Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire de production de pièces, enregistrés respectivement les 30 et 31 décembre 2015, Mme F... M... épouse D... et M. C... D..., agissant en leur nom et pour le compte de leurs enfants mineurs, MM. G... D..., A... D..., O... D..., J... D... et I... D..., représentés par Me L..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1102211 du 30 octobre 2015 du tribunal administratif de Melun ;
2°) de désigner un nouvel expert médical ayant la spécialité de neurochirurgien ;
3°) à titre subsidiaire, de constater que des fautes ont été commises par l'Assistance publique - hôpitaux de Paris lors de l'intervention chirurgicale du 29 novembre 2006 et de juger que l'Assistance publique - hôpitaux de Paris en est responsable ;
4°) à titre infiniment subsidiaire, de constater l'existence d'un aléa thérapeutique et de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à en réparer les conséquences ;
5°) en tout état de cause, d'évaluer les préjudices subis par Mme D... à la somme de 1 500 000 euros, d'évaluer les préjudices subis par M. D... à la somme de 150 000 euros et d'évaluer les préjudices subis par les enfants mineurs MM. G... D..., A... D..., O... D..., J... D... et I... D... à la somme de 15 000 euros chacun, de condamner la partie défaillante au paiement de ces sommes, qui doivent porter intérêts au taux légal à compter de la lettre de rejet de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris en date du 2 février 2011, les intérêts échus devant être capitalisés, et au paiement des entiers dépens ;
6°) de mettre à la charge de la partie défaillante le versement à Mme D... de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les conclusions du rapport d'expertise médicale déposé le 26 mars 2015 ont été remises en question par la nouvelle intervention chirurgicale que Mme D... a subi le 18 mai 2015, qui a démontré l'existence d'une cause anatomique des douleurs d'origine neuropathique post-opératoires dont elle souffrait, de sorte que la question d'éventuelles fautes, tant quant à l'indication opératoire que dans la réalisation de celle-ci, peut à nouveau être posée ; de même, les conclusions médico-légales chiffrées de l'expert, qui n'a retenu aucune séquelle de nature orthopédique, doivent également être remises en cause ; par suite, une nouvelle expertise médicale est indispensable afin de réévaluer l'état de Mme D..., de se prononcer sur l'existence d'éventuelles fautes et d'un éventuel aléa thérapeutique, et de déterminer les séquelles de l'intervention chirurgicale du 29 novembre 2006 ;
- à titre subsidiaire, si une nouvelle expertise médicale n'était pas diligentée compte tenu des nouveaux éléments médicaux produits, une nouvelle expertise médicale serait néanmoins nécessaire pour tirer les conséquences médico-légales du rapport d'expertise déposé le 26 mars 2015 qui avait constaté l'apparition de douleurs neuropathiques post-chirurgicales très invalidantes, qualifiées d'aléa thérapeutique, qui ne pouvaient résulter d'une simulation de la victime, mais qui n'avait pas estimé qu'il existait des séquelles autres que psychiatriques.
Par un arrêt avant dire droit du 2 mai 2017, la Cour a décidé qu'il serait, avant de statuer sur les conclusions présentées par les consorts D..., procédé à une expertise médicale complémentaire en vue d'éclairer la Cour sur le point de savoir si, d'une part, une ou des fautes ont été commises avant, pendant ou après l'intervention chirurgicale pratiquée sur Mme D... à l'hôpital Henri Mondor de Créteil le 29 novembre 2006 et si, d'autre part, les conséquences dommageables de cette intervention découlent d'un accident médical ou d'une affection iatrogène, cette expertise devant être réalisée en présence des consorts D..., de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris, de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, de la clinique de l'Yvette et de la caisse primaire d'assurance maladie du Val d'Oise, a fixé la mission de l'expert médical et a décidé que tous droits, moyens et conclusions des parties sur lesquels il n'était pas statué par cet arrêt avant dire droit seraient réservés jusqu'en fin d'instance.
Le rapport d'expertise définitif a été enregistré au greffe de la Cour le 12 juillet 2019.
