Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 décembre 2017 et le 12 juillet 2018, la société EURL Securispace France Sis, représentée par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1600143 du 20 octobre 2017 du Tribunal administratif de Melun en tant qu'il rejette les conclusions à fin d'annulation de l'article 3 de la décision du ministre chargé du travail en date du 12 novembre 2015 refusant l'autorisation de licenciement sollicitée ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'article 3 de la décision du ministre chargé du travail en date du 12 novembre 2015 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement entrepris est entaché d'une erreur de fait quant à la date de présentation du pli convoquant le salarié à l'entretien préalable ;
- ce jugement comme la décision du ministre sont entachés d'erreur de droit, dès lors que la société a respecté le délai de cinq jours ouvrables entre la présentation du courrier de convocation du salarié à l'entretien préalable et la tenue de cet entretien.
Par un mémoire en défense enregistré le 23 janvier 2018, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par la société EURL Securispace France Sis ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à M.A..., qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Guilloteau,
- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société EURL Securispace Sis a demandé à l'inspection du travail l'autorisation de licencier M.A..., chef de site et représentant de section syndicale jusqu'au 20 janvier 2015. Par une décision du 22 avril 2015, l'inspectrice du travail a refusé d'autoriser ce licenciement. Par une décision du 12 novembre 2015, prise sur recours hiérarchique formé le 13 mai 2015, le ministre chargé du travail a, par un article 1er, retiré la décision implicite de rejet du recours hiérarchique, par un article 2, annulé la décision de l'inspectrice du travail et, par un article 3, refusé d'autoriser le licenciement de M. A..., au motif que le délai de convocation du salarié par son employeur avant l'entretien préalable au licenciement n'avait pas été conforme aux dispositions de l'article L. 1232-2 du code du travail. Par la présente requête, la société EURL Securispace Sis demande l'annulation du jugement du 20 octobre 2017 du Tribunal administratif de Melun en tant qu'il rejette ses conclusions à fin d'annulation de l'article 3 de la décision du ministre chargé du travail en date du 12 novembre 2015.
2. Aux termes de l'article L. 1232-2 du code du travail : " L'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable. / La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation. / L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation. ". Il en résulte que le salarié doit disposer d'un délai de cinq jours pleins pour préparer sa défense, de sorte que le jour de la remise de la lettre ne compte pas dans ce délai, non plus que le dimanche qui n'est pas un jour ouvrable. Par ailleurs, en cas de report à la demande du salarié de l'entretien préalable, ce délai court à compter de la remise de la lettre initiale de convocation.
3. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier daté du 21 janvier 2015, l'employeur de M. A...l'a convoqué à un entretien préalable à son licenciement, qui devait se tenir le 29 janvier 2015 mais qui a finalement eu lieu le lundi 2 février 2015, du fait du report demandé par le salarié. Il ressort de l'accusé de réception de la lettre recommandée et de la lettre du service clientèle de La Poste produits par la société requérante que le courrier de convocation a été présenté au domicile de M. A...le jeudi 22 janvier puis a été retiré par l'intéressé le lundi 26 janvier 2015. En regardant le délai prévu par l'article L. 1232-2 du code du travail comme n'ayant commencé à courir que le lendemain de la remise effective du pli, M. A...a, en tout état de cause, effectivement disposé du mardi 27 janvier au samedi 31 janvier 2015, qui est un jour ouvrable, de cinq jours pleins pour préparer sa défense avant l'entretien du lundi 2 février 2015.
4. Il résulte de tout ce qui précède que la société EURL Securispace France Sis est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté ses conclusions dirigées contre l'article 3 de la décision ministérielle du 12 novembre 2015 lui refusant pour ce motif l'autorisation de licenciement sollicitée.
Sur les frais liés à l'instance :
5. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l'EURL Securispace France Sis et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1600143 du 20 octobre 2017 du Tribunal administratif de Melun est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de l'EURL Securispace France Sis tendant à l'annulation de l'article 3 de la décision du ministre chargé du travail en date du 12 novembre 2015.
Article 2 : L'article 3 de la décision du 12 novembre 2015 du ministre chargé du travail est annulé.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à la société EURL Securispace France Sis au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société EURL Securispace France Sis, à M. C...A...et à la ministre du travail.
Délibéré après l'audience du 8 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- Mme Larsonnier, premier conseiller,
- Mme Guilloteau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 novembre 2018.
Le rapporteur,
L. GUILLOTEAULe président,
J. LAPOUZADELe greffier,
Y. HERBER La République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA03860