Par un jugement n° 1802847/8 du 16 mars 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 2 juillet 2018, et un mémoire en réplique, enregistré le 11 octobre 2018, M. B... A..., représenté par MeC..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1802847/8 du 16 mars 2018 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de police du 14 février 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de l'admettre au séjour au titre de l'asile dans un délai de 24 heures suivants la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pendant la durée de l'examen de sa demande d'asile ou, à titre subsidiaire, de réexaminer la situation de M. B...dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pendant la durée de l'examen, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocat, Me C..., au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement attaqué a omis de statuer sur le moyen tiré de l'inapplication du critère de l'article 16 du règlement UE n° 604/2013 ;
- la décision attaquée méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 16 du règlement n° 604/2013 dès lors que M. B...justifie d'une prise en charge familiale par son père ;
- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que le préfet n'a pas mis en oeuvre la clause discrétionnaire prévue à l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 ;
- elle méconnaît l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il souffre d'une pathologie grave, ce qui entraine un risque de traitement inhumain et dégradant.
Les parties ont été informées, le 26 septembre 2018, par application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de la caducité de la décision de transfert du fait de l'écoulement d'un délai de six mois depuis le jugement attaqué.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 octobre 2018, et un nouveau mémoire, enregistré le 28 novembre 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- le requérant ayant pris la fuite le délai de transfert a été prolongé jusqu'au 16 septembre 2019 ;
- les moyens présentés par M. B... A...ne sont pas fondés.
M. B... A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 mai 2018 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement et du Conseil du 26 juin 2013,
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement et du Conseil du 26 juin 2013,
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne,
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991,
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
M. Luben a présenté son rapport au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., de nationalité malienne, a été reçu à la préfecture de police le 9 octobre 2017 afin de solliciter son admission au séjour au titre de l'asile, ses empreintes ont été relevées et une attestation de demande d'asile lui a été remise. Après consultation du fichier Eurodac, le préfet de police a demandé aux autorités espagnoles si elles acceptaient de prendre en charge la demande d'asile de M. B... A.... A la suite d'une décision explicite du 31 octobre 2017 d'acceptation de prise de charge des autorités espagnoles, le préfet de police a ordonné le transfert de M. B... A...en Espagne par l'arrêté contesté du 14 février 2018. L'intéressé relève appel du jugement du 16 mars 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 14 février 2018 ordonnant son transfert aux autorités espagnoles, responsables de sa demande d'asile.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. M. B... A...soutient que le jugement attaqué a omis de statuer sur le moyen tiré de l'inapplication du critère de l'article 16 du règlement UE n° 604/2013. Toutefois, M. B...A...s'est borné à soutenir devant les premiers juges qu'il avait rejoint son père en France et que la décision attaquée méconnaissait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il ne saurait être déduit de ces seules affirmations que M. B... A...entendait contester dans sa demande de première instance la méconnaissance de l'article 16 du règlement UE n° 604/2013 au motif d'une mauvaise application par le préfet des critères de détermination de l'Etat responsable. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'une omission à statuer.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 16 du règlement n°604/2013 : " lorsque, du fait d'une grossesse, d'un enfant nouveau-né, d'une maladie grave, d'un handicap grave ou de la vieillesse, le demandeur est dépendant de l'assistance de son enfant, de ses frères ou soeurs, ou de son père ou de sa mère résidant légalement dans un des États membres, ou lorsque son enfant, son frère ou sa soeur, ou son père ou sa mère, qui réside légalement dans un État membre est dépendant de l'assistance du demandeur, les États membres laissent généralement ensemble ou rapprochent le demandeur et cet enfant, ce frère ou cette soeur, ou ce père ou cette mère, à condition que les liens familiaux aient existé dans le pays d'origine, que l'enfant, le frère ou la soeur, ou le père ou la mère ou le demandeur soit capable de prendre soin de la personne à charge et que les personnes concernées en aient exprimé le souhait par écrit. ". Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
4. D'une part, M. B... A...fait valoir qu'il souffre d'un défaut d'acuité visuelle et qu'il est pris en charge par son père qui réside régulièrement sur le territoire français. Il produit un document du centre hospitalier national d'ophtalmologie présentant un diagnostic de dystrophie " bâtonnets-cônes " expliquant ses troubles de la vision nocturne. Toutefois, M. B...A...ne justifie ni du caractère de gravité notable de cette pathologie ni des liens qu'il entretenait avec son père dans son pays d'origine alors qu'il est constant que ce dernier réside en France depuis au moins 2013 et que M. B...A...n'est arrivé en France qu'en août 2017. Par suite, l'intéressé ne démontre pas qu'il remplit les conditions d'application de l'article 16 du règlement n° 604/2013 précité.
5. D'autre part, comme il vient d'être dit, la présence en France de M. B...A...était encore très récente à la date de l'arrêté contesté et celui-ci est célibataire et sans charge de famille. Par suite, nonobstant la circonstance que son père réside de manière régulière en France, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision ordonnant son transfert en Espagne a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations précitées une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement [...] ".
7. Dès lors que, comme il a été dit, la pathologie de M. B...A...ne présente pas un caractère de gravité notable, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas application de l'article 17 précité du règlement n° 604/2013.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".
9. Dès lors que M. B...A...ne démontre pas la gravité de sa maladie ni ne justifie qu'il ne pourra pas recevoir un traitement adapté à son état de santé en Espagne, il n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée méconnaîtrait l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées par son avocat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 6 décembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme Larsonnier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 20 décembre 2018.
Le rapporteur,
I. LUBENLe président,
J. LAPOUZADE
Le greffier,
C. POVSELa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA02252