Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 24 mai 2017 et 14 juin 2018, La Poste, représentée par la SCP Hermexis, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1503389 du 4 avril 2017 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Melun ;
3°) de mettre à la charge de M. A...la somme de 2 500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa décision du 4 mars 2015 n'est pas entachée d'un vice de procédure en l'absence du rapport du médecin de prévention et de transmission du constat d'huissier de la vidéosurveillance et de l'avis de la commission de réforme à M. A...; elle est suffisamment motivée ;
- elle n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, l'accident du 8 octobre 2014 ne peut être imputable au service, dès lors que les faits étaient matériellement inexacts ; l'accident est directement imputable à une faute personnelle de M. A...et est donc détachable de l'exercice des fonctions.
Par mémoire en défense, enregistré le 5 juin 2018, M.A..., représenté par
MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de La Poste la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par La Poste ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
- la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de La Poste et de France Télécom ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires ;
- le décret n° 90-1111 du 12 décembre 1990 portant statut de La Poste ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Stoltz-Valette, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public,
- et les observations de Me Migault, avocate de La Poste.
Une note en délibéré, enregistrée le 25 janvier 2019, a été présentée par La Poste.
Considérant ce qui suit :
1. M. B...A..., fonctionnaire de La Poste, exerce les fonctions d'agent rouleur à la plateforme de préparation et de distribution du courrier de Créteil. Le 8 octobre 2014 il a eu une altercation avec son responsable hiérarchique. Par courrier du 12 novembre 2014,
M. B...A...a sollicité de son employeur l'imputabilité au service de son accident du 8 octobre 2014 et le bénéfice de la protection fonctionnelle. Par une décision du 4 mars 2015, la Poste a, sur la base de l'avis défavorable émis le 10 décembre 2014 par la commission de réforme de Paris, refusé de reconnaître cet accident comme imputable au service. La Poste relève appel du jugement du 4 avril 2017 par lequel le Tribunal administratif de Melun a annulé cette décision.
2. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dument constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions (...). / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de prendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entrainés par la maladie ou l'accident ".
3. Un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet événement du service le caractère d'un accident de service. Il appartient au juge administratif, saisi d'une décision de l'autorité administrative compétente refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'un tel événement, de se prononcer au vu des circonstances de l'espèce.
4. Il ressort des pièces du dossier que le 8 octobre 2014, à 12h45, sur son lieu de travail, M. A...a eu une altercation avec son supérieur hiérarchique, lequel l'a poussé contre une structure métallique. Cet accident est par ailleurs attesté par deux collègues présents sur place. Le certificat médical initial établi le 8 octobre 2014 à 15h14 par le docteur Brami du service des urgences du centre hospitalier universitaire Henri Mondor à Créteil, indique que l'examen médical révèle une contusion de l'épaule gauche avec déficit de la mobilité active en ante et abduction à 90°, une douleur à la palpation du moignon de l'épaule, une douleur à la mobilisation de la hanche droite et une douleur à la palpation des muscles paravertébraux gauches cervicaux, entraînant un arrêt de travail de quatre jours. Le certificat du 20 octobre 2014, qui fait suite à une échographie effectuée le 10 du même mois, mentionne que M. A...souffre d'une tendinopathie à l'épaule gauche et d'une anxiété suite à une agression dans le cadre du travail, conduisant à la prolongation de son arrêt de travail du 20 octobre au 9 novembre 2014 inclus.
5. Si La Poste soutient que le visionnage des bandes de vidéosurveillance des lieux de l'agression, constaté par un huissier, révèle une absence de gêne et de difficultés de
M. A...pour se déplacer à la suite de l'agression, qu'il n'a en outre pas évoqué de problèmes physiques liés à cet accident lors de son entretien avec le directeur de l'établissement qui s'est déroulé à 13h le jour des faits et qu'un délai de quarante-cinq minutes s'est écoulé entre l'agression et la déclaration d'accident de service par M.A..., ces éléments ne permettent pas de contredire l'existence des lésions constatées quelques heures après par le service hospitalier, ni d'établir l'absence de pathologie résultant de l'agression. Si la Poste soutient que la tendinopathie dont souffre M A...pourrait avoir une autre origine, elle ne produit aucun document de nature à confirmer ses allégations, alors qu'il est constant qu'elle n'a fait diligenter aucune contre expertise médicale. La circonstance que l'intéressé s'est prétendu victime d'un accident de service le 16 juillet 2015 n'est pas davantage de nature à corroborer les allégations de la Poste. Si, par son comportement, MA..., une nouvelle fois en retard pour prendre son travail, est à l'origine du conflit qui l'a opposé à son supérieur hiérarchique, c'est bien son supérieur hiérarchique qui l'a agressé. Dans ces conditions, La Poste n'est pas fondée à soutenir que M. A...aurait commis une faute personnelle. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, l'existence d'un lien direct et certain, par ailleurs non exclusif, doit être reconnue entre la pathologie du requérant et le service, et plus particulièrement l'agression qui s'est déroulée le 8 octobre 2014. Par suite, La Poste, qui a pourtant accordé à M. A...le bénéfice de la protection fonctionnelle pour les mêmes faits par décision du 5 décembre 2014, a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en refusant de reconnaître comme imputable au service l'accident du 8 octobre 2014.
5. Il résulte de tout ce qui précède que La Poste n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a annulé sa décision.
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M.A..., qui n'est pas la partie perdante, au titre des instances de premier ressort et d'appel, le versement de la somme que demande La Poste à ce titre. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. A...présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de La Poste est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de M. A...présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société La Poste et M. B...A....
Délibéré après l'audience du 24 janvier 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- M. Dalle, président assesseur,
- Mme Stoltz-Valette, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 7 février 2019.
Le rapporteur,
A. STOLTZ-VALETTELe président,
C.JARDIN
Le greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA01782