Par une décision du 27 novembre 2018, la commission départementale d'aide sociale de la Charente-Maritime a admis sa demande à compter du 8 décembre 2016 seulement.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 4 février et 26 août 2019 et le 29 juillet 2020, l'ADPP de l'association ADEI de la Charente-Maritime agissant au nom de Mme A... sous tutelle, demande à la Cour :
1°) d'annuler la décision du 27 novembre 2018 de la commission départementale d'aide sociale de la Charente-Maritime en tant qu'elle admet Mme A... au bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement uniquement à compter du 8 décembre 2016 ;
2°) d'annuler la décision du 20 septembre 2018 en tant que le conseil départemental de la Charente-Maritime a refusé l'admission de Mme A... au bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement du 1er février 2016 jusqu'au 7 décembre 2016 ;
3°) d'enjoindre au département de la Charente-Maritime de prendre en charge ses frais d'hébergement à compter du 1er février 2016.
Elle soutient que :
- les ressources disponibles de Mme A... ont été utilisées pour financer ses frais d'hébergement jusqu'au 31 janvier 2016 et épuisées avant de formuler une demande d'aide sociale pour la prise en charge de ses frais ;
- sa première demande d'aide sociale a été déposée par le représentant légal le 4 septembre 2015 soit 4 mois avant l'épuisement des ressources disponibles de l'intéressée et la circonstance qu'elle n'ait été renvoyée que le 8 décembre 2016 par le département de l'Isère ne relève pas de sa responsabilité ;
- son domicile de secours est juridiquement établi dans le département de la Charente-Maritime.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 puis de nouveau le 23 août 2019, le département de la Charente-Maritime, représenté par son président, conclut au rejet de la requête, à la confirmation de la décision de la commission départementale d'aide sociale de la Charente-Maritime du 27 novembre 2018 et demande à la Cour de bien vouloir statuer sur la détermination du domicile de secours de Mme A....
Il soutient qu'entre l'année 1983 au cours de laquelle elle s'est séparée de son époux et la date du 1er août 1998 à laquelle elle est entrée au foyer Adoma de Grenoble, Mme A... était sans domicile fixe et a perdu son domicile de secours par une absence ininterrompue de 3 mois du département de la Charente-Maritime, et qu'ainsi la prise en charge de ses frais d'hébergement aurait dû incomber à l'État.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 ;
- le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... est hébergée depuis le 24 septembre 2012 au sein de l'unité de soins de longue durée Fief de la Mare à la Rochelle. L'action d'aide aux personnes protégées (ADPP) de l'association " Accompagner Développer Eduquer Insérer " (ADEI) de la Charente-Maritime agissant en son nom en tant que tutrice, a demandé une prise en charge au titre de l'aide sociale à l'hébergement de Mme A... le 4 septembre 2015 auprès du centre communal d'action sociale de la Rochelle, qui a décliné sa compétence et lui a retourné le dossier au motif que le domicile de secours de Mme A... est sur Grenoble. Par courrier du 2 octobre 2015, l'ADPP a renvoyé son dossier au centre communal d'action sociale de Grenoble qui l'a transmis le 24 novembre 2016 au conseil départemental de la Charente-Maritime au motif que le foyer ADOMA où résidait l'intéressée à Grenoble n'était pas acquisitif de domicile de secours et que la dernière adresse connue de l'intéressée était dans le département de la Charente-Maritime qui a accusé réception de ce dossier de demande d'aide sociale le 8 décembre 2016. Par décision du 20 septembre 2018, le conseil départemental de la Charente-Maritime a accepté l'admission de Mme A... au bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement à compter du 29 juin 2017. Par une décision du 27 novembre 2018, la commission départementale d'aide sociale de la Charente-Maritime a admis le recours formé par ADPP contre cette décision et a prononcé la prise en charge au titre de l'aide sociale d'hébergement de Mme A... à compter du 8 décembre 2016. L'ADPP relève appel de cette décision en tant qu'elle n'a pas accueilli la demande de Mme A... tendant au bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement du 1er février 2016 jusqu'au 7 décembre 2016.
