Par une requête sommaire enregistrée le 23 août 2016, un mémoire ampliatif enregistré le 19 septembre 2016, deux mémoires complémentaires enregistrés les 1er juin 2017 et 23 août 2017 et un mémoire en réplique enregistré le 9 mai 2018, la société Belette Sun, représentée par Me Deharbe, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1513079/2-3 et n° 1513081/2-3 du 23 juin 2016 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision du 22 mai 2015 par laquelle EDF a rejeté sa réclamation tendant à l'application à ses installations photovoltaïques d'un tarif d'achat de l'électricité de 32,659 centimes d'euro par kilowattheure et ses conclusions à fin d'injonction ;
2°) d'annuler la décision du 22 mai 2015 par laquelle EDF a rejeté sa réclamation tendant à l'application à ses installations photovoltaïques d'un tarif d'achat de l'électricité de 32,659 centimes d'euro par kilowattheure ;
3°) d'enjoindre à la société EDF-AOA de conclure avec la société Belette Sun deux contrats d'achats d'électricité S11M n° BTA 0460518 et n° BTA 0460432 mentionnant un tarif T de 32,659 c /kWh ;
4°) de mettre à la charge de la société EDF-AOA le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision attaquée est entachée d'incompétence de son auteur dès lors que, d'une part, les délégations de compétence n'ont pas fait l'objet d'une publication suffisante et que, d'autre part, la délégation consentie à M. H...par M. I...est postérieure aux délégations subséquentes, ce qui rend ces dernières illégales ;
- les premiers juges ont fait une inexacte application des dispositions de l'arrêté ministériel tarifaire du 4 mars 2011 dès lors qu'ils ont, à tort, jugé que les deux installations de la société Belette Sun étaient situées sur une même parcelle et sur un unique bâtiment, alors que la date à prendre en compte pour apprécier l'existence de deux parcelles distinctes est celle du dépôt de la demande complète de raccordement et que le tribunal ne pouvait se fonder sur la seule existence d'un mûr mitoyen pour considérer que les installations se situaient sur un bâtiment unique dès lors que le critère de la mitoyenneté n'est pas prévu par l'arrêté du 4 mars 2011.
Par des mémoires en défense enregistrés les 15 mars, 10 juillet et 29 septembre 2017, 13 avril 2018 et 18 mai 2018, la société Electricité de France, représentée par Me O...et Me Coudray, conclut, dans le dernier état de ses écritures, au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Belette Sun sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la société Belette Sun ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'énergie,
- la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971,
- le décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000 fixant par catégorie d'installations les limites de puissance des installations pouvant bénéficier de l'obligation d'achat d'électricité,
- le décret n° 2001-410 du 10 mai 2001 relatif aux conditions d'achat de l'électricité produite par des producteurs bénéficiant de l'obligation d'achat,
- l'arrêté du 4 mars 2011 fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative du soleil telles que visées au 3° de l'article 2 du décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme L...,
- les conclusions de M. Sorin, rapporteur public,
- les observations de Me C...substituant Me Deharbe, avocat de la société Belette Sun,
- et les observations de Me Coudray, avocat de la société Electricité de France.
