Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 mars 2018 et 6 novembre 2018, M. D... B...E..., représenté par Me A...C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1800285/4-1 du 8 mars 2018 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de police du 13 décembre 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée, le préfet aurait dû mentionner les années pour lesquelles sa présence est remise en cause dès lors qu'il s'agit du fondement de sa demande ;
- la décision contestée est entachée d'un vice de procédure dès lors que la commission du titre de séjour n'a pas été saisie alors qu'il justifie de dix ans de présence habituelle en France ;
- il justifie de motifs exceptionnels et de circonstances humanitaires et il aurait dû ainsi se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, eu égard à la durée de sa présence sur le territoire français et à sa parfaite intégration à la société française.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 octobre 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens présentés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Larsonnier,
- et les observations de M. D...B...E....
Considérant ce qui suit :
1. M. D...B...E..., de nationalité égyptienne, relève appel du jugement du 8 mars 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 13 décembre 2017 refusant de lui délivrer un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant son pays de destination.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Il ressort des termes du jugement attaqué que les premiers juges ont estimé que M. D... B...E...ne justifiait pas résider habituellement en France au titre des seules années 2011 et 2013. Devant la Cour, le préfet de police ne conteste pas ce point. S'agissant de l'année 2011, le requérant verse toutefois au dossier sa carte individuelle d'aide médicale de l'Etat valable du 25 juillet 2011 au 24 juillet 2012, des relevés bancaires de janvier, avril, août, octobre et novembre 2011 mentionnant des mouvements, des ordonnances médicales des 1er mars 2011, 5 et 8 juillet 2011 sur lesquelles figure le cachet d'une pharmacie, un compte-rendu d'examen médical du 7 juillet 2011 et des courriers Solidarité transport des 29 juin et 9 décembre 2011. Il verse aux débats, au titre de l'année 2013, une feuille de soins en date du 30 mai 2013, trois relevés bancaires, deux factures d'hôtel des 12 mai 2013 et 20 juillet 2013 et sa carte individuelle d'aide médicale de l'Etat valable du 31 mai 2012 au 30 mai 2013. Dans ces conditions, et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. D...B...E...serait retourné en Egypte en 2014 afin d'obtenir le renouvellement de son passeport, celui-ci justifie résider habituellement en France depuis plus de dix ans à la date de la décision de refus de séjour contestée. En conséquence, M. D...B...E...est fondé à soutenir que le préfet de police était tenu de soumettre pour avis à la commission du titre de séjour sa demande de titre de séjour. Il s'ensuit que la décision refusant de délivrer un titre de séjour à M. D...B...E...doit être annulée. Il en est de même, par voie de conséquence, de la décision portant obligation de quitter le territoire français et de celle fixant le pays de destination, qui sont ainsi dépourvues de base légale.
3. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. D...B...E...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
4. Le présent arrêt, par lequel la Cour fait droit aux conclusions à fin d'annulation présentées par M. D...B...E..., n'implique pas, eu égard au motif d'annulation ci-dessus énoncé, que l'administration prenne une nouvelle décision dans un sens déterminé. Par suite, les conclusions du requérant tendant à ce que lui soit délivré un titre de séjour doivent être rejetées. Il y a seulement lieu d'enjoindre au préfet de police de statuer à nouveau sur la situation de l'intéressé en saisissant la commission du titre de séjour dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente de sa décision, une autorisation provisoire de séjour.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais d'instance que M. D...B...E...a exposés.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1800285/4-1 du 8 mars 2018 du Tribunal administratif de Paris et l'arrêté du préfet de police du 13 décembre 2017 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour présentée par M. D...B...E...en saisissant la commission du titre de séjour dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer dans l'attente de sa décision une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à M. D...B...E...une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D...B...E..., au ministre de l'intérieur et au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 6 décembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme Larsonnier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 20 décembre 2018.
Le rapporteur,
V. LARSONNIERLe président,
J. LAPOUZADE
Le greffier,
C. POVSELa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA01060