Par une lettre enregistrée le 26 novembre 2019, la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française a informé la Cour que l'arrêt du 31 décembre 2015 n'est toujours pas exécuté et persiste dans sa demande.
Par une ordonnance en date du 14 février 2020, le président de la Cour a décidé l'ouverture d'une procédure juridictionnelle pour l'instruction de la demande d'exécution présentée par la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française tendant à obtenir l'exécution de l'arrêt de la Cour n° 12PA00933 du 31 décembre 2015.
Par un mémoire enregistré le 5 mars 2020, la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française, représentée par la SCP Baraduc-Duhamel-Rameix, demande à la Cour :
1°) de condamner le centre hospitalier de la Polynésie française à lui verser la somme due au principal en exécution de l'article 5 de l'arrêt du 31 décembre 2015 ;
2°) d'assortir cette somme des intérêts au taux majoré en application de l'article
L. 313-3 du code monétaire et financier à compter du 12 avril 2018 et de la capitalisation des intérêts à compter du 13 avril 2019 ;
3°) de prononcer une astreinte à l'encontre du centre hospitalier de la Polynésie française dont le taux est fixé à 125 euros (15 000 F CFP) par jour à compter de l'expiration du délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de la Polynésie française le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- en exécution de l'article 5 de l'arrêt de la Cour, le centre hospitalier est redevable de la somme de 196 994,17 euros (23 621 705 F CFP) correspondant aux prestations complémentaires et définitives versées pour le compte de M. A... ;
- l'annulation par le tribunal administratif de la Polynésie Française de l'arrêté du
20 octobre 2017 par un jugement du 26 mars 2019 est sans incidence sur l'obligation mise à la charge du centre hospitalier d'exécuter la chose jugée par l'arrêt du 31 décembre 2015 ; en tout état de cause, les débours se fondent sur la délibération n°09/2016/CHPF du 15 mars 2016 proposant les tarifs applicables pour l'exercice 2016 rendue exécutoire par l'arrêté n°490 du conseil des ministres du 25 avril 2016.
Par un courrier du 22 janvier 2021, les parties ont été informées que la Cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions présentées par la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française tendant à ce que la somme dont elle demande le versement par le centre hospitalier de la Polynésie française en remboursement de ses débours en exécution de l'article 5 de l'arrêt n° 12PA00933 de la Cour du 31 décembre 2015 soit augmentée des intérêts au taux majoré à compter du 12 avril 2018 en application de l'article L. 313-1 du code monétaire et financier, les intérêts étant capitalisés pour produire eux-mêmes des intérêts, résultant de ce qu'elles soulèvent un litige distinct dont il n'appartient pas au juge de l'exécution de connaître.
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de la santé publique ;
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, modifiée ;
- la loi n° 2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française ;
- la délibération n° 74-22 AT du 14 février 1974 instituant un régime d'assurance maladie invalidité au profit des travailleurs salariés modifiée, notamment ses articles 42 et
42-1 ;
- l'arrêté n° 490 CM du 25 avril 2016 ;
- le code de justice administrative ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les observations de Mme Bernard, rapporteur public,
- et les observations de Me Hattat, avocat de la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander à la juridiction, une fois la décision rendue, d'en assurer l'exécution. Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte. ". Aux termes de l'article L.911-6 du même code : " L'astreinte est provisoire ou définitive. Elle doit être considérée comme provisoire à moins que la juridiction n'ait précisé son caractère définitif. Elle est indépendante des dommages et intérêts. "
2. L'exécution de l'arrêt n° 12PA00933 du 31 décembre 2015 de la Cour comportait nécessairement pour le centre hospitalier de la Polynésie française l'obligation de rembourser à la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française, au terme de chaque année écoulée à compter de la date de lecture de l'arrêt, les débours justifiés qu'elle a engagés au profit de M. A..., correspondant aux soins et aux matériels définis au point 21 de l'arrêt et aux soins médicaux, infirmiers, aux frais pharmaceutiques et au matériel médical et paramédical qui ont été exposés du fait du préjudice résultant de la faute commise par le centre hospitalier de la Polynésie française.
3. Il résulte de l'instruction que, par une demande en date du 12 avril 2018, la caisse de prévoyance de la Polynésie française a sollicité du centre hospitalier de la Polynésie française le versement de la somme de 196 994,17 euros (23 621 705 F CFP ) au titre des débours qu'elle a engagés au profit de M. A... pour la période comprise entre la date de lecture de l'arrêt du 31 décembre 2015 et le décès de ce dernier survenu le 29 mai 2016 qui se décomposent en frais médicaux, frais d'hospitalisation, frais d'analyse, frais de séjour, frais d'appareillage et de prothèse et frais de pharmacie. Par une décision du 13 juin 2018, le centre hospitalier de la Polynésie française a refusé de verser la somme sollicitée par la caisse de prévoyance de la Polynésie française au motif que M. A... relevait du régime des non salariés pour lequel aucun " tarif CPS " n'est défini. Il soutient en outre devant la Cour que les tarifs d'hospitalisation pratiqués par la caisse de prévoyance de la Polynésie française sont fondés sur l'arrêté n° 1894 CM du 20 octobre 2017 relatif aux règles applicables aux montants des prestations au titre des différents régimes de protection sociale dans le cadre du recours contre tiers de la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française qui est entaché d'illégalité comme l'a jugé le tribunal administratif de la Polynésie française.
