Procédure devant la Cour :
I. Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 24 août 2020, 13 et 15 février 2021, sous le n°20PA02416, la société Smart Pegasus, représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°1805259 du 18 juin 2020 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 18 janvier 2018 du ministre de l'économie et des finances qui lui a imposé une mesure de gel de ses fonds et ressources économiques et lui a interdit la mise à disposition, directe ou indirecte, et l'utilisation de fonds ou ressources économiques à son bénéfice pour une durée de 6 mois ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté attaqué est entaché d'un défaut de motivation en fait ;
- la matérialité des faits qui lui sont reprochés n'est pas établie ;
- le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit en ce qu'il met à sa charge la preuve de démontrer que les faits allégués par la note blanche sont faux ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 janvier 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société Smart Pegasus ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 14 janvier 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 février 2021 à 12h.
Un mémoire a été enregistré le 6 avril 2021 pour le ministre de l'économie, des finances et de la relance, après la clôture de l'instruction.
II. Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 24 août 2020, 13 et 15 février 2021, sous le n°20PA02418, la société Smart Pegasus, représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°1905382 du 18 juin 2020 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 18 janvier 2019 du ministre de l'économie et des finances qui lui a imposé une mesure de gel de ses fonds et ressources économiques et lui a interdit la mise à disposition, directe ou indirecte, et l'utilisation de fonds ou ressources économiques à son bénéfice pour une durée de 6 mois ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté attaqué est entaché d'un défaut de motivation en fait ;
- la matérialité des faits qui lui sont reprochés n'est pas établie ;
- le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit en ce qu'il met à sa charge la preuve de démontrer que les faits allégués par la note blanche sont faux ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 janvier 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société Smart Pegasus ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 14 janvier 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 février 2021 à midi.
Un mémoire a été enregistré le 6 avril 2021 pour le ministre de l'économie, des finances et de la relance, après la clôture de l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la résolution 1540 (2004) du Conseil de sécurité des Nations unies du 28 avril 2004 ;
- la décision 2013/255/PESC du Conseil de l'Union Européenne du 31 mai 2013 concernant les mesures restrictives à l'encontre de la Syrie ;
- la décision d'exécution PESC du Conseil du 25 septembre 2017 mettant en oeuvre la décision 2013/255/PESC du Conseil de l'Union Européenne du 31 mai 2013 concernant les mesures restrictives à l'encontre de la Syrie ;
- le code monétaire et financier ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., avocat de la société Smart Pegasus.
Considérant ce qui suit :
1. La société Smart Pegasus a été créée le 9 décembre 2014 et son capital social est réparti entre trois associés dont M. D... qui détient 30 % du capital. L'activité principale de la société est l'import-export de divers produits notamment des diodes électroluminescentes, des panneaux solaires, des chaussettes et du linge de corps. M. D... dirige également le groupe Electronic D... Group (EKT) officiellement spécialisé dans la vente et la revente de biens électroniques grand public. La société Smart Pegasus a déposé deux marques commerciales auprès de l'institut national de la propriété industrielle, " Lumière Élysées " et " Smart Green Power ". Sur le fondement des dispositions des articles L. 562-3 et suivants du code monétaire et financier, le ministre de l'économie et des finances a pris un premier arrêté le 18 janvier 2018 à l'encontre de la société Smart Pegasus imposant une mesure de gel de ses fonds et ressources économiques et interdisant la mise à disposition, directe ou indirecte, et l'utilisation de fonds ou ressources économiques à son bénéfice pour une durée de 6 mois. La société Smart Pegasus demande l'annulation de cet arrêté puis d'un second en date du 18 janvier 2019, publié au Journal officiel de la République française du 20 janvier 2019 suivant renouvelant pour une nouvelle durée de six mois, le gel de ses avoirs qui avait déjà été renouvelé une première fois par un arrêté du 20 juillet 2018. La société Smart Pegasus a demandé au tribunal administratif de Paris l'annulation des arrêtés des 18 janvier 2018 et 18 janvier 2019. Ses demandes ont été rejetées par les jugements n°s 1805259 et 1905382 du 18 juin 2020 du tribunal administratif de Paris dont elle relève appel par les requêtes
n°s 20PA02416 et 20PA02418.
2. Il y a lieu de joindre les requêtes de la société Smart Pegasus enregistrées sous les numéros 20PA02416 et 20PA02418, qui tendent respectivement à l'annulation de deux arrêtés ayant la même finalité et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre et de statuer par le même arrêt.
Sur le bien-fondé des arrêtés contestés :
3. En premier lieu, la société Smart Pegasus n'apporte en cause d'appel aucun élément nouveau ou déterminant au soutien de son moyen tiré de l'insuffisance de motivation des arrêtés des 18 janvier 2018 et 18 janvier 2019 contestés. Dès lors, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 3 des jugements n°s 1805259 et 1905382 du 18 juin 2020.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 562.3 du code monétaire et financier : " Le ministre chargé de l'économie peut décider, pour une durée de six mois, renouvelable, le gel des fonds et ressources économiques :1° Qui appartiennent à, sont possédés, détenus ou contrôlés par des personnes physiques ou morales, ou toute autre entité qui commettent, tentent de commettre, facilitent ou financent des actions sanctionnées ou prohibées par les résolutions adoptées dans le cadre du chapitre VII de la charte des Nations unies ou les actes pris en application de l'article 29 du traité sur l'Union européenne, y participent ou qui sont désignées par ces résolutions ou ces actes".