Considérant ce qui suit :
1. Par un courrier du 10 septembre 2013, la société Électricité réseau distribution France (ERDF) a accusé réception de deux demandes complètes de raccordement au réseau et de rachat d'électricité présentées par la SAS Belette Sun, d'une part, et par la société Haute Corrèze photovoltaïque, d'autre part, chacune pour une installation de production d'électricité à partir de l'énergie photovoltaïque située sur la commune d'Uzerche d'une puissance installée de 9 kilowattheures. La mise en service des installations est intervenue le 9 juillet 2014. Après la mise en service, la société Haute Corrèze photovoltaïque a transféré la propriété de son installation à la société requérante. Pour chacune de ces installations, la société EDF a adressé à la SAS Belette Sun, devenue titulaire des deux installations, respectivement le 13 août 2014 et le 6 septembre 2014, une proposition de contrat d'achat de l'électricité produite au tarif de 32,659 centimes d'euro par kilowattheure. Ayant estimé que le tarif d'achat n'était pas conforme à la réglementation en vigueur, la société EDF a fait parvenir à la SAS Belette Sun, les 10 novembre et 2 décembre 2014 pour l'installation n° 2, et le 8 décembre 2014 pour l'installation n° 1, de nouvelles propositions de contrat mentionnant un tarif de rachat de 16,731 centimes d'euro par kilowattheure. Ayant refusé de signer ces nouvelles propositions, la SAS Belette Sun a adressé à la société EDF, par courriel du 13 mai 2015, une demande de modification des clauses tarifaires. Par courrier du 22 mai 2015, la société EDF a rejeté cette réclamation. Par un jugement du 23 juin 2016, le Tribunal administratif de Paris a annulé les décisions des 10 novembre, 2 décembre et 8 décembre 2014 par lesquelles la société EDF a proposé à la SAS Belette Sun la conclusion de contrats d'achat d'électricité au tarif de 16,731 centimes d'euro par kilowattheure de la société EDF dès lors qu'elles avaient été signées par une autorité incompétente. Par la présente requête, la SAS Belette Sun demande l'annulation du jugement précité en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 22 mai 2015 par laquelle EDF a rejeté sa réclamation tendant à l'application à ses installations photovoltaïques d'un tarif d'achat de l'électricité de 32,659 centimes d'euro par kilowattheure.
Sur la légalité de la décision du 22 mai 2015 :
2. En premier lieu, d'une part, il ressort des pièces du dossier que par une décision du 12 juillet 2010, M. Henri Proglio, président-directeur général de la société EDF, a donné délégation de pouvoirs à M. E...H..., directeur exécutif Groupe, en charge du commerce, de l'optimisation et du trading. Ce dernier a lui-même délégué ses pouvoirs à M. M...K..., directeur Optimisation amont/aval et Trading, par une décision du 15 septembre 2010. M. K...a délégué ses pouvoirs à M. R...-S...P..., directeur clients-marchés au sein de la direction Optimisation amont/aval et Trading par une décision du 24 janvier 2011 qui lui-même a donné, le 1er avril 2012 à M. G...N..., responsable d'agence Obligation d'achat Photovoltaïque Professionnels, délégation à l'effet de signer notamment les courriers concernant le photovoltaïque liés à la relation contractuelle vers les producteurs. Postérieurement à ces décisions, le nouveau président-directeur général de la société EDF, M. R...-F...A..., a, par une décision du 10 avril 2015, donné délégation de pouvoirs et responsabilité au directeur Pôle Client Services, M. D...Q...qui a lui-même accordé une délégation de pouvoir au directeur Amont Aval Trading, M. B... J.... Ces décisions qui se sont substituées aux deux premières décisions de la chaîne de délégation précédemment citée, n'ont pas eu pour effet de rendre caduques les décisions précitées des 24 janvier 2011 et 1er avril 2012, dès lors que les délégations de pouvoir ne sont pas affectées par les changements survenant dans la personne du délégant ou du délégataire et qu'aucune décision ne les a abrogées. Par suite, M. N...était compétent pour signer la décision litigieuse du 22 mai 2015 par laquelle EDF a rejeté la réclamation de la SAS Belette Sun tendant à l'application à ses installations photovoltaïques d'un tarif d'achat de l'électricité de 32,659 centimes d'euro par kilowattheure.
3. D'autre part, alors même que les personnes morales de droit privé chargées d'une mission de service public, telles que la société EDF, peuvent être amenées, pour l'exécution du service qui leur est confié, à prendre des décisions ayant le caractère d'actes administratifs, les décisions ayant pour objet d'organiser en leur sein les délégations de compétence relatives à ces actes administratifs ne revêtent pas un tel caractère. Dès lors, aucune règle ni aucun principe ne subordonne la légalité de ces délégations à leur publication.
4. Il ressort de ce qui a été dit aux points 2 et 3 du présent arrêt que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte contesté doit être écarté.
