Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 30 avril 2015, Mme B..., représentée par Me Brocard, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1422243/6-2 du 3 février 2015 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de police du 21 février 2014 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son avocat, Me Brocard, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur de droit ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-12 alinéa 2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de la requérante.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;
- elle est entachée d'une erreur de droit ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de la requérante ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire :
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée le 10 juillet 2015 au préfet de police, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 27 mars 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Luben a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante malienne née le 28 juillet 1988, a sollicité le renouvellement de son titre de séjour délivré sur le fondement de l'article L. 313-11 4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et valable jusqu'au 14 février 2014. Par un arrêté du 21 février 2014, le préfet de police a rejeté sa demande et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois en fixant le pays de renvoi. Mme B... fait appel du jugement du 3 février 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne la décision portant refus de séjour, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
2. Aux termes de l'article L. 316-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace à l'ordre public, l'autorité administrative délivre dans les plus brefs délais une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et
familiale " à l'étranger qui bénéficie d'une ordonnance de protection en vertu de l'article 515-9 du code civil, en raison des violences commises par son conjoint, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son concubin. La condition prévue à l'article L. 311-7 du présent code n'est pas exigée. Cette carte de séjour temporaire ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. / Le titre de séjour arrivé à expiration de l'étranger qui bénéficie d'une ordonnance de protection en vertu de l'article 515-9 du code civil, en raison des violences commises par son conjoint, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son concubin, est renouvelé. " ; aux termes de l'article L. 313-12 du même code : " La carte délivrée au titre de l'article L. 313-11 donne droit à l'exercice d'une activité professionnelle. / Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé, sauf si elle résulte du décès du conjoint français. Toutefois, lorsque la communauté de vie a été rompue en raison de violences conjugales qu'il a subies de la part de son conjoint, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l'étranger et peut en accorder le renouvellement. En cas de violence commise après l'arrivée en France du conjoint étranger mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint étranger se voit délivrer, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ".
3. Il n'est pas contesté que la communauté de vie entre Mme B...et son mari, qui se sont mariés le 8 janvier 2010, a été rompue en juin 2012. Il ressort des pièces du dossier que la décision litigieuse est motivée par le constat " que la vie commune [de Mme B...] a cessé avec son époux en juin 2012 " et que, d'une part, " si Mme B...a déposé plainte contre son époux le 15 juillet 2013 pour violences conjugales, elle ne justifie pas bénéficier d'une ordonnance de protection en vertu de l'article 515-9 du code civil ; par conséquent elle ne remplit pas les conditions de l'article L. 316-3 du code susmentionné " et, d'autre part, " que l'intéressée n'a pas été en mesure de démontrer que la plainte déposée à l'encontre de son époux a abouti à une condamnation de ce dernier et que son droit au séjour ne peut être renouvelé sur le fondement de l'article L. 313-12 du code susvisé ". En estimant ainsi, pour apprécier si la communauté de vie avait été rompue en raison de violences conjugales que l'intéressée a subies de la part de son conjoint au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que l'intéressée n'avait pas été en mesure de démontrer que la plainte déposée à l'encontre de son époux a abouti à une condamnation de ce dernier, alors que l'administration de la preuve des violences conjugales subies de la part du conjoint est libre et n'est, en tout état de cause, pas subordonnée à une condamnation pénale, le préfet de police a ajouté une condition aux dispositions précitées et s'est, de surcroît, cru à tort en situation de compétence liée pour rejeter la demande de renouvellement de titre de séjour. Par suite, Mme B...est fondée à soutenir que la décision portant refus de séjour est entachée d'une erreur de droit et doit, par conséquent, être annulée.
En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire, fixant le pays de destination et fixant le délai de départ volontaire :
4. Les décisions portant obligation de quitter le territoire, fixant le pays de destination et fixant le délai de départ volontaire doivent être annulées par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de séjour.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
5. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ".
6. Eu égard au motif d'annulation ci-dessus retenu, l'exécution du présent arrêt implique seulement qu'il soit procédé au réexamen de la situation administrative de MmeB.... Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet de police de réexaminer la situation de Mme B...dans un délai de deux mois à compter de la notification qui lui sera faite du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions tendant de l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
7. Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 27 mars 2015. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Brocard, avocat de Mme B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au bénéfice de Me Brocard.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Paris en date du 3 février 2015, ensemble l'arrêté susvisé du préfet de police en date du 21 février 2014, sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de réexaminer la situation administrative de Mme B... dans un délai de deux mois à compter de la notification qui lui sera faite du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, une somme de 1 000 euros à Me Brocard, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B...épouseA..., au préfet de police et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 1er février 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme Bernard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 février 2016.
Le rapporteur,
I. LUBENLe président,
J. LAPOUZADE
Le greffier,
A. CLEMENTLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA01768