Par une décision du 18 octobre 2018, la commission départementale d'aide sociale de la Dordogne a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, un mémoire et des pièces, enregistrées les 7 janvier 2019, 12 mai 2020 et 6 juillet 2020, l'EHPAD de Cadouin, représenté par sa directrice, agissant au nom de Mme B... demande à la Cour :
1°) d'annuler la décision du 18 octobre 2018 de la commission départementale d'aide sociale de la Dordogne rejetant le recours formé contre la décision du 12 juin 2018 du conseil départemental de la Dordogne refusant le renouvellement de la demande d'admission de Mme B... au bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement avec effet rétroactif au 1er janvier 2018 ;
2°) d'annuler la décision du 12 juin 2018 du conseil départemental de la Dordogne refusant le renouvellement de la demande d'admission de Mme B... au bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement avec effet rétroactif au 1er janvier 2018 ;
3°) de prononcer la prise en charge des frais d'hébergement au titre de l'aide sociale de Mme B... avec effet rétroactif au 1er janvier 2018.
Il soutient que le président du conseil départemental de la Dordogne ne pouvait refuser à Mme B... le renouvellement du bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement au motif que " les éléments relatifs à la situation des obligés alimentaires n'ayant pas été communiqués, l'intéressée n'a pas fait preuve de son état de besoin ".
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 avril 2019, le département de la Dordogne, représenté par son président, conclut au rejet de la requête et à la confirmation de la décision de la commission départementale d'aide sociale de la Dordogne du 18 octobre 2018.
Il soutient qu'en l'absence de réponse de deux des trois obligés alimentaires de Mme B... et de l'absence d'informations communiquées par les services fiscaux concernant ces derniers, il ne pouvait que rejeter la demande de renouvellement d'aide sociale de Mme B....
Par une ordonnance en date du 3 décembre 2019, le président de la chambre sociale de la Cour d'appel de Bordeaux a transmis le jugement de la requête de l'EHPAD de Cadouin agissant au nom de Mme D... B... à la Cour administrative d'appel de Paris.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 ;
- le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les conclusions de Mme E..., rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... est hébergée depuis le 17 mai 2010 au sein de l'EHPAD de Cadouin. Ce dernier agissant en son nom en tant que tuteur a demandé au département de la Dordogne le renouvellement de la prise en charge au titre de l'aide sociale des frais de séjour de l'intéressée. Une décision de rejet lui a été opposée le 12 juin 2018. Par une décision du 18 octobre 2018, dont l'EHPAD de Cadouin relève appel, la commission départementale d'aide sociale de la Dordogne a rejeté le recours formé par l'EHPAD de Cadouin contre la décision du 12 juin 2018 du conseil départemental de la Dordogne refusant l'admission de Mme B... au bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement au motif que " les éléments relatifs à la situation des obligés alimentaires n'ayant pas été communiqués, l'intéressée n'a pas fait preuve de son état de besoin ".
Sur le bien-fondé de la demande d'aide sociale à l'hébergement :
2. Aux termes de l'article 205 du code civil : " Les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin ". L'article 208 du même code précise que : " Les aliments ne sont accordés que dans la proportion du besoin de celui qui les réclame, et de la fortune de celui qui les doit ". Aux termes de l'article L. 132-6 du code de l'action sociale et des familles : " Les personnes tenues à l'obligation alimentaire instituée par les articles 205 et suivants du code civil sont, à l'occasion de toute demande d'aide sociale, invitées à indiquer l'aide qu'elles peuvent allouer aux postulants et à apporter, le cas échéant, la preuve de leur impossibilité de couvrir la totalité des frais. / (...) / (...) / La proportion de l'aide consentie par les collectivités publiques est fixée en tenant compte du montant de la participation éventuelle des personnes restant tenues à l'obligation alimentaire. La décision peut être révisée (...). ". Aux termes de l'article L. 132-7 du même code : " En cas de carence de l'intéressé, le représentant de l'Etat ou le président du conseil général peut demander en son lieu et place à l'autorité judiciaire la fixation de la dette alimentaire et le versement de son montant, selon le cas, à l'Etat ou au département qui le reverse au bénéficiaire, augmenté le cas échéant de la quote-part d'aide sociale ".
