Procédure devant la Cour
Par une requête enregistrée le 18 mars 2016 et un mémoire en réplique enregistré le 15 mars 2017, M. et MmeA..., représentés par Me Labetoule demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1427432/6-1 du 15 janvier 2016 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. G...devant le tribunal ;
3°) de mettre à la charge de M. G...le versement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- leur requête d'appel est recevable dès lors qu'elle a été communiquée au ministre des affaires sociales, qu'aucun principe n'impose de mentionner le nom de naissance des femmes mariées, que le jugement attaqué a bien été produit et qu'ils ont qualité et intérêt à agir ;
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce qu'il omet de mentionner que le logement avait fait l'objet de travaux spécifiques de nature à exclure toute insalubrité ;
- le tribunal a commis une erreur d'appréciation en considérant que les locaux pouvaient être qualifiés de " sous-sol " au sens de l'article L. 1331-22 alinéa 1er du code de la santé publique et d'impropre à l'habitation ;
- la circonstance qu'un logement soit, en partie, enterré n'entraîne pas ipso facto de risque pour la santé ;
- en l'espèce, la majeure partie du local, qui a été spécialement aménagé pour l'habitation et a fait l'objet des travaux nécessaires pour le rendre sain, est située au-dessus du niveau naturel du sol, la hauteur sous plafond y est supérieure à 260 centimètres et il bénéficie de deux grandes ouvertures permettant l'ensoleillement et le renouvellement de l'air ;
- la décision litigieuse du 18 février 2014 qui n'entre pas dans les catégories de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, est en tout état de cause suffisamment motivée ;
- cette décision n'est entachée d'aucune irrégularité de procédure ;
- cette décision est dépourvue d'erreur d'appréciation et de droit.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 18 novembre 2016 et le 17 mai 2018,M. G..., agissant en son nom personnel et en qualité de représentant légal de ses deux enfants mineurs F...et B...G..., représentés par Me Nunes, conclut à titre principal au non-lieu à statuer sur la requête, ainsi qu'à l'irrecevabilité de cette requête et à titre subsidiaire à l'annulation de la décision du préfet et à ce qu'il lui soit enjoint de mettre fin à la disposition des locaux sans délai, en rappelant aux propriétaires qu'ils ont l'obligation d'assurer leur relogement dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, en tout état de cause, à la condamnation des appelants et de l'Etat à verser à leur avocat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que la requête est dépourvue d'objet dès lors qu'ils ont été relogés et que l'objet du litige a disparu, qu'elle est irrecevable faute d'avoir été dirigée contre le ministre chargé du logement, en violation de l'article R. 811-10 du code de justice administrative, à raison du défaut de qualité pour agir des épouxA..., simples observateurs en première instance, du défaut d'intérêt à agir contre le jugement attaqué qui ne leur fait pas grief, du défaut de production de la décision attaquée en violation de l'article R. 412-1 du code de justice administrative, de défaut du nom complet de l'épouse de M.A..., en violation de l'article R. 411-1 du même code, et que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une décision du 7 juillet 2016, le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris, a admis M. G... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique,
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de MmeH...,
- les conclusions de M. Sorin, rapporteur public,
- les observations de MeI..., substituant Me Labetoule, avocat de M. et MmeA...,
- et les observations de Me Nunes, avocat de M.G....
Deux notes en délibéré ont été présentées le 25 mai 2018 pour M. G...par Me Nunes.
Considérant ce qui suit :
1. M. G...a demandé au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, de mettre en demeure le propriétaire du logement qu'il occupait avec sa famille sis 1, square Tolstoï dans le 16ème arrondissement de Paris, d'en faire cesser la mise à disposition en application de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique. Par une décision du 18 février 2014, le préfet a refusé de faire droit à cette demande. Par un jugement du 15 janvier 2016 dont M. et MmeA..., propriétaires de ce logement, relèvent appel, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision précitée du préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris.
Sur les conclusions à fin de non-lieu :
2. Si M. G...soutient que dès lors qu'il a été relogé, il n'y a plus lieu de statuer sur la requête, cette circonstance est sans incidence sur l'objet du litige.
Sur les fins de non-recevoir opposées à la requête :
3. En premier lieu, si M. G...soutient que la requête est irrecevable faute d'avoir été dirigée contre le ministre chargé du Logement, le moyen manque en fait dès lors que la requête a été communiquée à ce dernier par le greffe de la Cour le 31 mars 2016.
4. Si M. G...soutient, en deuxième lieu, que la requête est irrecevable à raison du défaut de production de la décision attaquée, le moyen manque également en fait, les appelants ayant produit à l'appui de leur requête le jugement attaqué du 15 janvier 2016 du Tribunal administratif de Paris.
