Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 3 janvier 2018 et 10 septembre 2018, Mme B... demande à la Cour :
1°) d'annuler la décision du 12 septembre 2017 de la commission départementale d'aide sociale de la Moselle ;
2°) d'annuler la décision du 24 mai 2017 du conseil départemental de la Moselle lui demandant de s'engager à verser la somme mensuelle de 270 euros au titre des frais d'hébergement de Mme A... ;
3°) de diminuer le montant de sa participation financière aux frais d'hébergement de sa mère, Mme A..., admise à l'aide sociale.
Elle soutient que le montant de sa contribution financière aux frais d'hébergement de sa mère, Mme A..., évalué à 270 euros par mois par le président du conseil départemental est trop élevé au regard de ses ressources et de ses charges.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 mai 2019, le président du conseil départemental de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que Mme A... est dans une situation de besoin ayant justifié l'octroi de l'aide sociale, qu'il appartient au département d'évaluer le montant de la participation laissée à la charge des débiteurs d'aliments du bénéficiaire, qu'il a fait une juste appréciation des possibilités contributives de Mme B... à laquelle il a adressé une proposition de répartition du montant de l'obligation alimentaire, et qu'à défaut d'entente amiable il appartient au juge aux affaires familiales de fixer la répartition de la dette alimentaire entre les débiteurs d'aliments.
Par un courrier du 17 septembre 2020, les parties ont été informées que la Cour était susceptible de relever d'office les moyens d'ordre public tirés de ce que :
- la commission départementale d'aide sociale de la Moselle du 12 septembre 2017 s'est méprise sur la portée du litige dont elle était saisie en omettant de statuer sur la demande de Mme B... tendant, d'une part, à l'annulation de la décision par laquelle le département de la Moselle lui a enjoint de lui renvoyer signé un " coupon-réponse " lui ouvrant pour seules options, soit de s'engager à verser la somme de 270 euros au titre des frais d'hébergement de sa mère chaque mois du 27 janvier 2017 au 31 décembre 2021, soit de s'engager conjointement avec les autres obligés alimentaires à payer ensemble la somme de 415 euros fixée par le département, soit de saisir la commission départementale d'aide sociale pour contester cette injonction et, d'autre part, à la diminution du montant de la somme au paiement de laquelle elle se trouvait ainsi contrainte ;
- le président du conseil départemental de la Moselle a méconnu le champ de sa compétence en assignant à Mme B... une participation financière aux frais d'hébergement de sa mère de 270 euros par mois à compter de la date de l'admission de cette dernière à l'aide sociale, sauf à ce qu'elle s'engage conjointement avec les autres obligés alimentaires à payer ensemble la somme de 415 euros à compter de la même date.
Par un mémoire en réponse aux moyens d'ordre public, enregistré le 18 septembre 2020, le président du conseil départemental de la Moselle maintient ses conclusions.
Il soutient, en outre, que :
- la commission départementale d'aide sociale ne s'est pas méprise sur la portée du litige ;
- il n'a pas méconnu le champ de sa compétence en faisant une proposition de répartition auprès des obligés alimentaires ; il a fixé la proportion de l'aide consentie par la collectivité publique en tenant compte du montant de la participation éventuelle des personnes tenues à l'obligation alimentaire, conformément à l'article L. 132-6 du code de l'action sociale et des familles ; à cette occasion il a estimé que les ressources de Mme B... lui permettent de participer à hauteur de 270 euros par mois ;
- Mme B... n'apporte aucun justificatif susceptible de modifier le montant global de l'obligation alimentaire ;
- il aurait pu, comme le prévoit l'article L. 132-7 du code de l'action sociale et des familles, saisir le juge aux affaires familiales ; cependant il s'agit d'une action subrogatoire intentée par le président du conseil départemental dans l'intérêt de l'assistée et non dans celui de la collectivité, il s'agit ainsi pour le département d'une simple faculté et non d'une obligation.