3. En application de ces dispositions, il appartient au département de fixer la contribution des obligés alimentaires aux frais d'hébergement du postulant à l'aide alimentaire pour vérifier si leur participation, ajoutée aux ressources propres du postulant, permet de couvrir ses frais d'hébergement. En application de ces mêmes dispositions il appartient également au département, en cas de carence du postulant alimentaire à saisir l'autorité judiciaire malgré la défaillance d'un ou de plusieurs de ses obligés alimentaires à faire connaître le montant de l'aide qu'il peut lui allouer, de saisir lui-même l'autorité judiciaire en son lieu et place, pour obtenir la fixation de leur dette alimentaire et l'obligation au versement de son montant. Par ailleurs, il appartient au juge administratif, en sa qualité de juge de plein contentieux, de déterminer dans quelle mesure les frais d'hébergement des personnes âgées dans un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes sont pris en charge par les collectivités publiques au titre de l'aide sociale. Il a également compétence pour fixer, au préalable, le montant de la participation aux dépenses laissée à la charge du bénéficiaire de l'aide sociale et, le cas échéant, de ses débiteurs alimentaires. En revanche, il n'appartient qu'à l'autorité judiciaire d'assigner à chacune des personnes tenues à l'obligation alimentaire le montant et la date d'exigibilité de leur participation à ces dépenses. Dans le cas où cette autorité a, par une décision devenue définitive, statué avant que le juge de l'aide sociale ne se prononce sur le montant de la participation des obligés alimentaires, ce dernier est lié par la décision de l'autorité judiciaire.
4. D'une part, il résulte de l'instruction que le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Bergerac a, par jugement du 3 novembre 2011, fixé la contribution mensuelle aux frais d'hébergement de Mme B... due par chacun de ses trois obligés alimentaires à compter de la date du 20 avril 2011, à savoir 75 euros dus par Mme F... B..., 110 euros dus par M. E... B... et 55 euros dus par M. C... B....
5. Si le département de la Dordogne a considéré, en examinant la demande de renouvellement d'aide sociale dont il a été saisi, que la contribution précitée fixée par le juge aux affaires familiales de chacun des trois obligés alimentaires de Mme B... devait être réévaluée, il ne justifie pas avoir effectivement réévalué la contribution de l'ensemble des obligés alimentaires de Mme B... lors du dépôt de sa demande de renouvellement d'aide sociale. Ainsi le président du conseil départemental de la Dordogne a méconnu la combinaison des dispositions ci-dessus rappelées des articles L. 132-6 et L. 132-7 du code de l'action sociale et des familles en rejetant la demande d'aide sociale de Mme B... au motif que " les éléments relatifs à la situation des obligés alimentaires n'ayant pas été communiqués, l'intéressée n'a pas fait preuve de son état de besoin ", alors qu'il lui appartenait de fixer la contribution de l'ensemble des obligés alimentaires aux frais d'hébergement de cette dernière pour vérifier si leur participation, ajoutée à ses ressources propres, permettait de couvrir ses frais d'hébergement, ou à défaut et au besoin, en cas de carence de l'intéressée malgré celle de l'un ou plusieurs de ses obligés alimentaires à faire connaître le montant de l'aide qu'il peut lui allouer, de saisir l'autorité judiciaire pour obtenir la fixation de leur dette alimentaire et l'obligation au versement de son montant.
