Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 janvier 2015, la société Valérian, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner l'Etat à lui payer 40 % du montant des préjudices supportés du fait du sinistre survenu lors de la construction du pont de la déviation de la route nationale d'Imphy, soit 103 332 euros hors taxes, ainsi que 40 % des frais d'expertise, soit 18 086 euros, sommes assorties des intérêts au taux légal à compter de la date d'enregistrement de la demande avec capitalisation des intérêts à chaque date anniversaire ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a estimé que la direction départementale de l'équipement n'était pas intervenue dans le cadre d'un louage d'ouvrage susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat ; avant le transfert de la maîtrise d'ouvrage du chantier au département début 2006, l'Etat assurait la maîtrise d'oeuvre ; après transfert, le département a chargé la DDE d'assurer la mission de maîtrise d'oeuvre par décision du 23 mai 2006, qui n'est pas la conséquence de l'article 104 de la loi du 13 août 2004 mais l'application de la loi du 2 décembre 1992 alors applicable, prévoyant des conventions de mise à disposition à titre onéreux, qui constituent des contrats de louage d'ouvrage ;
- la responsabilité de la DDT de la Nièvre est engagée car elle a commis une faute dans le cadre de l'exercice de la mission de maîtrise d'oeuvre qu'elle a exercée jusqu'au 1er janvier 2007, un mois avant l'effondrement du tablier ; il lui appartenait de s'assurer de la coordination des différentes entreprises et de s'assurer de la correcte transmission des plans et notes de calcul ; l'expertise a établi que le maître d'oeuvre s'est abstenu d'exercer sa mission de contrôle des étaiements dont il se croyait, à tort, dispensé ;
- cette faute présente un lien de causalité avec le dommage car l'expert a estimé que le sous-traitant de l'entreprise Agor pour les études de méthode n'avait pas été informé que les gabions avaient été remplacés, dans le cadre d'un changement accepté par le maître d'oeuvre, par des dispositifs qui n'ont pas été en mesure de résister à la pression et qui se sont effondrés ;
- son préjudice tient à la reprise de l'enrobé et des bordures, au préfinancement des travaux de déconstruction du tablier endommagé, aux frais d'investigation qui ont été utiles à l'expert, pour un montant total de 258 332 euros ; compte tenu des conclusions du rapport d'expert, elle a droit à 40 % de ce montant ;
- l'Etat doit être condamné à supporter 40% des dépens.
Par un mémoire enregistré le 2 octobre 2015, la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- à titre principal, c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que la demande était mal dirigée, dès lors que l'intervention de la DDE de la Nièvre n'était pas régie par les dispositions de la loi de 1992 mais par la loi n° 2004-809 du 13 août 2004, les travaux s'étant déroulés à une période où les services étaient placés sous l'autorité du président du conseil général en vertu de l'article 104 de cette loi ; la mission de maîtrise d'oeuvre, qui constituait un concours obligatoire et gratuit, exercé sous l'autorité fonctionnelle du président du conseil général, ne constituait pas un contrat de louage d'ouvrage dont la mauvaise exécution aurait pu engager la responsabilité de l'Etat ;
- à titre subsidiaire, le recours, fondé sur le régime de la responsabilité pour dommage de travaux publics entre participants, doit être rejeté, dès lors qu'à supposer que la DDE puisse être reconnue comme maître d'oeuvre au sens du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, un mémoire en réclamation devait lui être adressé sur le fondement de l'article 50.11.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 ;
- le décret n° 2006-1341 du 6 novembre 2006 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Samson-Dye, premier conseiller,
- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public.