Par des nouveaux mémoires, enregistrés le 9 octobre 2019 et le 7 novembre 2019, les consorts D..., représentés par Me L..., demandent à la Cour, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) d'annuler le jugement n° 1102211 du 30 octobre 2015 du tribunal administratif de Melun ;
2°) de condamner l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à verser à Mme D... la somme de 500 000 euros en réparation du manquement au devoir d'information ;
3°) de condamner l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à indemniser intégralement les consorts D... de leurs préjudices résultant de la faute consistant en l'absence d'indication chirurgicale à pratiquer l'intervention du 29 novembre 2006, soit 5 000 000 euros pour Mme F... D..., 150 000 euros pour M. C... D..., et 15 000 euros chacun pour les enfants Mounir, Lyes, Mohamed-Amin, Younes et Wissem D..., avec les intérêts de droit à compter de la décision de rejet de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris en date du 2 février 2011, et la capitalisation de ces intérêts, ces indemnités étant à parfaire et à compléter au vu des opérations d'expertise à venir ;
4°) de condamner l'Assistance publique - hôpitaux de Paris aux entiers dépens ;
5°) de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à indemniser intégralement les consorts D... de leurs préjudices sur le terrain de la prise en charge par la solidarité nationale de l'aléa thérapeutique, soit 5 000 000 euros pour Mme F... D..., 150 000 euros pour M. C... D..., et 15 000 euros chacun pour les enfants Mounir, Lyes, Mohamed-Amin, Younes et Wissem D..., avec les intérêts de droit à compter de la décision de rejet de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris en date du 2 février 2011, et la capitalisation de ces intérêts, ces indemnités étant à parfaire et à compléter au vu des opérations d'expertise à venir ;
6°) de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) aux entiers dépens ;
7°) de procéder à la désignation d'un expert traumatologue avec la mission habituelle en matière d'évaluation du préjudice corporel pour examiner Mme D... et chiffrer les conséquences de ses atteintes fonctionnelles, en y incluant, sans les globaliser, les conclusions du Dr K... ;
8°) de mettre à la charge de la partie succombante le versement à Mme D... de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'évaluation médico-légale effectuée par les trois expertises médicales est incohérente en ce qui concerne les dates de consolidation, le taux de déficit fonctionnel permanent et la prise en considération de l'état antérieur ; dès lors, il convient d'ordonner une nouvelle expertise médicale qui aurait pour objet de se prononcer uniquement sur le chiffrage des atteintes fonctionnelles (douleurs neuropathiques, troubles de la locomotion), la dimension psychiatrique ayant déjà été évaluée ;
- comme l'ont relevé les experts médicaux, Mme D... n'a pas été informée, préalablement à l'intervention chirurgicale du 29 novembre 2006, des risques encourus, du matériel prothétique utilisé ou des complications possibles ; le caractère prétendument inévitable de l'intervention est inopérant ; une indemnité de 500 000 euros doit être allouée à Mme D... à ce titre ;
- l'indication opératoire était erronée chez une femme âgée de 25 ans seulement en 2006, présentant un spondylolisthésis peu évolué de grade 2, n'ayant connu qu'un seul épisode hyperalgique résistant aux traitements antalgique et anti-inflammatoire prescrits et alors même que les recommandations n'imposaient nullement le recours à la chirurgie ;
- les seuils de gravité requis par l'article D. 1142-1 du code de la santé publique étant atteints, l'aléa thérapeutique dont Mme D... a été victime doit ainsi être intégralement pris en charge au titre de la solidarité nationale par l'ONIAM.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 octobre 2019, l'Assistance publique - hôpitaux de Paris, représentée par Me N..., conclut au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce que le montant des demandes indemnitaires soit ramené à de plus justes proportions, et enfin à ce que le versement la somme de 2 000 euros soit mis à la charge solidaire des consorts D... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par les consorts D... ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 octobre 2019, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par Me H..., conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par les consorts D... ne sont pas fondés.