Par un arrêt en date du 18 février 2020, la chambre sociale de la Cour d'appel de Metz a transmis le jugement de la requête de Mme B... à la Cour administrative d'appel de Paris.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 ;
- le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., née en 1937, a été accueillie le 27 janvier 2017 au sein de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Saint Maurice à Moyeuvre Grande, puis au sein de l'EHPAD Les faubourgs de l'Orne à Grandrange à compter du 9 janvier 2018. Par une décision du 24 mai 2017, le président du conseil départemental de la Moselle a accordé à Mme A... l'aide sociale pour une prise en charge partielle de ses frais d'hébergement pour la période du 27 janvier 2017 au 31 décembre 2021 et a fixé le montant de la participation mensuelle laissée à la charge de l'ensemble de ses obligés alimentaires à 415 euros à compter du 27 janvier 2017. Le président du conseil départemental de la Moselle a adressé à Mme B..., un des quatre enfants de Mme A..., la copie de cette décision à laquelle était jointe un " coupon-réponse " qu'il lui a enjoint de lui renvoyer signé avant le 1er juillet 2017, dont les mentions pré-remplies ouvraient à la requérante trois options, c'est-à-dire soit celle de s'engager à verser une participation financière aux frais d'hébergement de sa mère fixée à 270 euros par mois pour la période comprise entre le 27 janvier 2017 et le 31 décembre 2021, soit de s'engager conjointement avec les autres obligés alimentaires à payer ensemble la somme de 415 euros fixée par le département, soit de saisir la commission départementale d'aide sociale. Mme B... a refusé de verser la participation financière de 270 euros demandée par le conseil départemental et a choisi la troisième option ouverte par le département, en saisissant ainsi la commission départementale d'aide sociale de la Moselle. Par une décision du 12 septembre 2017, la commission départementale d'aide sociale de la Moselle a rejeté son recours. Mme B... relève appel de cette décision.
2. Compte tenu des circonstances particulières rappelées au point 1 et des termes de sa requête, par laquelle Mme B... demande l'annulation de la décision du conseil départemental de la Moselle lui intimant de s'engager à participer à hauteur de 270 euros aux frais d'hébergement de sa mère, la requérante doit être regardée comme demandant l'annulation de la décision du 24 mai 2017, révélée par le " coupon-réponse " joint à la décision du même jour admettant partiellement Mme A... à l'aide sociale à l'hébergement pour personnes âgées, par laquelle le département de la Moselle lui a enjoint de lui renvoyer signé ce " coupon-réponse " lui ouvrant pour seules options, soit de s'engager à verser la somme de 270 euros au titre des frais d'hébergement de sa mère chaque mois du 27 janvier 2017 au 31 décembre 2021, soit de s'engager conjointement avec les autres obligés alimentaires à payer ensemble la somme de 415 euros fixée par le département, sauf à saisir la commission départementale d'aide sociale pour contester cette injonction.
Sur la régularité de la décision de la commission départementale d'aide sociale de la Moselle :
3. Il résulte de l'instruction, eu égard en particulier aux circonstances particulières rappelées au point 1 et aux termes de la demande de Mme B... présentée devant la commission départementale d'aide sociale de la Moselle, que la requérante entendait solliciter, d'une part, l'annulation de la décision du 24 mai 2017 du conseil départemental de la Moselle exigeant qu'elle s'engage à verser chaque mois la somme de 270 euros au titre de sa participation en sa qualité d'obligée alimentaire aux frais d'hébergement de sa mère, révélée par les mentions du " coupon-réponse " ci-dessus analysé, sauf à s'engager conjointement avec les autres obligés alimentaires à payer ensemble la somme de 415 euros fixée par le département ou à défaut à saisir la commission départementale d'aide sociale, et, d'autre part, la diminution du montant de la somme au paiement de laquelle le département entendait ainsi la contraindre. Il s'ensuit que la commission départementale d'aide sociale de la Moselle qui, dans sa décision du 12 septembre 2017, s'est bornée à confirmer la décision du président du conseil départemental de la Moselle ayant accordé à Mme A... l'aide sociale pour une prise en charge partielle de ses frais d'hébergement pour la période du 27 janvier 2017 au 31 décembre 2021 en fixant le montant de la participation mensuelle laissée à la charge de l'ensemble de ses obligés alimentaires à 415 euros, s'est méprise sur la portée du litige dont elle était saisie par Mme B.... Par suite, il y a lieu d'annuler la décision de la commission départementale d'aide sociale de la Moselle du 12 septembre 2017 et d'évoquer la demande.
