Par un jugement n° 1912744/3-2 du 27 septembre 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 25 octobre 2019, et un mémoire en production de pièces, enregistré le 18 septembre 2020, Mme B..., représentée par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1912744/3-2 du 27 septembre 2019 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de police du 22 février 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir.
Elle soutient que :
S'agissant de la décision portant refus de séjour :
- la décision contestée est insuffisamment motivée ;
- la décision contestée méconnait les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle ne pourra pas bénéficier de façon effective d'un traitement approprié à son état de santé en cas de retour dans son pays d'origine ;
- la décision contestée méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle justifie d'une présence en France depuis 2012 et qu'elle y a établi son centre de vie affective ;
- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle de son état de santé et de sa vie privée et familiale.
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la décision contestée est insuffisamment motivée ;
- la décision contestée est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;
- la décision contestée méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le préfet ne peut prendre à l'encontre d'un étranger qui peut prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour, une obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juin 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 décembre 2019 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris.
Un mémoire en production de pièces a été produit pour Mme B... le 21 septembre 2020, soit après la clôture de l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante malienne, né le 26 juillet 1967 à Bamako et entrée en France en 2012 selon ses déclarations, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 22 février 2019, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays à destination duquel elle sera éloignée. Mme B... relève appel du jugement du 27 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les moyens communs aux décisions portant refus de séjour et portant obligation de quitter le territoire français :
2. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". De même, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée ".
3. Il ressort des termes de ces décisions que le préfet de police a visé la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8, et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en particulier les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 sur le fondement desquelles Mme B... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Il s'est référé à l'avis du 7 septembre 2018 du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dont il s'est approprié les motifs et a indiqué les raisons pour lesquelles il a considéré que Mme B... ne remplissait pas les conditions pour obtenir la carte de séjour temporaire qu'elle sollicitait. Il a également exposé des motifs suffisants sur la situation personnelle et familiale de l'intéressée en relevant qu'elle déclare résider sur le territoire français depuis 2012, qu'elle est célibataire et sans charge de famille en France, qu'elle n'était pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où réside sa mère et que rien ne s'opposait à ce qu'elle soit obligée de quitter le territoire français dans le délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêté. Ainsi, le préfet de police a suffisamment énoncé les considérations de droit et de fait fondant sa décision de refus de titre de séjour, et a respecté les exigences de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. De même, en application du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité, la décision par laquelle le préfet de police a obligé Mme B... à quitter le territoire français, qui vise ces dispositions, n'avait pas à faire l'objet d'une motivation particulière dès lors que la décision de refus de séjour était elle-même suffisamment motivée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation des décisions contestées doit être écarté.
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après un avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat ".
5. Il ressort des pièces du dossier, et notamment d'un rapport médical établi par un médecin du service endocrinologie, diabétologie et maladies métaboliques de l'hôpital Avicenne, que Mme B... souffre d'un diabète insulino-dépendant de type 2, compliqué d'une neuropathie sensitive périphérique des quatre membres et d'une discrète athérosclérose des troncs supra-aortiques et des membres inférieurs. Pour refuser la délivrance d'un titre de séjour, le préfet de police s'est notamment fondé sur l'avis du 7 septembre 2018 du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui précise que si l'état de santé de Mme B... nécessite une prise en charge dont le défaut peut entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressée peut bénéficier effectivement, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé au Mali, d'un traitement approprié dans son pays d'origine, et que son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque.
6. Mme B... ne conteste pas devant la Cour que les soins médicaux adaptés à son état de santé sont disponibles au Mali, mais soutient qu'elle ne pourra bénéficier effectivement de ces soins en cas de retour dans son pays d'origine compte-tenu du coût de ce traitement et de la faiblesse de ses ressources. Les certificats médicaux dont se prévaut la requérante, en date des 3 et 25 juin, et 14 août 2019, au demeurant postérieurs à l'arrêté attaqué, indiquent que Mme B... souffre d'un diabète traité par insuline et que pour des raisons économiques, ce traitement ne lui serait pas accessible dans son pays d'origine. Toutefois, ces certificats médicaux, de même que l'article tiré de la revue d'épidémiologie et de santé publique versé au dossier faisant état du caractère onéreux du traitement du diabète au Mali, rédigés en des termes très généraux, ne sont pas de nature à remettre en cause l'avis médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration en l'absence de tout élément relatif aux ressources de Mme B... ou à celles de sa famille au Mali. Dans ces conditions, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le préfet de police aurait méconnu les dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
8. Mme B..., qui se prévaut d'une présence sur le territoire français depuis 2012, fait valoir qu'elle a établi son centre de vie affective en France. Toutefois, les éléments versés au dossier ne permettent pas d'établir une telle ancienneté. De plus, Mme B..., qui est sans emploi, célibataire et sans charge de famille en France, n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, le Mali, pays où elle a vécu jusqu'à l'âge de 44 ans, dès lors que sa mère y réside. En outre, l'intéressée, par la seule production d'une attestation peu circonstanciée d'un frère ainsi que des titres de séjours de son frère et de ses neveux et nièces, ne démontre pas la réalité et l'intensité des liens familiaux qu'elle soutient entretenir en France. Dans ces conditions, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision de refus de séjour porterait une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale. Les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent, par conséquent, être écartés.
9. En troisième lieu, pour les motifs exposés aux points 6 et 8 du présent arrêt, et en l'absence de tout autre argument avancé par Mme B..., celle-ci n'est pas fondée à soutenir que le préfet de police aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision de refus de séjour sur sa situation personnelle.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, la décision portant refus de séjour n'étant entachée d'aucune des illégalités alléguées, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, invoqué au soutien des conclusions en annulation dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, doit être écarté.
11. En deuxième lieu, si Mme B... entend soulever, compte tenu de son état de santé, le moyen tiré de la méconnaissance des décisions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il n'est pas établi, comme il a été dit ci-dessus, qu'elle ne pourrait pas bénéficier de manière effective d'un traitement approprié dans son pays d'origine, le Mali. Dans ces conditions, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le préfet de police lui aurait fait obligation de quitter le territoire français.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 24 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, président de chambre,
- M. A..., président assesseur,
- Mme Collet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 octobre 2020.
Le rapporteur,
I. A...Le président,
H. VINOT
Le greffier,
C. POVSELa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA03391