6. De même, la commission départementale d'aide sociale de la Dordogne a commis une erreur de droit en refusant l'admission de Mme B... au bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement au motif que " les obligés alimentaires n'ont pas fait connaître leur situation de ressources et de charges et les services fiscaux n'ont pas non plus répondu aux demandes faites en ce sens par le département ", alors qu'en vertu du principe énoncé au point 3 il lui appartenait de fixer le montant de la participation aux dépenses laissée à la charge du bénéficiaire de l'aide sociale et, le cas échéant, de ses débiteurs alimentaires.
7. D'autre part, il résulte de l'instruction que les frais d'hébergement de Mme B... qui s'élèvent à 1 801,97 euros par mois dans l'établissement précité ne sont pas couverts par ses ressources propres de 967,42 euros après déduction du minimum légal laissé à disposition soit 97 euros, augmentées des contributions dues par ses trois obligés alimentaires qu'il convient de fixer, en l'état de l'instruction et en l'absence de toute justification d'une nouvelle saisine de l'autorité judiciaire ou de tout autre élément probant, au total des montants de 75 euros, 110 euros et 55 euros au versement desquels les obligés alimentaires de Mme B... ont été contraints par le jugement du 3 novembre 2011 du juge aux affaires familiales, soit 240 euros. Dès lors, l'état de besoin de Mme B... pour régler ses frais d'hébergement est établi de sorte qu'il y a lieu de prononcer son admission à l'aide sociale à hauteur du déficit de ressources constaté par rapport à ces frais de placement.
8. Par suite, l'EHPAD de Cadouin agissant au nom de Mme B... est fondé à soutenir que cette dernière doit être admise à l'aide sociale à l'hébergement, à compter du 1er janvier 2018 et sous réserve d'un changement dans les circonstances de fait ou de droit s'agissant de la période postérieure à la date de notification du présent arrêt, et à demander pour ce motif l'annulation de la décision du 18 octobre 2018 de la commission départementale d'aide sociale de la Dordogne et de la décision du 12 juin 2018 du conseil départemental de la Dordogne refusant l'admission de Mme B... au bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement avec effet rétroactif au 1er janvier 2018.
9. Il y a lieu de renvoyer l'EHPAD de Cadouin agissant au nom de Mme B..., devant le président du conseil départemental de la Dordogne afin que ce dernier fixe le déficit constaté des ressources perçues par l'intéressée depuis le 1er janvier 2018, diminuées de la quote-part de 10 % fixée à l'article L. 132-3 du code de l'action sociale et des familles ainsi que des dépenses mises à sa charge par la loi et exclusives de tout choix de gestion, augmentées du montant total des participations des obligés alimentaires de l'intéressée telles que fixées par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Bergerac par jugement du 3 novembre 2011, ou le cas échéant de leur participation effective qui serait, le cas échéant, supérieure à ce montant, par rapport aux frais de son hébergement au sein de l'EHPAD de Cadouin et qu'il procède au paiement des sommes ainsi calculées.
DÉCIDE :
Article 1er : La décision du 18 octobre 2018 de la commission départementale d'aide sociale de la Dordogne et la décision du 12 juin 2018 du président du conseil départemental de la Dordogne rejetant la demande d'admission de Mme B... au bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement avec effet rétroactif au 1er janvier 2018 sont annulées.
Article 2 : Mme B... est admise au bénéfice de l'aide sociale pour la prise en charge de ses frais d'hébergement, à compter du 1er janvier 2018 et sous réserve d'un changement dans les circonstances de fait ou de droit s'agissant de la période postérieure à la date de notification du présent arrêt. L'EHPAD de Cadouin agissant au nom de Mme B... est renvoyée devant le président du conseil départemental de la Dordogne afin qu'il procède à la fixation et au paiement des sommes dues à ce titre.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'EHPAD de Cadouin, au département de la Dordogne et au ministre des solidarités et de la santé.
Délibéré après l'audience du 24 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, président de chambre,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme A..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 octobre 2020.
Le rapporteur,
A. A...Le président,
H. VINOT
Le greffier,
C. POVSE
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA00214