Par une décision du 29 novembre 2018, la commission départementale d'aide sociale du Lot a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 février 2019 et 25 août 2020, l'union départementale des associations familiales de l'Aveyron agissant au nom de Mme B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler la décision du 29 novembre 2018 de la commission départementale d'aide sociale du Lot rejetant le recours formé contre la décision du 13 mars 2018 du conseil départemental du Lot refusant l'admission de Mme B... au bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement à compter du 22 octobre 2017 et contre la décision du 12 avril 2018 rejetant le recours gracieux formé contre cette décision ;
2°) d'annuler les décisions des 13 mars et 12 avril 2018 du conseil départemental du Lot refusant l'admission de Mme B... au bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement à compter du 22 octobre 2017 et rejetant le recours gracieux formé contre la première décision.
Elle soutient que les ressources de Mme B... ne lui permettent pas de faire face à ses frais d'hébergement lesquels s'élèvent à 1 869,92 euros et depuis le 26 juin 2018 à 1 904,95 euros alors que ses ressources mensuelles étaient au 20 avril 2018 de 1 999,20 euros avec des dépenses mensuelles à déduire de 238,73 euros composées de frais de mutuelle et de frais de mesure de protection soit après déduction du minimum légal laissé à disposition de 1 674,42 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 avril 2019, le département du Lot, représenté par son président, conclut au rejet de la requête et à la confirmation de la décision de la commission départementale d'aide sociale du Lot du 29 novembre 2018.
Il soutient que Mme B... dispose de ressources personnelles suffisantes pour couvrir ses frais d'hébergement, il n'y a pas lieu de prendre en compte uniquement 90 % de ses ressources pour évaluer sa contribution dès lors qu'elle n'est pas éligible à l'aide sociale à l'hébergement et, par ailleurs, dans le calcul de ses ressources doivent être inclus 3 % du montant des capitaux qu'elle détient.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ;
- le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 ;
- le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... est hébergée depuis le 8 août 2017 au sein de l'EHPAD Sud " Le Ségala " Rulhe à Villefranche Rouergue. L'union départementale des associations familiales de l'Aveyron (UDAF 12) agissant en son nom en tant que tutrice a demandé au département du Lot la prise en charge au titre de l'aide sociale des frais de séjour de l'intéressée en qualité de personne âgée à compter du 22 octobre 2017. Une décision de rejet lui a été opposée le 13 mars 2018 compte tenu des " ressources de l'intéressée et de celles du ou des obligés alimentaires pendant la période de référence ". Le recours gracieux formé contre cette décision a été rejeté le 12 avril 2018 par le président du conseil départemental du Lot. Le recours formé par l'UDAF 12 contre les deux décisions précitées devant la commission départementale d'aide sociale du Lot a été rejeté le 28 décembre 2018, décision dont elle relève appel devant la Cour.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 29 novembre 2018 de la commission départementale d'aide sociale du Lot et des décisions des 13 mars et 12 avril 2018 du conseil départemental du Lot :
2. Aux termes de l'article L. 132-1 du code de l'action sociale et des familles : " Il est tenu compte, pour l'appréciation des ressources des postulants à l'aide sociale, des revenus professionnels et autres et de la valeur en capital des biens non productifs de revenu, qui est évaluée dans les conditions fixées par voie réglementaire ". Selon l'article L. 132-3 du même code : " Les ressources de quelque nature qu'elles soient à l'exception des prestations familiales, dont sont bénéficiaires les personnes placées dans un établissement au titre de l'aide aux personnes âgées ou de l'aide aux personnes handicapées, sont affectées au remboursement de leurs frais d'hébergement et d'entretien dans la limite de 90 %. Toutefois les modalités de calcul de la somme mensuelle minimum laissée à la disposition du bénéficiaire de l'aide sociale sont déterminées par décret. La retraite du combattant et les pensions attachées aux distinctions honorifiques dont le bénéficiaire de l'aide sociale peut être titulaire s'ajoutent à cette somme ". Selon l'article R. 132-1 du même code : " Pour l'appréciation des ressources des postulants prévue à l'article L. 132-1, les biens non productifs de revenu, à l'exclusion de ceux constituant l'habitation principale du demandeur, sont considérés comme procurant un revenu annuel égal à 50 % de leur valeur locative s'il s'agit d'immeubles bâtis, à 80 % de cette valeur s'il s'agit de terrains non bâtis et à 3 % du montant des capitaux ". Aux termes de l'article R. 231-6 du même code : " La somme minimale laissée mensuellement à la disposition des personnes placées dans un établissement au titre de l'aide sociale aux personnes âgées, par application des dispositions des articles L. 132-3 et L. 132-4 est fixée, lorsque l'accueil comporte l'entretien, à un centième du montant annuel des prestations minimales de vieillesse, arrondi à l'euro le plus proche. Dans le cas contraire, l'arrêté fixant le prix de journée de l'établissement détermine la somme au-delà de laquelle est opéré le prélèvement de 90 % prévu audit article L. 132-3. Cette somme ne peut être inférieure au montant des prestations minimales de vieillesse. ".