Par un mémoire, enregistré le 4 novembre 2019, la caisse primaire d'assurance maladie du Val d'Oise, représentée par Me P..., conclut à ce que l'Assistance publique - hôpitaux de Paris soit condamnée, si sa responsabilité était retenue dans la survenance du dommage dont se plaint Mme D... du fait des fautes commises lors de l'intervention du 29 novembre 2006, tant au titre du devoir d'information que de l'indication opératoire, d'une part à lui rembourser le montant des prestations servies à son assurée, soit la somme de 10 325,27 euros, en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, cette somme devant produire des intérêts au taux légal à titre de dommages et intérêts compensatoires à compter de l'état récapitulatif du 22 mars 2013 et à titre moratoire à compter de l'arrêt à intervenir, d'autre part à lui verser l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'ordonnance n° 96-51 du 24 janvier 1996 d'un montant revalorisé de 1 080 euros, et enfin que le versement d'une somme de 1 500 euros soit mis à sa charge en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient qu'elle a été amenée à verser à son assurée des prestations qui s'élèvent à la somme de 10 325,27 euros, selon l'attestation de débours jointe en annexe au présent mémoire, et que ces débours dont il est demandé le remboursement sont bien en rapport direct, certain et exclusif avec l'intervention du 29 novembre 2006 et ses suites, comme il ressort de l'attestation d'imputabilité produite, établie par le médecin conseil de la Caisse.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,
- et les observations de Me L..., avocat des consorts D....
Considérant ce qui suit :
1. Il résulte de l'instruction que Mme F... M... épouse D..., née en 1981, a été victime le 9 janvier 2003 d'une chute sur le dos sur son lieu de travail, à l'origine d'une symptomatologie douloureuse à type de lombo-sciatalgie droite. La consolidation a été établie le 2 juin 2003 avec une incapacité permanente partielle de 10 %. Au cours du temps, cette symptomatologie douloureuse a évolué de façon variable avec des périodes d'amélioration et d'aggravation nécessitant régulièrement la mise en place d'une thérapeutique anti-inflammatoire et antalgique. En septembre 2006, Mme D... a de nouveau souffert de lombalgies intenses, résistant cette fois-ci au traitement antalgique et anti-inflammatoire prescrit, qui ont conduit à la réalisation d'un scanner le 14 septembre 2006 qui a mis en évidence l'existence d'une lyse isthmique bilatérale de L5 avec antelisthésis de L5 sur 51, l'absence de hernie discale focale aux étages sus-jacents, et une surcharge arthrosique particulière postérieure L5-S1 à prédominance droite. Cette symptomatologie douloureuse persistant, Mme D... a décidé de consulter à l'hôpital Henri Mondor de Créteil, établissement relevant de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris, où la nécessité d'une arthrodèse a été posée. L'intervention a eu lieu le 29 novembre 2006. Mme D... est demeurée hospitalisée en service d'orthopédie-traumatologie jusqu'au 7 décembre 2006 puis a été admise au centre de réadaptation de Bobigny pendant environ un mois. Les suites opératoires, simples, ont toutefois été marquées par la persistance, puis l'aggravation des douleurs lombaires, ainsi que par l'apparition de douleurs post-chirurgicales nécessitant depuis mars 2007 un suivi au centre antidouleur de l'hôpital Lariboisière à Paris, un soutien psychologique et un traitement médicamenteux.