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 24 mai 2017 du conseil départemental de la Moselle exigeant de Mme B... le versement de la somme de 270 euros au titre de sa participation en sa qualité d'obligé alimentaire aux frais d'hébergement de sa mère :
4. Aux termes de l'article 205 du code civil : " Les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin ". L'article 208 du même code précise que : " Les aliments ne sont accordés que dans la proportion du besoin de celui qui les réclame, et de la fortune de celui qui les doit ". Aux termes de l'article L. 132-6 du code de l'action sociale et des familles : " Les personnes tenues à l'obligation alimentaire instituée par les articles 205 et suivants du code civil sont, à l'occasion de toute demande d'aide sociale, invitées à indiquer l'aide qu'elles peuvent allouer aux postulants et à apporter, le cas échéant, la preuve de leur impossibilité de couvrir la totalité des frais. / (...) / (...) / La proportion de l'aide consentie par les collectivités publiques est fixée en tenant compte du montant de la participation éventuelle des personnes restant tenues à l'obligation alimentaire. La décision peut être révisée sur production par le bénéficiaire de l'aide sociale d'une décision judiciaire rejetant sa demande d'aliments ou limitant l'obligation alimentaire à une somme inférieure à celle qui avait été envisagée par l'organisme d'admission. La décision fait également l'objet d'une révision lorsque les débiteurs d'aliments ont été condamnés à verser des arrérages supérieurs à ceux qu'elle avait prévus. ". Et aux termes de l'article L. 132-7 du même code : " En cas de carence de l'intéressé, le représentant de l'Etat ou le président du conseil général peut demander en son lieu et place à l'autorité judiciaire la fixation de la dette alimentaire et le versement de son montant, selon le cas, à l'Etat ou au département qui le reverse au bénéficiaire, augmenté le cas échéant de la quote-part d'aide sociale ".
5. En application de ces dispositions, il n'appartient qu'à l'autorité judiciaire d'assigner à chacune des personnes tenues à l'obligation alimentaire le montant et la date d'exigibilité de leur participation à ces dépenses.
6. Par suite, s'il appartenait au conseil départemental de la Moselle de fixer le montant de la contribution des obligés alimentaires de Mme A... pour vérifier si leur participation, ajoutée aux ressources propres de l'intéressée, permettait de couvrir ses frais d'hébergement, il ne pouvait en revanche, sans méconnaître le champ de sa compétence, assigner à Mme B... une participation financière aux frais d'hébergement de sa mère à hauteur de 270 euros par mois à compter de la date de l'admission de cette dernière à l'aide sociale, sauf à ce qu'elle s'engage conjointement avec les autres obligés alimentaires à payer ensemble la somme de 415 euros à compter de la même date.
7. Il suit de là que Mme B... est fondée à demander l'annulation de la décision du 24 mai 2017, révélée par le " coupon-réponse " joint à la décision du même jour admettant partiellement Mme A... à l'aide sociale à l'hébergement pour personnes âgées et évaluant à la somme globale de 415 euros la participation mensuelle laissée à la charge de l'ensemble des obligés alimentaires de Mme A..., par laquelle le conseil départemental de la Moselle a enjoint à la requérante de s'engager à verser chaque mois la somme de 270 euros au titre de sa participation en sa qualité d'obligée alimentaire aux frais d'hébergement de sa mère à compter de la date d'admission de cette dernière à l'aide sociale, sauf à s'engager conjointement avec les autres obligés alimentaires à contribuer ensemble à ces frais à hauteur de 415 euros par mois.
Sur les conclusions tendant à ce que la Cour réduise le montant de la participation financière aux frais d'hébergement de Mme A... assignée à Mme B... :
8. En vertu du principe rappelé au point 5, il appartient au seul juge aux affaires familiales qui se trouverait saisi, le cas échéant, par Mme A... ou par le département, d'assigner à Mme B... le montant de sa participation financière aux frais d'hébergement de sa mère en EHPAD. Par suite, ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.
DÉCIDE :
Article 1er : La décision du 12 septembre 2017 de la commission départementale d'aide sociale de la Moselle, ainsi que la décision du 24 mai 2017 par laquelle le conseil départemental de la Moselle a enjoint à Mme B... de s'engager à verser chaque mois la somme de 270 euros au titre des frais d'hébergement de sa mère à compter de la date d'admission de cette dernière à l'aide sociale, sauf à s'engager conjointement avec les autres obligés alimentaires à contribuer ensemble à ces frais à hauteur de 415 euros par mois, sont annulées.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté comme porté devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au département de la Moselle.
Délibéré après l'audience du 24 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, président de chambre,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme D..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 octobre 2020.
Le rapporteur,
V. D...Le président,
H. VINOT
Le greffier,
C. POVSE La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20PA01004
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