Par une ordonnance n° 437819 du 31 janvier 2020, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a décidé d'attribuer à la Cour les conclusions de la requête de Mme E... D... dirigées contre ce jugement.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 20 janvier 2020, Mme D..., représentée par Me Askarov, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1804752-6 du 12 novembre 2019 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler l'arrêté du 14 mai 2019 du préfet du Val-de-Marne ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ou, à titre subsidiaire, un titre de séjour mention " vie privée et familiale ", et dans l'attente lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dès la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 650 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'un vice de procédure pour défaut de saisine de la commission du titre de séjour, en méconnaissance des dispositions des articles L. 313-14 alinéa 2 et L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle réside en France depuis plus de dix ans ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu de la durée et des conditions de son séjour en France ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Hamon a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E... D..., ressortissante de nationalité ukrainienne née le 7 décembre 1977, est entrée régulièrement en France sous couvert d'un visa touristique en octobre 2006. Elle a sollicité le 23 novembre 2017 auprès des services préfectoraux du Val-de-Marne la régularisation de sa situation administrative, en application des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Après que le silence gardé pendant plus de quatre mois eut fait naître à son encontre une décision implicite de rejet, par un arrêté du 14 mai 2019, le préfet du Val-de-Marne lui a refusé un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme D... fait appel du jugement du 12 novembre 2019 du Tribunal administratif de Melun en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 14 mai 2019.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 313-14° du CESEDA : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...). ". Aux termes de l'article L. 312-1 du même code : " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...). ".
3. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de celles produites en appel, que pour chacune des dix années précédant la décision attaquée du 14 mai 2019, soit à compter de 2009, Mme D... justifie suffisamment, par la diversité et le nombre des justificatifs qu'elle produit, qui émanent de plusieurs administrations différentes, d'associations, d'employeurs, de bailleurs et de médecins, qu'elle résidait habituellement sur le territoire français. Par suite, la requérante est fondée à soutenir que la décision attaquée a été prise en méconnaissance de l'obligation de soumettre sa demande pour avis à la commission du titre de séjour, et que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ainsi que, par voie de conséquence, des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination pour son éventuel éloignement.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
4. La présente décision implique nécessairement que le préfet saisisse la commission du titre de séjour de la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par Mme D.... Il y a lieu, en l'espèce, pour la Cour, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne, même sans être saisi d'une demande en ce sens, la saisine de cette commission dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés à l'instance :
5. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le versement à Mme D... de la somme de 650 euros qu'elle demande.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1804752-6 du 12 novembre 2019 du Tribunal administratif de Melun et l'arrêté du 14 mai 2019 du préfet du Val-de-Marne sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Val-de-Marne de saisir la commission du titre de séjour de la demande de Mme C... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mme C... une somme de 650 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C... est rejeté.
Article 5 Le présent arrêt sera notifié à Mme E... D..., au préfet du Val-de-Marne et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 26 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- Mme Hamon, président assesseur,
- M. Segretain, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 février 2021.
Le rapporteur,
P. HamonLe président,
C. JARDIN
Le greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20PA00635 2