3. D'une part, il résulte de ces dispositions que les ressources à prendre en compte pour accorder ou refuser le bénéfice de l'aide sociale comprennent les revenus perçus par le demandeur, notamment ceux tirés du placement des capitaux qu'il détient. A défaut pour lui de faire fructifier ces derniers, l'administration calcule un revenu forfaitaire, représentant les intérêts susceptibles d'être perçus, qui s'ajoute aux revenus effectivement perçus. En revanche, n'a pas à être pris en compte le montant des capitaux eux-mêmes, tant mobiliers qu'immobiliers, pour décider de l'admission ou non à l'aide sociale.
4. D'autre part, il résulte de ces dispositions que les personnes âgées hébergées en établissement au titre de l'aide sociale doivent pouvoir disposer librement de 10 % de leurs ressources et que la somme ainsi laissée à leur disposition ne peut être inférieure à 1 % du minimum vieillesse. Ces dispositions doivent être interprétées comme devant permettre à ces personnes de subvenir aux dépenses qui sont mises à leur charge par la loi et sont exclusives de tout choix de gestion, telles que les sommes dont elles seraient redevables au titre de l'impôt sur le revenu. Il suit de là que la contribution de 90 % prévue à l'article L. 132-3 du code de l'action sociale et des familles doit être appliquée sur une assiette de ressources diminuée de ces dépenses. En outre, eu égard aux exigences résultant du onzième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, auquel se réfère le Préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 en vertu duquel la nation garantit à tous la protection de la santé, les dispositions du code de l'action sociale et des familles doivent être interprétées comme imposant également de déduire de cette assiette soit la part des tarifs de sécurité sociale restant à la charge des assurés sociaux du fait des dispositions législatives et réglementaires et le forfait journalier prévu par l'article L. 174-4 du code de la sécurité sociale soit les cotisations d'assurance maladie complémentaire nécessaires à la couverture de ces dépenses.
5. Enfin, il résulte des dispositions combinées des articles L. 132-3 et R. 231-6 du code de l'action sociale et des familles que les établissements qui assurent à la fois l'hébergement et l'entretien des personnes âgées doivent fournir à ce titre l'ensemble des prestations d'administration générale, d'accueil hôtelier, de restauration, d'animation de la vie sociale de l'établissement et les autres prestations et fournitures nécessaires au bien-être de la personne dans l'établissement, dès lors qu'elles ne sont pas liées à son état de santé ou à son état de dépendance. Lorsqu'une personne âgée se voit demander d'acquitter elle-même des dépenses d'entretien qui devraient trouver leur contrepartie dans le tarif de l'établissement, il y a lieu, par suite, de déduire ces dépenses de l'assiette de la contribution exigée de l'intéressée en application des dispositions précitées.