2. Par un jugement avant dire droit du 28 juin 2013, le tribunal administratif de Melun, à la demande des requérants, a ordonné une expertise médicale et a fixé la mission d'expertise. Par une ordonnance du 12 juillet 2013, la présidente du même tribunal a désigné M. E... en qualité d'expert puis, par une ordonnance du 20 juin 2014, la présidente du même tribunal a désigné M. K..., psychiatre, en qualité de sapiteur. L'expert médical a déposé le 26 mars 2015 au greffe du même tribunal son rapport d'expertise, dont les conclusions étaient que " l'intervention chirurgicale pratiquée était en adéquation avec les symptômes et la pathologie de la patiente ", qu'il n'était " retenu ni faute médicale, ni faute de soins dans l'organisation ou le fonctionnement du service lors de l'hospitalisation de l'intéressée et lors de la réalisation de l'intervention chirurgicale ", que " lors de cette prise en charge il n'y a eu ni erreur, ni manquement, ni négligence " et que " les séquelles que présente Madame D... relèvent d'un aléa thérapeutique ". Sur le fondement de ce rapport d'expertise, les premiers juges, par le jugement attaqué du 30 octobre 2015, ont rejeté la demande des consorts D.... Il résulte cependant de l'instruction que, postérieurement au dépôt de ce rapport d'expertise, Mme D... a subi le 18 mai 2015 à la clinique de l'Yvette une nouvelle intervention chirurgicale (arthrolaminectomie et recalibrage canalaire). Les résultats de cette intervention étant éventuellement de nature à remettre en cause les conclusions du rapport d'expertise médical déposé le 26 mars 2015, devenu ainsi, en tout état de cause, sinon obsolète, du moins incomplet, une expertise médicale complémentaire, confiée à un expert ayant une qualification en chirurgie orthopédique et en neurochirurgie, a été ordonnée par l'arrêt avant dire droit du 2 mai 2017 afin de déterminer si, d'une part, une ou des fautes ont été commises avant, pendant ou après l'intervention chirurgicale pratiquée sur Mme D... à l'hôpital Henri Mondor de Créteil le 29 novembre 2006, si, d'autre part, les conséquences dommageables de cette intervention découlent d'un accident médical ou d'une affection iatrogène, et enfin d'indiquer les différents préjudices consécutifs à cette intervention. Le rapport des experts médicaux a été enregistré au greffe de la Cour le 12 juillet 2019.
Sur les conclusions des consorts D... tendant à ce qu'une nouvelle expertise médicale soit diligentée :
3. D'une part, la circonstance que le rapport des experts médicaux enregistré au greffe de la Cour le 12 juillet 2019 a fixé la date de consolidation au 29 novembre 2008, soit deux ans après l'intervention chirurgicale initiale du 29 novembre 2006, et a précisé qu'à la suite de l'intervention chirurgicale du 18 mai 2015 une seconde date de consolidation devait être fixée au 13 novembre 2015, soit six mois après cette intervention, alors que le premier expert médical nommé en première instance, qui s'était borné à reprendre la date de la consolidation psychiatrique, nécessairement différente de la consolidation physiologique, fixée au 20 décembre 2011 par l'expert sapiteur psychiatre, n'est pas de nature à établir que l'expertise médicale diligentée en appel serait entachée d'erreur de fait ou d'incohérence. D'autre part, si cette expertise médicale a retenu un taux de 10 % de déficit fonctionnel permanent, motivé par des " douleurs neuropathiques retentissant sur la marche et un retentissement anxio dépressif ", il ne résulte pas de l'instruction que le déficit fonctionnel permanent subi par Mme D... aurait été sous-évalué lors de cette expertise médicale, notamment au vu de l'état de santé de Mme D..., dès lors que les experts ont distingué le déficit fonctionnel permanent exclusivement imputable à l'intervention chirurgicale du 29 novembre 2006 de celui qui découle de la persistance des lombalgies dont souffrait Mme D... depuis l'accident du travail dont elle a été victime le 9 janvier 2003, qui a été regardé comme consolidé le 2 juin 2003 avec un taux de déficit fonctionnel permanent de 10 %, et qui correspond à l'échec de l'intervention chirurgicale du 29 novembre 2006 dans sa finalité curative. Par ailleurs, les experts médicaux nommés en appel, en prenant en considération, au titre de l'état antérieur, l'échec thérapeutique de l'intervention chirurgicale du 29 novembre 2006 qui n'a pu ainsi soulager Mme D... des lombalgies invalidantes dont elle souffrait auparavant et dont elle a continué à souffrir, n'ont pas entaché leur rapport d'une erreur de fait ou d'appréciation. Enfin, les experts nommés en appel, dans leur rapport enregistré le 12 juillet 2019, ont, en réponse à la mission qui leur avait été confiée, fixé la date de consolidation, ont indiqué quel était le taux de déficit fonctionnel temporaire partiel, en rapport avec le trouble de la sensibilité puis les douleurs neuropathiques, jusqu'à la date de consolidation, ont précisé que l'intervention chirurgicale du 18 mai 2015 était imputable à la première