5. D'une part, il ressort des pièces du dossier que les arrêtés contestés décidant le gel des avoirs de la société Smart Pegasus sont fondés sur le contenu des notes blanches qui ont été produites par le ministre de l'économie, des finances et de la relance, qui ont été soumises au contradictoire et qui constituent un moyen de preuve devant le juge administratif tout en permettant aux personnes concernées d'apporter tous éléments tendant à établir que les faits indiqués dans ces documents sont erronés. Si ces notes ne comportent aucune indication quant à leur auteur ou le service qui les a établies, aucun élément au dossier ne permet de douter de ce que, comme le fait valoir le ministre, ces notes ont été rédigées par les services de renseignements compétents du ministère de l'intérieur qui les ont ensuite transmises au ministre de l'économie, des finances et de la relance. La circonstance que le ministre de l'économie, des finances et de la relance ne figure pas au nombre des personnes autorisées par l'article R. 811-1 du code de la sécurité intérieure est sans incidence dès lors que le ministre n'allègue d'aucune façon qu'il serait l'auteur de ces notes.
6. D'autre part, ces notes blanches indiquent que la société Smart Pegasus relève d'un groupe de sociétés " affiliées " au groupe D... Trading (EKT) comprenant également deux marques déposées " Smart Green Power " et " Lumière Elysées " qui est " devenu l'un des principaux fournisseurs depuis 2015 du Centre d'études et de recherches scientifiques syrien (CERS) en biens entrant dans la fabrication d'armes de destruction massive ", organisme ayant fait l'objet de mesures de gel et d'interdiction depuis 2011 par le conseil de l'Union européenne. Les notes blanches ajoutent que les fondateurs et personnels dirigeants du " groupe EKT s'appuient sur un ensemble de facilitateurs et transitaires complaisants au Liban et en Syrie afin de financer l'acquisition et de fluidifier la logistique des opérations de fournitures du CERS ", les sociétés impliquées étant les sociétés " ABC Shipping Go ", " Golden star Co " et " Smart Logistic Off Shore " et qu'ils agissent tous consciemment pour le compte de, ou sur instruction, du CERS. Ainsi ces notes, quand bien même elles ne comportent pas de précision sur des opérations de production, d'intermédiation, d'opération financière ou commerciale de la part de la société requérante ou de son dirigeant au profit de fournisseurs en lien avec l'Etat syrien, comportent des faits suffisamment précis et concordants.
7. Pour contester ces faits, la société Smart Pegasus se borne à soutenir qu'elle ne saurait être qualifiée de filiale de la société EKT au motif que M. Amir D..., président du groupe EKT, ne détient que 8 des 30 parts de la requérante, soit 26,66 % , alors d'ailleurs qu'elle n'apporte aucune précision sur les droits attachés à ces part, que son gérant statutaire et effectif est Monsieur A..., et que l'administration des douanes n'a pas émis d'observations sur ses opérations d'importations ou d'exportations sur le territoire de l'Union européenne. Elle ne saurait être regardée comme apportant ainsi des éléments suffisamment précis et probants pour admettre que les faits précités, énoncés dans les notes blanches, seraient erronés.
8. De plus, les notes blanches précisent qu'au " printemps 2016, la société EKT a ainsi acheté à des fournisseurs chinois par l'intermédiaire de société affiliées, des produits chimiques listés tels que l'hexamine et l'isopropanol utilisés par le CERS dans la synthèse de toxiques de guerre ", " produits interdits à la vente, fourniture, transfert ou export vers la Syrie ". Enfin, la dernière note blanche produite par le ministre précise que le groupe EKT et la société Electronic système group, l'une de ses sociétés affiliées, ont poursuivi leurs activités commerciales au bénéficie du CERS en dépit des sanctions prononcées à leur encontre depuis les premières mesures de gel initiées en janvier 2018 et que M. D..., directeur de la société EKT " a créé plusieurs sociétés écrans et a progressivement mis en oeuvre une stratégie de dissimulation d'acquisition des biens auprès de fournisseurs étrangers, notamment européens ". Ainsi ces notes comportent encore des faits suffisamment précis et concordants.
9. Pour contester ces faits, la société Smart Pegasus se borne à faire valoir que le ministre de l'économie, des finances et de la relance ne fait état d'aucun fait survenu depuis 2018 qui aurait conforté ses accusations, qu'il s'est abstenu de saisir le Parquet sur le fondement de l'article 40 du code de procédure pénale et qu'au contraire elle-même a déposé plainte pour dénonciation calomnieuse entre les mains du Doyen des Juges d'instruction du tribunal judiciaire de Paris. Cependant, elle n'apporte pas d'éléments circonstanciés de nature à démontrer que les faits concordants et suffisamment circonstanciés figurant dans cette dernière note blanche, seraient erronés. En l'absence de tels éléments, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré, sans entacher les jugements attaqués ni d'erreur de fait ni d'erreur de droit, contrairement à ce que soutient la société requérante, que les arrêtés contestés des 18 janvier 2018 et 18 janvier 2019 étaient matériellement fondés.
10. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que les arrêtés en litige seraient entachés d'une erreur d'appréciation.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la société Smart Pegasus n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements n°s 1805259 et 1905382 du 18 juin 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 18 janvier 2018 et du 18 janvier 2019 du ministre de l'économie et des finances. L'ensemble des conclusions des requêtes d'appel n°s 20PA02416 et 20PA02418 de la société Smart Pegasus doit dès lors être rejeté.
DÉCIDE :
Article 1er : Les requêtes n°s 20PA02416 et 20PA02418 de la société Smart Pegasus sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Smart Pegasus et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 15 avril 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, président de chambre,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme B..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 avril 2021.
La présidente de la 8ème chambre,
H. VINOT
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°S 20PA02416, 20PA02418