Sur le bien-fondé de la demande d'aide sociale à l'hébergement, et sur la charge des sommes versées au titre de l'aide sociale :
2. Aux termes de l'article L. 122-1 du code de l'action sociale et des familles : " Les dépenses d'aide sociale prévues à l'article L. 121-1 sont à la charge du département dans lequel les bénéficiaires ont leur domicile de secours. / A défaut de domicile de secours, ces dépenses incombent au département où réside l'intéressé au moment de la demande d'admission à l'aide sociale ". Selon l'article L. 122-2 du même code, " Nonobstant les dispositions des articles 102 à 111 du code civil, le domicile de secours s'acquiert par une résidence habituelle de trois mois dans un département postérieurement à la majorité ou à l'émancipation, sauf pour les personnes admises dans des établissements sanitaires ou sociaux, ou accueillies habituellement, à titre onéreux ou au titre de l'aide sociale au domicile d'un particulier agréé ou faisant l'objet d'un placement familial en application des articles L. 441-1, L. 442-1 et L. 442-3, qui conservent le domicile de secours qu'elles avaient acquis avant leur entrée dans l'établissement et avant le début de leur séjour chez un particulier. Le séjour dans ces établissements ou au domicile d'un particulier agréé ou dans un placement familial est sans effet sur le domicile de secours (...) ". En application de l'article L. 122-3 du même code : " Le domicile de secours se perd : 1° Par une absence ininterrompue de trois mois postérieurement à la majorité ou à l'émancipation, sauf si celle-ci est motivée par un séjour dans un établissement sanitaire ou social ou au domicile d'un particulier agréé ou dans un placement familial, organisé en application des articles L. 441-1, L. 442-1 et L. 442-3 précités ; / 2° Par l'acquisition d'un autre domicile de secours. / Si l'absence résulte de circonstances excluant toute liberté de choix du lieu de séjour ou d'un traitement dans un établissement de santé situé hors du département où réside habituellement le bénéficiaire de l'aide sociale, le délai de trois mois ne commence à courir que du jour où ces circonstances n'existent plus ". Selon l'article L. 122-4 du même code : " Lorsqu'il estime que le demandeur a son domicile de secours dans un autre département, le président du conseil départemental doit, dans le délai d'un mois après le dépôt de la demande, transmettre le dossier au président du conseil départemental du département concerné. Celui-ci doit, dans le mois qui suit, se prononcer sur sa compétence. Si ce dernier n'admet pas sa compétence, il transmet le dossier à la commission centrale d'aide sociale mentionnée à l'article L. 134-2. / Lorsque la situation du demandeur exige une décision immédiate, le président du conseil départemental prend ou fait prendre la décision. Si, ultérieurement, l'examen au fond du dossier fait apparaître que le domicile de secours du bénéficiaire se trouve dans un autre département, elle doit être notifiée au service de l'aide sociale de cette dernière collectivité dans un délai de deux mois. Si cette notification n'est pas faite dans les délais requis, les frais engagés restent à la charge du département où l'admission a été prononcée. / Les règles fixées aux articles L. 111-3, L. 122-1, L. 122-3 et au présent article ne font pas obstacle à ce que, par convention, plusieurs départements, ou l'Etat et un ou plusieurs départements décident d'une répartition des dépenses d'aide sociale différente de celle qui résulterait de l'application desdites règles ".
3. D'une part, il résulte de l'instruction qu'à la date de sa première demande d'admission à l'aide sociale, le 4 septembre 2015, Mme A... avait résidé plus de trois mois dans un foyer ADOMA situé dans le département de l'Isère et devait ainsi être regardée comme ayant acquis dans ce département un domicile de secours dès lors que ledit foyer n'est pas au nombre des établissements sanitaires ou sociaux au sens de l'article L. 122-3 du code de l'action sociale et des familles empêchant l'acquisition d'un domicile de secours. Si elle a, ensuite, été hébergée depuis le 24 septembre 2012 au sein de l'unité de soins de longue durée Fief de la Mare à la Rochelle, il résulte de l'instruction qu'il s'agit d'un établissement sanitaire ou social ne permettant pas l'acquisition d'un domicile de secours au sens de l'article L. 122-3 du code de l'action sociale et des familles. Toutefois, le département de la Charente-Maritime, qui n'a pas respecté les délais fixés à l'article L. 122-4 du même code pour contester sa compétence, n'invoque aucune disposition légale ou réglementaire ni aucun principe général du droit en application duquel les frais engagés au titre de l'aide sociale à l'hébergement ne devraient pas rester à sa charge.
4. Dès lors, le département de la Charente-Maritime n'est pas fondé à demander à la Cour de statuer sur la détermination du domicile de secours de Mme A.... Par suite, et pour le même motif, les conclusions du département de la Charente-Maritime tendant à ce que la Cour ordonne la prise en charge des frais d'hébergement de l'intéressée par l'État doivent être rejetées.
5. D'autre part, il résulte de l'instruction que Mme A... a présenté sa première demande d'aide sociale le 4 septembre 2015, soit 4 mois avant l'épuisement de ses ressources disponibles qui est intervenu le 1er février 2016. Dans ces conditions, l'ADPP de l'association ADEI de la Charente-Maritime est fondée à soutenir qu'elle doit être admise au bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement à compter du 1er février 2016, sans que puissent lui être opposés les retards et la désorganisation des services départementaux concernés s'agissant de la prise en charge rétroactive de ses frais d'hébergement.
6. Il suit de là que l'ADPP de l'association ADEI de la Charente-Maritime agissant au nom de Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par la décision contestée du 27 novembre 2018, la commission départementale d'aide sociale de la Charente-Maritime n'a admis sa demande qu'à compter du 8 décembre 2016 et à demander l'annulation de la décision du 20 septembre 2018 en tant que le conseil départemental de la Charente-Maritime a refusé l'admission de Mme A... au bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement du 1er février 2016 au 7 décembre 2016.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. L'annulation des décisions contestées implique que les frais d'hébergement de Mme A... soient pris en charge par le département de la Charente-Maritime au titre de l'aide sociale à compter du 1er février 2016.
DÉCIDE :
Article 1er : Mme A... est admise au bénéfice de l'aide sociale pour la prise en charge de ses frais d'hébergement sur la période du 1er février 2016 au 7 décembre 2016.
Article 2 : L'article 2 de la décision du 27 novembre 2018 de la commission départementale d'aide sociale de la Charente-Maritime en tant qu'il prononce l'admission de Mme A... au bénéfice de l'aide sociale pour la prise en charge de ses frais d'hébergement uniquement à compter du 8 décembre 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.
Article 3 : Les conclusions du département de la Charente-Maritime sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'action d'aide aux personnes protégées de l'association " Accompagner Développer Eduquer Insérer " de la Charente-Maritime, au département de la Charente-Maritime et au ministre des solidarités et de la santé.
Copie du présent arrêt sera adressée au département de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 24 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, président de chambre,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme B..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 octobre 2020.
Le rapporteur,
A. B...Le président,
H. VINOT
Le greffier,
C. POVSELa République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
4
N° 19PA00658