5. En second lieu, aux termes de l'article L. 314-1 du code de l'énergie : " Sous réserve de la nécessité de préserver le fonctionnement des réseaux, Électricité de France et, si les installations de production sont raccordées aux réseaux publics de distribution dans leur zone de desserte, les entreprises locales de distribution chargées de la fourniture sont tenues de conclure, lorsque les producteurs intéressés en font la demande, un contrat pour l'achat de l'électricité produite sur le territoire national par :(...) 2° Les installations de production d'électricité qui utilisent des énergies renouvelables (...) ". Aux termes de l'annexe 1 de l'arrêté susvisé du 4 mars 2011 : " 1. L'énergie active fournie par le producteur est facturée à l'acheteur sur la base des tarifs définis ci-dessous. Ils sont exprimés en c/kWh hors TVA. / 2. En fonction de la puissance crête de l'installation, notée P et exprimée en kW, et de la puissance crête de l'ensemble des autres installations raccordées ou en projet sur le même bâtiment ou la même parcelle cadastrale, notée Q et exprimée en kW, il est défini un coefficient D de la façon suivante : - si P + Q est inférieure ou égale à 9 kW, alors D = 1 ; - si P + Q est supérieure à 9 kW, alors D = 0. / 3. En fonction de la puissance crête de l'installation, notée P et exprimée en kW, et de la puissance crête de l'ensemble des autres installations raccordées ou en projet sur le même bâtiment ou la même parcelle cadastrale, notée Q et exprimé en kW, il est défini un coefficient E de la façon suivante : - si P + Q est inférieure ou égale à 36 kW, alors E = 1 ; - si P + Q est supérieure à 36 kW et est inférieure ou égale à 100 kW, alors E = 0,95 ; - si P + Q est supérieure à 100 kW, alors E = 0 (...) ".
6. Il ressort des pièces du dossier que la parcelle unique BE 59 a été divisée en deux parcelles 265 et 266 par une modification enregistrée sur les registres cadastraux le 27 juin 2013. Par une demande initiale du 25 juin 2013, il a été demandé à ERDF le raccordement des deux installations photovoltaïques au réseau public. Toutefois, ses demandes n'ont été complètes que le 10 septembre 2013. Dès lors qu'il ressort des conditions générales du contrat d'achat que la puissance crête Q s'apprécie au moment du dépôt de la demande complète de raccordement, la SAS Belette Sun est fondée à soutenir que les installations n°1 et 2 se trouvaient sur deux parcelles cadastrales différentes à la date de leurs demandes de raccordement, le 10 septembre 2013.
7. Toutefois, s'il ressort des deux constats d'huissier, produits par la requérante et la société EDF, que les installations photovoltaïques sont construites sur deux ouvrages bâtis à des époques différentes et de construction différentes, que ces bâtiments sont séparés par un mur et qu'ils ne sont pas communiquant, il apparaît néanmoins que les deux constructions sont situées à la même adresse et appartiennent au même propriétaire, qu'elles sont juxtaposées, qu'elles ont un pan de mur en commun et sont indissociables sans dommage pour l'un des deux bâtiments. Par suite, c'est à bon droit que le Tribunal administratif de Paris a jugé que les deux constructions devaient être regardées, pour l'application de l'arrêté du 4 mars 2011, comme formant un unique bâtiment et que c'est par une exacte application des dispositions réglementaires en vigueur que la société EDF a proposé à la SAS Belette Sun la conclusion d'un contrat d'achat d'électricité comportant un tarif de 16,731 centimes d'euro par kilowattheure, après majoration de 10 % concernant certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil, et a rejeté la réclamation de la requérante tendant à ce que soit retenu pour ses installations, un tarif d'achat de 32,659 centimes d'euro par kilowattheure.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Belette Sun n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 mai 2015 par laquelle EDF a rejeté sa réclamation tendant à l'application à ses installations photovoltaïques d'un tarif d'achat de l'électricité de 32,659 centimes d'euro par kilowattheure. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9.Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société EDF, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, verse à la société Belette Sun la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de cette dernière une somme de 1 500 euros à verser à la société EDF au titre de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Belette Sun est rejetée.
Article 2 : La société Belette Sun versera à la société Electricité de France une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Belette Sun et à la société Electricité de France.
Délibéré après l'audience du 24 mai 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Luben, président,
- MmeL..., première conseillère,
- MmeF..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 7 juin 2018.
La rapporteure,
M. L...Le président,
I. LUBENLa greffière,
Y. HERBERLa République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°16PA02783