intervention chirurgicale du 29 novembre 2006, que la consolidation était acquise six mois après cette intervention, la période de déficit fonctionnel temporaire lié à cette intervention et le taux et la période de déficit fonctionnel temporaire partiel, ont évalué le préjudice esthétique temporaire, imputable à la complication neurologique, le préjudice esthétique permanent, imputable à la complication neurologique nécessitant une intervention chirurgicale en 2015 qui a laissé une cicatrice lombaire, les souffrances endurées, le déficit fonctionnel permanent, comme il vient d'être dit, du fait de douleurs neuropathiques retentissant sur la marche et du retentissement anxio dépressif, ont indiqué qu'un véhicule à boite automatique était nécessaire, ont fait état de la nécessité d'une aide apportée par une tierce personne du 28 mai 2007 jusqu'à la consolidation à raison de deux heures par semaine et de façon pérenne au même rythme depuis la consolidation, et ont indiqué qu'il n'y avait pas de préjudice sexuel du seul fait de la complication, et qu'en ce qui concerne ses activités d'agrément, Mme D... avait pu reprendre " parcimonieusement " la pratique de la promenade et du vélo. Par suite, une nouvelle expertise médicale, qui serait la quatrième à être diligentée, ne présenterait pas d'utilité pour la solution du litige. Il s'en suit que les conclusions susvisées des consorts D... doivent être rejetées.
Sur la responsabilité de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris :
En ce qui concerne le défaut d'information :
4. Aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Elle est également informée de la possibilité de recevoir, lorsque son état de santé le permet, notamment lorsqu'elle relève de soins palliatifs au sens de l'article L. 1110-10, les soins sous forme ambulatoire ou à domicile. Il est tenu compte de la volonté de la personne de bénéficier de l'une de ces formes de prise en charge. Lorsque, postérieurement à l'exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d'impossibilité de la retrouver. / Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. / Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel. / (...) En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen. (...) ".
5. Il résulte de ces dispositions que lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé. Si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité, de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obligation. Un manquement des médecins à leur obligation d'information engage la responsabilité de l'hôpital dans la mesure où il a privé le patient d'une chance de se soustraire au risque lié à l'intervention en refusant qu'elle soit pratiquée. C'est seulement dans le cas où l'intervention était impérieusement requise, en sorte que le patient ne disposait d'aucune possibilité raisonnable de refus, que les juges du fond peuvent nier l'existence d'une perte de chance.
6. L'Assistance publique - hôpitaux de Paris, qui ne rapporte pas la preuve, dont la charge lui incombe, de la délivrance d'une information à Mme D..., préalablement à l'opération du 29 novembre 2006, de la teneur exacte de celle-ci et des risques de complications qu'elle comportait, a ainsi commis une faute de nature à engager sa responsabilité.
7. Il résulte de l'instruction que, d'une part, Mme D..., avant l'intervention chirurgicale du 29 novembre 2006, souffrait de douleurs lombaires intenses et handicapantes, avec des irradiations sciatiques droites, devenues rebelles au traitement médicamenteux (thérapeutique anti-inflammatoire et antalgique), causées par un spondylolisthésis L5-S1, stade II (25 %), et une arthrose postérieure évoluée de L5-S1. Il résulte du rapport d'expertise remis le 26 mars 2015 comme du rapport d'expertise déposé le 12 juillet 2019 que le spondylolisthésis et l'arthrose rachidienne dont elle était atteinte, qui étaient la cause des souffrances de Mme D..., devaient poursuivre leur évolution naturelle et ainsi aggraver la symptomatologie douloureuse, mais sans que cette évolution soit envisagée à court terme. Ainsi, si une intervention chirurgicale aurait été nécessaire à terme, elle ne peut être regardée, dans ces circonstances, comme impérieusement requise, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges. D'autre part, l'intervention chirurgicale proposée à Mme D..., consistant en une stabilisation du spondylolisthésis par une arthrodèse L5-S1, présentait, outre les risques propres à une telle intervention, un taux d'échec du traitement du spondylolisthésis proche de 20 à 25 % selon les experts médicaux. Il s'ensuit que la faute commise par l'Assistance publique - hôpitaux de Paris en omettant d'informer Mme D... des risques de l'intervention chirurgicale projetée et du taux d'échec de cette intervention a entraîné une perte de chance pour Mme D... de se soustraire aux conséquences dommageables de cette opération, dont certaines se sont réalisées, qui doit être évaluée, dans les circonstances de l'espèce, à un pourcentage de 50 %.
