Procédure devant la Cour :
Par une requête, un mémoire et des pièces enregistrés les 28 décembre 2019, 19 mars 2020 et 21 septembre 2020, M. A..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1912163/1-1 du 4 décembre 2019 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler les arrêtés du 3 juin 2019 par lesquels le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ".
Il soutient que :
- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français méconnaissent les dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile;
- le préfet de police a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale tel que garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 août 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Mme B... a présenté son rapport au cours de l'audience.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant ivoirien né le 6 janvier 1983 à Abobo-Gare, est entré en France en 2012 selon ses allégations. Il a été interpellé par les services de police le 3 juin 2019 à la suite d'un contrôle d'identité. Par deux arrêtés du même jour, le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois. M. A... relève appel du jugement du 4 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".
3. En soutenant que les décisions portant obligation de quitter le territoire français et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français méconnaissent les dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile eu égard à son état de santé qui nécessite la poursuite en France de soins qui ne sont pas disponibles en Côte d'Ivoire, M. A..., qui n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour et s'est donc vu opposer uniquement une obligation de quitter le territoire français, doit être regardé comme soutenant que l'arrêté attaqué a méconnu les dispositions précitées de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ressort des pièces du dossier que M. A... souffre d'un trouble dépressif caractérisé par des états d'angoisse intense, des hallucinations auditives, et des pensées suicidaires, que ces troubles ont donné lieu à une hospitalisation du 31 mars au 18 mai 2018, puis à une hospitalisation sans consentement à partir du 9 juin 2019 dont le Tribunal de grande instance de Paris a, par une ordonnance du 19 juin 2019, ordonné la poursuite. Ces éléments, bien que pour partie postérieurs à la décision en litige, établissent la nécessité des soins et la gravité de l'absence d'un traitement à la date de la décision attaquée. Toutefois, si M. A... soutient que sa pathologie ne peut être prise en charge dans son pays d'origine, les certificats médicaux dont il se prévaut, en date des 18 mai 2018, 6 juin et 23 juillet 2019 et 8 septembre 2020, d'ailleurs postérieur pour ce dernier à la décision attaquée, qui indiquent que son état de santé nécessite un traitement et un suivi médical spécialisé sans faire état d'un traitement particulier, ne permettent pas de démontrer qu'il ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, alors que le préfet de police produit en défense des pièces établissant l'existence, en Côte d'Ivoire, de structures spécialisées dans la prise en charge des troubles psychiatriques. Ces documents ne démontrent pas davantage que les troubles psychiatriques dont souffre M. A... ne pourraient faire l'objet d'un traitement approprié en Côte d'Ivoire en raison du lien allégué entre sa pathologie et des évènements vécus dans ce pays, eu égard au caractère peu étayé des éléments rapportés quant à la nature de tels évènements et des circonstances dans lesquels ils seraient survenus ainsi qu'aux contradictions qu'ils comportent, concernant en particulier le décès de son enfant dont M. A... fait état et dont il soutient, sans l'établir, qu'il serait lié à son appartenance politique, et qui, d'après ses allégations aurait eu lieu tantôt en sa présence, tantôt après son arrivée en France. Dans ces conditions, d'une part, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait méconnu les dispositions précitées du 10 de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en lui faisant obligation de quitter le territoire français. D'autre part, pour les mêmes motifs,
M. A... n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir qu'en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, le préfet de police aurait méconnu les mêmes dispositions.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".
5. Si M. A... se prévaut d'une présence en France depuis 2012, les pièces versées au dossier ne permettent pas de démontrer une telle ancienneté. De plus, il ressort des pièces du dossier que M. A... est célibataire et dépourvu de charges de famille en France, alors qu'il n'établit pas être dépourvu de toutes attaches privées et familiales dans son pays d'origine, où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 29 ans. Et si le requérant produit, d'ailleurs pour la première fois en appel, une fiche attestant de son inscription en qualité de bénévole au sein de l'Armée du salut, cette seule pièce n'est pas de nature à justifier de son insertion particulière au sein de la société française. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que les décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour sur le territoire français porteraient une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
6. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 28 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, président de chambre,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme B..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 février 2021.
La présidente de la 8ème chambre,
H. VINOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°19PA04237