Par un jugement n° 2004645/3-3 du 16 juillet 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 2 septembre 2020, M. A..., représenté par Me F..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2004645/3-3 du 16 juillet 2020 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 6 février 2020 du préfet de police ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- l'arrêt contesté est insuffisamment motivé ;
- il méconnait le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard à l'intensité de ses liens familiaux et personnels en France, à l'impossibilité de poursuivre sa vie familiale hors de France et à sa très bonne intégration à la société française ; en outre, il ne pouvait pas faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français dès lors qu'il doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnait les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il justifie d'une activité professionnelle déclarée depuis 2019, qu'il est bien intégré à la société française depuis son entrée en France en 2011 et qu'il justifie de liens familiaux sur le territoire français ;
- il méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant dès lors qu'il participe à l'éducation et à l'entretien de sa fille née en 2017 et que la cellule familiale ne pourra pas se reconstituer hors de France ;
- le préfet de police a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son arrêté sur sa situation eu égard à l'intensité de ses liens familiaux en France et à l'impossibilité de poursuivre sa vie familiale hors de France.
La requête a été communiquée au préfet de police qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme G...,
- et les observations de Me H..., substituant Me F..., pour M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., de nationalité égyptienne, né le 13 juin 1988, est entré en France en 2011 selon ses déclarations. Le 26 décembre 2019, il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour auprès de la préfecture de police. Par un arrêté du 6 février 2020, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement. M. A... relève appel du jugement du 16 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... vit habituellement en France depuis 2012 et travaille en tant que vendeur depuis le mois de janvier 2019 dans la société Yara Fruits. Il a une enfant, née le 14 janvier 2017 à Paris qu'il a déclaré à sa naissance et qui a la nationalité égyptienne. La mère de l'enfant, Mme D... E..., de nationalité tunisienne, est titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle valable du 17 janvier 2019 au 16 janvier 2021 et est également la mère de quatre enfants mineurs issus d'une précédente union, dont deux ont la nationalité française. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté contesté, Mme D... E... était enceinte du second enfant à naître de son union avec M. A.... Il ressort en outre des attestations des 28 mai 2019 et 28 novembre 2020 produites par Mme D... E... que M. A... participe à l'éducation et à l'entretien de ses enfants auxquels il rend visite tous les jours, et que M. A... et Mme D... E... travaillent ensemble. Au vu de l'ensemble de ces éléments, et alors qu'il n'est pas sérieusement contesté par le préfet de police que la cellule familiale ne pourrait pas se reconstruire hors de France, du fait des nationalités différentes de M. A..., de Mme D... E... et des enfants mineurs de cette dernière, le préfet de police a porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et a, par suite, méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il s'ensuit que l'arrêté du préfet de police en date du 6 février 2020 doit être annulé.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 6 février 2020.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Dans les circonstances de l'espèce, notamment à la circonstance que M. A... a sollicité du préfet de police la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " dans le cadre des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile désormais codifiées à l'article L. 435-1 de ce code, l'exécution du présent arrêt implique seulement que le préfet de police procède à un nouvel examen de la demande de M. A... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, et lui délivre pendant ce réexamen une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2004645/3-3 du 16 juillet 2020 du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du préfet de police du 6 février 2020 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de procéder à un nouvel examen de la demande de M. A... dans un délai de trois mois, et de lui délivrer dans l'attente de ce réexamen une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.
Article 3 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 17 mai 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, présidente,
- Mme C..., première conseillère,
- Mme G..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juin 2021.
La rapporteure,
V. G...
La présidente,
H. VINOT
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA02547