En ce qui concerne la faute médicale :
8. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute (...) ".
9. Il résulte de l'instruction, et notamment des trois rapports d'expertises médicales diligentées en première instance et en appel, que Mme D... a subi le 29 novembre 2006 à l'hôpital Henri Mondor de Créteil une arthrodèse L5-S1 avec mise en place de cages intersomatiques par voie antérieure associées à une greffe osseuse prise sur l'os iliaque. D'une part, l'indication chirurgicale était justifiée au regard de l'imagerie médicale mettant en évidence un spondylolisthésis de L5 sur S1 et dès lors que Mme D... souffrait de lombalgies basses invalidantes avec des sciatalgies bilatérales qui faisaient régulièrement l'objet d'une thérapeutique anti-inflammatoire et antalgique mais qui, lors de la survenue, en septembre 2006, d'une nouvelle crise douloureuse hyperalgique, n'avaient pas été soulagées par le traitement médical antalgique et anti-inflammatoire prescrit ; si les consorts D... soutiennent que dans le cas d'espèce l'option thérapeutique d'une prise en charge multidisciplinaire, associant un traitement médical et une rééducation kinésithérapeutique, aurait dû être privilégiée, la littérature médicale qu'ils citent (recommandations de l'ANAES et de la société française de chirurgie du rachis) ne déconseille pas une intervention chirurgicale et, au surplus, a été écartée par les experts nommés en appel au motif que ces publications se rapportent à une pathologie lombalgique pure sans radiculalgie, alors que Mme D... souffrait d'une lombosciatique. D'autre part, Mme D... a été opérée par un spécialiste de la pathologie en cause, conformément aux données acquises de la science médicale à la date de l'intervention, le compte rendu opératoire comme les examens d'imagerie ultérieurs indiquant qu'elle a été opérée au bon niveau des vertèbres et que les cages intersomatiques et les greffons ont été correctement installés, sans que ne soit mise en évidence de compression nette et certaine par le matériel d'arthrodèse. Enfin, les suites opératoires ont été simples, Mme D... étant hospitalisée au sein du centre de médecine physique et de réadaptation de Bobigny du 7 décembre 2006 au 3 janvier 2007 afin de procéder à sa rééducation. Si, lors de ce séjour en rééducation de Mme D..., un mois après l'intervention, un déficit sensitif dans le territoire de la racine L5 gauche a été constaté, qui a été ultérieurement confirmé par des examens électro physiologiques, cette lésion par étirement du contingent sensitif de la racine L5 gauche, qui a été provoquée par l'écartement de l'espace intersomatique rendu nécessaire pour que la cage soit mise en place, doit être regardée comme un accident médical non fautif. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé qu'aucune faute médicale ne pouvait être retenue à l'encontre de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris et que les consorts D... n'étaient pas fondés, quelles que soient la nature et l'étendue des séquelles dont reste affectée Mme D..., à rechercher la responsabilité pour faute de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris.
Sur l'indemnisation au titre de la solidarité nationale par l'ONIAM :
10. Aux termes du 2° de l'article L. 1142 du code de la santé publique : " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'incapacité permanente ou de la durée de l'incapacité temporaire de travail./ Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'incapacité permanente supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret. " ; aux termes de l'article D. 1142-1 du même code : " Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L. 1142-1 est fixé à 24 %. / Présente également le caractère de gravité mentionné au II de l'article L. 1142-1 un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ayant entraîné, pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois, un arrêt temporaire des activités professionnelles ou des gênes temporaires constitutives d'un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50 %. / À titre exceptionnel, le caractère de gravité peut être reconnu : / 1° Lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à exercer l'activité professionnelle qu'elle exerçait avant la survenue de l'accident médical, de l'affection iatrogène ou de l'infection nosocomiale ; / 2° Ou lorsque l'accident médical, l'affection iatrogène ou l'infection nosocomiale occasionne des troubles particulièrement graves, y compris d'ordre économique, dans ses conditions d'existence ".
