Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 janvier 2020 et 19 janvier 2021, la société Circor Industria, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°1800729 du 22 novembre 2019 du tribunal administratif de Melun ;
2°) de confirmer la décision du ministre du travail du 30 novembre 2017 par laquelle il a retiré sa décision implicite du 20 août 2017 rejetant le recours hiérarchique formé le 13 avril 2017 par M. C... contre la décision de l'inspecteur du travail du 28 mars 2017, a annulé cette décision et a autorisé le licenciement de ce dernier ;
3°) de rejeter les demandes de M. C... ;
4°) de mettre la somme de 5 000 euros à la charge de M. C... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- contrairement à ce que le jugement attaqué a retenu, les faits sur lesquels est fondée la demande d'autorisation de licenciement ne sont pas prescrits ;
- la décision du ministre n'est pas entachée d'un vice de procédure dès lors qu'il a bien pris en compte l'ensemble des mandats détenus par M. C... pour prendre sa décision ;
- elle n'est entachée d'aucun vice de procédure lié au non-respect du principe du contradictoire du fait de l'absence de communication de la clé USB citée au procès-verbal du constat d'huissier du 22 décembre 2017 sur lequel se fonde la décision ;
- elle est suffisamment motivée ;
- elle n'est entachée d'aucun vice de procédure dès lors que le comité d'entreprise a été régulièrement consulté ;
- il n'existe aucun lien entre les faits qui sont reprochés à M. C... et son mandat ;
- les faits qui lui sont reprochés sont matériellement établis et d'une gravité suffisante pour justifier la demande d'autorisation de licenciement.
Par un mémoire en appel incident, enregistré le 29 avril 2020, le ministre du travail demande à la Cour d'annuler le jugement n°1800729 du 22 novembre 2019 du tribunal administratif de Melun et de rejeter la requête de première instance de M. C....
Il soutient reprendre les moyens soulevés dans son mémoire de première instance qu'elle joint à son mémoire d'appel.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 janvier 2021, M. C..., représenté par
Me D..., demande à la Cour de confirmer le jugement n°1800729 du 22 novembre 2019 du tribunal administratif de Melun et de mettre la somme de 3 660 euros à la charge de la société Circor Industria en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soulève les mêmes moyens que ceux de première instance et il soutient que les moyens soulevés par la société Circor Industria ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F...,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,
- les observations de Me E..., substituant Me A..., avocat de la société Circor Industria,
- et les observations de Me B...,substituant Me D... avocat de M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C... a été embauché le 18 octobre 1982 par la société Circor Industria, qui a pour activité la fabrication d'équipements hydrauliques et pneumatiques et il exerce les fonctions de responsable de laboratoire depuis 1990. Il est titulaire d'un mandat de délégué syndical, ancien membre du comité d'entreprise et du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et ancien délégué du personnel. Par courrier du 24 janvier 2017, il a été convoqué à un entretien préalable à un licenciement pour faute fixé le 10 février 2017 auquel il n'a pu se rendre pour raisons de santé. Par courrier du 6 février 2017, la société Circor Industria lui a communiqué le motif de son licenciement et l'a invité à y répondre avant le 10 février suivant. Par courrier du 13 février 2017, notifié le 15 février suivant, M. C... a été convoqué à une audition devant le comité d'entreprise le 20 février 2017 dans le cadre du projet de licenciement envisagé à son encontre, à laquelle il n'a pas pu se rendre en raison de son état de santé. Le 6 mars 2017, la société Circor Industria a saisi l'inspecteur du travail qui a autorisé le licenciement de M. C... par décision du 28 mars 2017 et lui a notifié son licenciement le 31 mars 2017. Le 13 avril 2017, M. C... a formé un recours hiérarchique contre la décision de l'inspecteur du travail du 28 mars 2017 qui a d'abord été rejeté implicitement le 20 août 2017 par le ministre du travail. Le 30 novembre 2017, le ministre du travail a retiré sa décision implicite du 20 août 2017, a annulé la décision de l'inspecteur du travail du
28 mars 2017 et a autorisé le licenciement de M. C.... M. C... a formé un recours en annulation contre cette décision du ministre du travail du 30 novembre 2017 devant le tribunal administratif de Melun lequel par jugement n° 1800729 du 22 novembre 2019, a annulé l'article 3 de cette décision qui autorisait le licenciement de M. C.... La société Circor Industria, et la ministre du travail par la voie de l'appel incident, relèvent appel de ce jugement.
2. Aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail : " Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ".
3. Il résulte de ces dispositions qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales. Dans le cas où des investigations complémentaires ont été diligentées par l'employeur, elles ne sont de nature à justifier un report du déclenchement de ce délai que si elles sont nécessaires à la connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés au salarié. Il appartient au juge administratif d'apprécier cette nécessité et, dans le cas où il estime ces investigations inutiles, de déclarer la poursuite pour motif disciplinaire prescrite.
4. Il ressort des pièces du dossier que la société Circor Industria a adressé à M. C... un courrier le 25 août 2016 dans lequel elle indique qu'elle " a constaté que [M. C... a] effacé sur son ordinateur professionnel l'ensemble des fichiers et courriels, ce qui engendre de très grandes difficultés pour assurer la continuité du service " et qui liste ensuite plusieurs catégories de fichiers auquel le conseil de ce dernier a répondu par courrier du 9 septembre 2016 envoyé en recommandé avec accusé de réception sans nier les faits mentionnés dans le courrier du 25 août 2016 mais en indiquant que son " client s'étonne des très grandes difficultés rencontrées par la société Circor pour assurer la continuité du service en ce qu'aucun des fichiers listés ne constitue un document officiel de la société " et lui a précisé que " ces données sont archivées dans le système informatique central, avec depuis quelques années un enregistrement dans l'ERP d'entreprise " GPIC " " et " que toutes ces données sont donc disponibles et extractibles auprès des personnes concernées ". Si la société Circor Industria justifie ainsi qu'elle avait besoin d'un minimum de temps pour essayer de récupérer lesdits fichiers selon les modalités que lui indiquait M. C... dans le courrier précité, elle n'apporte néanmoins pas d'élément probant tendant à établir qu'il lui aurait été nécessaire, après avoir constaté qu'il lui était en réalité impossible de récupérer les fichiers, contrairement aux allégations contenues dans ce courrier du conseil de M. C..., d'attendre jusqu'au 22 décembre 2016 pour procéder à des investigations complémentaires menées par l'intermédiaire d'un huissier de justice assisté d'un informaticien. Il ressort ainsi des pièces du dossier, et dès lors notamment que l'intéressé ne niait pas, dans le courrier 9 septembre 2016, les effacements de fichiers et de courriels impactant le bon fonctionnement et la continuité du service de la société, que cette dernière doit être regardée comme ayant eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés à M. C... qui ont fondé l'engagement de la procédure de licenciement à son encontre au plus tard à la fin du mois d'octobre 2016. Il s'en suit que la procédure de licenciement engagée à l'encontre de M. C... a été déclenchée au-delà du délai de deux mois prévu par l'article
L. 1332-4 du code du travail précité par le courrier du 24 janvier 2017 de convocation à l'entretien préalable au licenciement. Par suite, comme l'ont jugé à bon droit les premiers juges, à la date du
24 janvier 2017, date d'envoi du courrier de convocation à l'entretien préalable, les faits sur lesquels était fondée la procédure disciplinaire étaient prescrits et ne pouvaient plus donner lieu à eux seuls à l'engagement de telles poursuites.
5. Les faits étant prescrits, les moyens d'appel de la société Circor Industria et par voie d'appel incident du ministre du travail sont insusceptibles d'avoir une incidence sur le bien-fondé du jugement contesté. La société Circor Industria et le ministre du travail ne sont, par suite, pas fondés à demander l'annulation du jugement n°1800729 du 22 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Melun a annulé la décision du ministre du travail du 30 novembre 2017 ayant autorisé le licenciement de M. C....
Sur les frais relatifs à l'instance :
6. Les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. C..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à la société Circor Industria la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la société Circor Industria par application des mêmes dispositions, à verser à M. C... la somme qu'il demande, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Circor Industria, et les conclusions présentées par voie d'appel incident par la ministre du travail sont rejetées.
Article 2 : Les conclusions de M. C... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Circor Industria, au ministre du travail et à M. G... C....
Délibéré après l'audience du 28 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, président de chambre,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme F..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 février 2021.
La présidente de la 8ème chambre,
H. VINOT
La République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA00189