1. Considérant que la société Valérian relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité comme mal dirigée ;
Sur les conclusions indemnitaires de la société Valérian :
2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par acte d'engagement du 19 décembre 2005, l'Etat a confié aux sociétés Valérian et Agor, constituées en groupement d'entreprises conjointes, la réalisation des terrassements et des ouvrages d'art de la déviation d'Imphy, sur la RN 81 ; que la maîtrise d'oeuvre était assurée par la direction départementale de l'équipement ; que, le 1er janvier 2006, la RN 81 a été transférée au département de la Nièvre par arrêté en date du 12 décembre 2005 du préfet de la Nièvre portant constatation du transfert de routes nationales à la suite du transfert de compétences opéré par la loi du 13 août 2004 susvisée ; que la maîtrise d'ouvrage était, de ce fait, transférée au département de la Nièvre et les marchés modifiés en conséquence par voie d'avenant, la maîtrise d'oeuvre demeurant... ; que les services de la direction départementale de l'équipement en charge des routes nationales ont été transférés au département, à compter du 1er janvier 2007, en application du décret du 6 novembre 2006 ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport réalisé dans le cadre de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Dijon, que le 9 février 2007, lors du bétonnage du tablier d'un pont, l'étaiement de l'ouvrage s'est affaissé, ce qui a provoqué une déformation de différents éléments de l'ouvrage et un arrêt des travaux ; que le dommage trouve son origine dans une modification apportée en cours de chantier à la conception du mur de soutènement de l'ouvrage, à la demande de l'entreprise Agor et après accord du maître d'oeuvre ; que l'entreprise Semi, chargée de mettre en place les étaiements provisoires, agissant en qualité de sous-traitante de la société Agor, n'a jamais été informée de cette modification et n'a par conséquent pas modifié ses propres études d'exécution ; que les étaiements provisoires qu'elles avaient conçus étaient sous-dimensionnés pour contenir les poussées au regard du projet modifié et n'ont pas permis de contenir le mur de soutènement qui s'est déformé, entraînant la rupture de la dalle ; que l'ouvrage a dû être démoli puis reconstruit, le coût de ces mesures ayant été pris en charge par les sociétés Agor et Valérian ; que la société Valérian demande l'engagement de la responsabilité de l'Etat en raison des fautes commises dans l'exercice de la mission de maîtrise d'oeuvre, du fait de son abstention de transmettre les informations sur la modification de la conception du mur de soutènement ;
4. Considérant toutefois que le fait pour ce service de s'être abstenu, à partir du 18 août 2006, date à laquelle il a approuvé la modification du mur de soutènement, de communiquer cette information à l'entreprise compétente, n'est pas de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard de la société Valérian, dès lors que la mission de maître d'oeuvre était alors assurée par un service placé directement sous l'autorité du département, en application de l'article 104 de la loi du 13 août 2004, dont le II indique que : " Dans l'attente de la signature des conventions visées au III ou, à défaut, des arrêtés visés au IV, et à compter de la date de transfert des compétences, (...) le président du conseil général, (...) donne ses instructions aux chefs des services de l'Etat en charge des compétences transférées. ", cette disposition étant d'ailleurs mentionnée par le président du conseil général dans sa décision du 23 mai 2006 ; que, dans ces conditions, la société Valérian ne peut utilement se référer à l'article 6 de la loi n° 92-1255 du 2 décembre 1992, inapplicable au présent litige ;
5. Considérant que, par ailleurs, à la date à laquelle la Direction Départementale de l'Equipement a ordonné que le béton soit coulé, sans avoir transmis préalablement les informations nécessaires, soit le 5 février 2007, ce service ne relevait plus de l'Etat mais du département de la Nièvre ; que cette faute n'est donc pas davantage de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Valérian n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa requête comme mal dirigée ;
Sur les dépens :
7. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat./ Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. L'Etat peut être condamné aux dépens. " ;
8. Considérant que les frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Dijon le 15 mars 2007, ont été liquidés et taxés à la somme de 54 077,14 euros par ordonnance du président du tribunal administratif de Dijon en date du 16 septembre 2009 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances particulières de l'espèce, de laisser ces frais à la charge de la société Valérian, partie perdante ; qu'elle n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à ce que 40 % de ces frais d'expertise soient mis à la charge de l'Etat ;
Sur les frais non compris dans les dépens :
9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la cour fasse bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais exposés à l'occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ; que, dès lors, les conclusions de la société Valérian doivent être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Valérian est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Valérian et à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.
Délibéré après l'audience du 7 janvier 2016, où siégeaient :
- Mme Verley-Cheynel, président de chambre,
- Mme Gondouin, premier conseiller,
- Mme Samson-Dye, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 janvier 2016.
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N° 14LY00768
N° 15LY00370 3