11. D'une part, il résulte de l'instruction, et notamment des deux rapports d'expertise médicale, que le taux d'incapacité permanente dont Mme D... reste atteinte du fait de l'accident médical non fautif survenu à la suite de l'intervention chirurgicale du 29 novembre 2006 a été évalué à 10 %, soit un pourcentage inférieur au pourcentage fixé par l'article D. 1142-1 précité du code de la santé publique. D'autre part, il résulte de l'instruction, et notamment du second rapport d'expertise médicale, que le déficit fonctionnel temporaire partiel subi par Mme D... du fait de cet accident médical non fautif a été évalué à 10 % jusqu'à la consolidation fixée au 29 novembre 2008. Par suite, l'état de Mme D... ne répond pas aux critères établis par le deuxième alinéa précité de l'article D. 1142-1 du code de la santé publique, qui exigent que le déficit fonctionnel temporaire soit supérieur ou égal à un taux de 50 %. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que Mme D..., qui souffrait de douleurs lombaires depuis un accident du travail survenu en janvier 2003 et qui était depuis lors en arrêt de travail et qui reste affectée, comme il a été dit, d'un déficit fonctionnel permanent de 10 %, en raison de douleurs neuropathiques retentissant sur la marche et d'un retentissement anxio dépressif à la suite de l'accident médical survenu le 29 novembre 2006, soit définitivement inapte, du seul fait de cet accident médical, à exercer l'activité professionnelle qu'elle exerçait auparavant ou que celui-ci ait occasionné des troubles particulièrement graves, y compris d'ordre économique, dans ses conditions d'existence, au sens des deux derniers alinéa précité de l'article D. 1142-1 du code de la santé publique. Par suite, comme l'ont à bon droit estimé les premiers juges, le caractère de gravité ne pouvait être reconnu à titre exceptionnel à l'accident médical subi par l'intéressée, en application des deux derniers alinéas de l'article D. 1142-1 du code de la santé publique, il s'en suit que les époux D... ne sont pas fondés à demander à être indemnisés par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale.
Sur les préjudices :
12. Les consorts D..., dans leurs derniers mémoires enregistrés le 9 octobre 2019 et le 7 novembre 2019, se bornent à demander, au titre du préjudice résultant du manquement du service hospitalier au devoir d'information du patient, que l'Assistance publique - hôpitaux de Paris soit condamnée à verser à Mme D... la somme de 500 000 euros, sans distinguer les différents chefs de préjudice, et ne mettent ainsi pas la Cour en mesure de se prononcer sur leurs prétentions indemnitaires. Par suite, il y a lieu, avant de statuer sur ces préjudices, d'inviter les consorts D... à présenter leurs demandes indemnitaires, en distinguant les différents chefs de préjudice, dans un délai de trois semaines à compter de la notification du présent arrêt.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1102211 du 30 octobre 2015 du tribunal administratif de Melun est annulé.
Article 2 : Les consorts D... sont invités à présenter leurs demandes indemnitaires, en distinguant les différents chefs de préjudice, dans un délai de trois semaines à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Tous droits, moyens et conclusions des parties sur lesquels il n'est pas statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... M... épouse D..., à M. C... D..., à M. G... D..., à M. A... D..., à la caisse primaire d'assurance maladie du Val d'Oise, à l'Assistance publique - hôpitaux de Paris et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.
Délibéré après l'audience du 2 décembre 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président,
- M. B..., président assesseur,
- Mme Collet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 décembre 2019.
Le rapporteur,
I. B...Le président,
J. LAPOUZADELe greffier,
C. POVSELa République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
11
N° 15PA04858