille, qu'il n'a pas démontré être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine et n'établit pas ne pas y avoir conservé de liens affectifs et familiaux. Enfin, l'arrêté mentionne que M. F... n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ou dans un pays où il est admissible. Dans ces conditions, et alors que le préfet de la Seine-et-Marne n'était pas tenu de reprendre dans les motifs de sa décision l'ensemble des éléments relatifs à la situation de M. F..., le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté doit être écarté.
10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ".
11. M. F..., entré en France en 2018, ne justifie pas d'un séjour habituel durable sur le territoire national. De plus, il ne démontre pas qu'il serait particulièrement intégré à la société française, ni, alors qu'il est célibataire et sans charge de famille en France, n'est pas dépourvu d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 36 ans. Et le requérant ne démontre pas l'intensité et la stabilité des liens personnels qu'il soutient entretenir en France. Par suite, M. F... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
12. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
13. M. F..., dont la demande de reconnaissance du statut de réfugié présentée auprès de l'OFPRA a été rejetée par une décision du 20 mars 2019, en se bornant à soutenir qu'il encourt des risques pour sa vie et sa sécurité en cas de retour au Mali, n'établit pas la réalité des risques personnels encourus en cas de retour dans son pays. Par suite, en prenant la décision fixant le pays de destination contestée, le préfet de la Seine-et-Marne n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
14. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-et-Marne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté du 26 juin 2019 portant retrait de son attestation de demande d'asile, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination d'une mesure d'éloignement.
Sur les frais liés à l'instance :
15. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. F... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1906566 du 13 juillet 2020 du tribunal administratif de Melun est annulé.
Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Melun par M. F..., ainsi que ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... F... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-et-Marne.
Délibéré après l'audience du 17 mai 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, présidente,
- Mme D..., première conseillère,
- Mme G..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juin 2021.
La rapporteure,
A. D...
La présidente,
H. VINOT
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA01942