4. Toutefois, d'une part, la circonstance que M. A... relevait du régime des non salariés ne serait constituer un obstacle à l'exécution de l'arrêt portant condamnation du centre hospitalier de la Polynésie française à rembourser à la caisse de prévoyance de la Polynésie française les débours engagés pour M. A..., postérieurement à la date de lecture de cet arrêt, du fait du dommage subi par celui-ci résultant de la faute commise lors de sa prise en charge par le centre hospitalier. D'autre part, la caisse de prévoyance de la Polynésie française soutient sans être contredite que pour fixer le montant de ses débours découlant de la prise en charge de M. A... par le centre hospitalier, elle s'est fondée sur la délibération
n° 09/2016/CHPF du 15 mars 2016, rendue exécutoire par l'arrêté n° 490 CM du 25 avril 2016, fixant les tarifs applicables par le centre hospitalier au titre de l'année 2016. Il résulte de l'instruction que l'arrêté n° 1894 CM du 20 octobre 2017, qui par ailleurs a été édicté postérieurement aux frais engagés par la caisse pour le compte de M. A..., ne fixait pas les tarifs ou les éléments de calcul des tarifs des prestations de soins dispensés dans les établissements publics et privés de santé, mais était relatif à l'organisation du recours des tiers payeurs contre le tiers responsable du dommage, en alignant le montant des prestations à récupérer par la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française auprès du tiers responsable relevant d'un des régimes régis par la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française (RGS, RNS, RSPF) sur celui du tiers responsable relevant d'un régime de sécurité sociale. Dès lors, et contrairement à ce qui est soutenu par le centre hospitalier, la caisse de prévoyance de la Polynésie française ne pouvait ainsi s'être fondée sur cet arrêté pour établir le montant de ses débours. Le centre hospitalier n'apporte ainsi aucun élément de nature à remettre en cause le montant des débours sollicité par la caisse ni l'imputabilité de ces débours au dommage subi par M. A... du fait de sa prise en charge fautive par les médecins du centre hospitalier de Polynésie française.
5. Il résulte de ce qui précède qu'aucune circonstance de droit ou de fait ne rendait impossible l'exécution de l'article 5 de l'arrêt de la Cour du 31 décembre 2015. Or il résulte de l'instruction qu'à la date du présent arrêt, le centre hospitalier de la Polynésie française n'a pas pris les mesures propres à en assurer l'exécution. Il y a lieu par suite, dans les circonstances de l'affaire, de prononcer contre le centre hospitalier de la Polynésie française, à défaut pour lui de justifier de cette exécution dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, une astreinte de 50 euros par jour jusqu'à la date à laquelle l'arrêt aura reçu exécution.
Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts demandés par la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française :
6. La caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française demande à la Cour d'assortir la somme de 196 994,17 euros, que le centre hospitalier de la Polynésie française doit lui verser en exécution de l'article 5 de l'arrêt du 31 décembre 2015, des intérêts au taux majoré en application de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier à compter du
12 avril 2018 et de la capitalisation des intérêts à compter du 13 avril 2019. Toutefois, cette demande relève d'un litige distinct de celui portant sur l'exécution de l'article 5 de l'arrêt du 31 décembre 2015, qui ne prévoit pas le versement des intérêts et de leur capitalisation à compter respectivement du 12 avril 2018 et du 13 avril 2019. Par suite, cette demande ne peut qu'être rejetée.
Sur les frais liés à l'instance :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de la Polynésie française le paiement à la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française de la somme de 1 500 euros au titre des frais liés à l'instance en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Il est enjoint au centre hospitalier de la Polynésie française de procéder, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, au versement à la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française de la somme de 197 045,56 euros (23 621 705 F CFP) correspondant à ses débours pour la période comprise entre le 31 décembre 2015, date de lecture de l'arrêt n° 12PA00933 de la Cour, et le décès de M. A... survenu le 29 mai 2016, sous peine d'astreinte de 50 euros par jour de retard jusqu'à la date à laquelle cet arrêt aura reçu exécution. Le centre hospitalier de la Polynésie française tiendra le greffe de la cour (service de l'exécution) immédiatement informé des dispositions prises pour répondre à cette injonction.
Article 2 : Le centre hospitalier de la Polynésie française versera à la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande de la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française et au centre hospitalier de la Polynésie française.
Délibéré après l'audience du 28 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, président de chambre,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme B..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 février 2021.
La présidente de la 8ème chambre,
H. VINOTLa République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA00577