5. En troisième lieu, aucune disposition n'impose qu'une requête mentionne le nom de jeune fille de la requérante.
6. Enfin, si M. G...soutient, que les épouxA..., simples observateurs en première instance, sont dépourvus de qualité et d'intérêt à agir, cette fin de non-recevoir ne peut qu'être écartée dès lors que le jugement attaqué préjudicie aux intérêts des appelants, nonobstant la circonstance qu'ils auraient cédé leur logement par acte notarié du 28 novembre 2015.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué et sans qu'il soit besoin de statuer sur sa régularité :
7. Aux termes de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique : " Les caves, sous-sols, combles, pièces dépourvues d'ouverture sur l'extérieur et autres locaux par nature impropres à l'habitation ne peuvent être mis à disposition aux fins d'habitation, à titre gratuit ou onéreux. Le représentant de l'Etat dans le département met en demeure la personne qui a mis les locaux à disposition de faire cesser cette situation dans un délai qu'il fixe.".
8. Le présent litige relève du contentieux de pleine juridiction. Il appartient donc à la Cour de se prononcer sur le caractère impropre à l'habitation des locaux en cause en tenant compte de la situation existant à la date à laquelle elle statue.
9. Pour rejeter la demande de M.G..., le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris a estimé que le logement qu'il occupait avait fait l'objet de trois visites par des inspecteurs assermentés du service technique de l'habitat de la ville de Paris entre 2011 et 2013 et qu'au cours de ces visites, aucun des inspecteurs n'avait relevé d'élément relevant de l'insalubrité qui justifierait la prise d'un arrêté en application des dispositions précitées de L. 1331-22 du code de la santé publique. Selon le préfet, la situation semi-enterrée du logement, qui dispose de fenêtres assurant un éclairage et une aération suffisants, ne permet pas de le caractériser de local " par nature impropre à l'habitation " et en outre, le propriétaire du logement avait été mis en demeure de remédier par des travaux à la présence d'humidité de condensation et à l'absence de disjoncteur différentiel constatées par les inspecteurs.
10. Il résulte de l'instruction, en particulier des rapports d'inspection et des photographies produites, que le logement en cause est un entresol de type " cour anglaise " et non une cave ou un sous-sol, nonobstant la circonstance que l'on y accède en descendant des marches depuis le hall d'entrée de l'immeuble, et qu'il comporte deux fenêtres de dimensions respectives 138 x151 cm et 137 x 150 cm ouvrant sur la cour et permettant l'ensoleillement et le renouvellement de l'air. Il résulte également de l'instruction que le Tribunal d'instance de Paris avait estimé que " le logement est pourvu d'ouvertures sur l'extérieur de taille suffisante ne le rendant pas impropre à l'habitation ", par jugement du 24 juin 2014 prononçant l'expulsion de M.G..., confirmé par la Cour d'appel de Paris par arrêt du 5 novembre 2015. Par suite, c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a estimé que le logement en cause constituait un sous-sol au sens des dispositions précitées de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique et présentait le caractère d'un local impropre à l'habitation.
11. Il en résulte que le jugement attaqué doit être annulé. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. G... tant devant le Tribunal administratif de Paris que devant la Cour.
Sur les autres moyens présentés par M.G... :
12. En premier lieu, si M. G...soutient que la décision du 18 février 2014 du préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris est insuffisamment motivée et que le préfet n'a pas exercé son pouvoir d'appréciation méconnaissant l'étendue de sa compétence, il résulte de ce qui a été dit au point 9 que ce moyen manque en fait.
13. En deuxième lieu, M. G...soutient que la décision litigieuse est entachée d'un vice de procédure faute pour le préfet d'avoir saisi la commission départementale de l'environnement, des risques sanitaires et technologiques. Toutefois, cette saisine pour avis n'est exigée par les dispositions des articles L .1331-25 et 26 du code de la santé publique que dans les cas où le préfet constate l'insalubrité d'un logement.
14. Enfin, si M. G...soutient que la décision litigieuse est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation et celle de sa famille, il est constant qu'il n'occupe plus le logement en cause.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. G...et ses enfants ne sont pas fondés à demander l'annulation de la décision du 18 février 2014 du préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris. Leurs conclusions incidentes aux fins d'injonction sous astreinte ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
16. Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 au bénéfice de l'avocat de M. G...et de ses enfants ni, dans les circonstances de l'espèce, de condamner ces derniers au versement d'une somme que demandent M. et Mme A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1427432/6-1 du 15 janvier 2016 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. G...et ses enfants devant le Tribunal administratif de Paris et leurs conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions de M. et Mme A...présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C...A..., à M. E...G...et à la ministre des solidarités et de la santé.
Copie en sera adressée au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris.
Délibéré après l'audience du 24 mai 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Luben, président,
- MmeH..., première conseillère,
- MmeD..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 7 juin 2018.
La rapporteure,
M. H...Le président,
I. LUBENLa greffière,
Y. HERBERLa République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA00997