6. Il résulte de l'instruction que le coût de l'hébergement de Mme B... au sein de l'EHPAD précité est de 1 809,60 euros par mois à la date de sa demande en prenant une base de calcul de 30 jours et en application des arrêtés n° A 17 S 0203 du 16 2017 et n° A 17 S 0131 du 12 mai 2017 un tarif journalier hébergement à 54,29 euros et dépendance à 22,39 euros, dont seul un montant de 6,03 euros doit être pris en compte correspondant au reste à charge après déduction de l'allocation personnalisée d'autonomie. Quant à ses ressources, il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que soutient le département du Lot en défense, la contribution de 90 % prévue à l'article L. 132-3 du code de l'action sociale et des familles doit être appliquée sur une assiette de ressources diminuée des dépenses exclusives de tout choix de gestion, telles qu'en application des principes précités les sommes mensuelles dont Mme B... était redevable au titre de ses frais de mutuelle de 97,67 euros et de tutelle de 41,06 euros soit un total de 138,73 euros. Les ressources mensuelles de Mme B... composées de sa retraite principale de 1 064,35 euros, de ses deux retraites complémentaires d'un montant respectif de 254,93 euros et de 135,87 euros, de 540 euros qu'elle perçoit de ses obligés alimentaires et de 4,05 euros d'intérêts de son livret d'épargne populaire de 1 381,22 euros par mois s'élèvent donc à 1 999,20 euros. En effet, il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que soutient le département du Lot en défense, seuls doivent être pris en compte les intérêts de ce livret d'épargne populaire et non un pourcentage de 3 % des capitaux placés dès lors qu'il ne s'agit pas en l'espèce d'un bien non productif de revenus au sens de l'article R. 132-1 du code de l'action sociale et des familles. Les ressources de Mme B... doivent, par suite, être diminuées des dépenses exclusives de tout choix de gestion précitées correspondant à 138,73 euros, soit 1 860,47 euros. Après déduction de la somme laissée à disposition en application de l'article L. 132-3 du code de l'action sociale et des familles, les ressources de Mme B... au titre de l'aide sociale sont ainsi de 1 674,42 euros. Par suite, dès lors qu'il résulte en l'état de l'instruction que les frais d'hébergement de Mme B... qui s'élèvent à 1 809,60 euros par mois dans l'établissement précité ne sont pas couverts par ses ressources propres de 1 674,42 euros après déduction du minimum légal laissé à disposition, son état de besoin pour régler ses frais d'hébergement est établi de sorte qu'il y a lieu de prononcer son admission à l'aide sociale à hauteur du déficit de ressources constaté par rapport à ses frais d'hébergement, déficit qui devra être pris en charge à compter du 22 octobre 2017 par le département du Lot après calcul par ce dernier du montant de ce déficit en fonction de l'ensemble des éléments dont il dispose et sur la base des motifs du présent arrêt.
7. Par suite, l'UDAF 12 agissant au nom de Mme B... est fondée, d'une part, à soutenir que c'est à tort que, par la décision contestée du 29 novembre 2018, la commission départementale d'aide sociale du Lot a rejeté son recours et, d'autre part, à demander l'annulation de la décision du 13 mars 2018 du conseil départemental du Lot refusant l'admission de Mme B... au bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement à compter du 22 octobre 2017 et de la décision du 12 avril 2018 rejetant le recours gracieux formé contre la première décision.
DÉCIDE :
Article 1er : La décision du 29 novembre 2018 de la commission départementale d'aide sociale du Lot rejetant le recours formé contre la décision du 13 mars 2018 du conseil départemental du Lot refusant l'admission de Mme B... au bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement à compter du 22 octobre 2017 est annulée.
Article 2 : La décision du 13 mars 2018 du conseil départemental du Lot refusant l'admission de Mme B... au bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement en qualité de personne âgée à compter du 22 octobre 2017 et la décision du 12 avril 2018 rejetant le recours gracieux formé contre la première décision sont annulées.
Article 3 : Mme B... est admise au bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement à compter du 22 octobre 2017 et sous réserve de changement dans les circonstances de fait ou de droit s'agissant de la période postérieure à la date de la notification du présent arrêt.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'union départementale des associations familiales de l'Aveyron agissant au nom de Mme C... B..., au département du Lot et au ministre des solidarités et de la santé.
Délibéré après l'audience du 3 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, président de chambre,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme A..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 septembre 2020.
Le rapporteur,
A. A...Le président,
H. VINOT
Le greffier,
Y. HERBERLa République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la psrésente décision.
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N° 19PA00729