Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 26 juillet 2018, M. B..., représenté par la SELARL M. L. D. C, demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1800097 du 25 avril 2018 du président du Tribunal administratif de la Polynésie française ;
2°) d'annuler la décision du 18 septembre 2017, l'arrêté n° 00776 PR du 23 octobre 2017 et l'avis du 15 décembre 2017 de la commission de recours du conseil supérieur de la fonction publique du territoire déclarant qu'il n'y a pas lieu de donner suite à sa requête ;
3°) d'enjoindre à la Polynésie française de le réintégrer dans ses fonctions dans un délai maximum de huit jours à l'issue de l'interdiction temporaire dont il fera l'objet.
Il soutient que :
- sa demande n'était pas tardive car le président de la Polynésie française lui a notifié l'avis du 15 décembre 2017 de la commission de recours du conseil supérieur de la fonction publique du territoire par un courrier du 16 janvier 2018 lui indiquant qu'il avait un délai de deux mois pour contester la décision prononçant sa révocation, indication à laquelle il s'est conformé en saisissant le Tribunal administratif de la Polynésie française le 16 mars 2018 ;
- la sanction disciplinaire qui lui a été infligée est disproportionnée au regard de la faute commise, de son comportement avant et après les faits réprimés par le juge pénal et de son caractère tardif.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 octobre 2018, la Polynésie française, représentée par la SCP de Chaisemartin, Doumic-Sellier, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, conclut au rejet de la requête et à ce que le versement la somme de 3 000 euros soit mis à la charge de M. B...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
Les parties ont été informées, par application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt de la Cour était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions de la requête de M. B...tendant à l'annulation de l'avis du 15 décembre 2017 de la commission de recours du conseil supérieur de la fonction publique du territoire, nouvelles en appel.
Par un mémoire, enregistré le 28 novembre 2018, M. B..., représenté par la SELARL M. L. D. C, présente ses observations sur le moyen communiqué.
Il soutient que :
- le fait qu'il n'ait pas demandé en première instance l'annulation de l'avis du 15 décembre 2017 est imputable à l'administration, qui ne l'a pas correctement informé de ses droits, et au Tribunal administratif, qui a mis fin prématurément à l'instance sans avertissement préalable ;
- le premier juge aurait dû regarder sa demande comme tendant également à l'annulation de l'avis du 15 décembre 2017.
Par un mémoire, enregistré le 30 novembre 2018, la Polynésie française, représentée par la SCP de Chaisemartin, Doumic-Sellier, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, présente ses observations sur le moyen communiqué.
Elle soutient qu'elle s'associe à ce moyen.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 modifiée portant statut d'autonomie de la Polynésie française ;
- la délibération n° 95-215 AT du 14 décembre 1995 portant statut général de la fonction publique du territoire de la Polynésie française ;
- la délibération n° 95-222 AT du 14 décembre 1995 relative à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires du territoire de la Polynésie française ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jardin,
- les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public,
- et les observations de Me de Chaisemartin, avocat de la Polynésie française.
Considérant ce qui suit :
Sur les conclusions dirigées contre l'avis du 15 décembre 2017 de la commission de recours du conseil supérieur de la fonction publique du territoire :
1. M. B...présente en appel des conclusions tendant à l'annulation de l'avis du 15 décembre 2017 de la commission de recours du conseil supérieur de la fonction publique du territoire. Contrairement à ce qu'il soutient, ses conclusions de première instance ne peuvent être regardées comme implicitement mais nécessairement dirigées contre cet avis, qui n'a qu'une portée consultative et ne s'est substitué à aucune décision de l'administration. La circonstance que l'administration ne l'a pas informé de l'existence d'une voie de recours contre cet avis n'est pas de nature à lui permettre de le contester pour la première fois en appel. Le premier juge, qui a rejeté sa demande sur le fondement du 4° de l'article R. 221 du code de justice administrative, n'était pas tenu de l'avertir préalablement de ce qu'il allait faire usage des pouvoirs dont ces dispositions investissent les présidents de tribunal administratif, de sorte qu'il ne peut utilement faire valoir que ce rejet, prématuré selon lui, l'a empêché de contester l'avis du 15 décembre 2017. Les conclusions dirigées en appel contre cet avis, nouvelles en appel, ne peuvent dès lors qu'être rejetées comme irrecevables.
Sur les autres conclusions à fin d'annulation :
2. En vertu de l'article 10 de la délibération n° 95-222 AT du 14 décembre 1995, un fonctionnaire du territoire de la Polynésie française ayant fait l'objet d'une sanction de révocation peut dans certains cas saisir la commission de recours du conseil supérieur de la fonction publique du territoire et l'administration doit lui communiquer à l'occasion de la notification de la sanction les informations de nature à lui permettre de déterminer s'il peut exercer cette voie de recours. Aux termes de l'article 17 de la même délibération : " Le délai du recours contentieux ouvert contre la décision prononçant la sanction disciplinaire est suspendu jusqu'à la notification, soit de l'avis de la commission de recours du conseil supérieur de la fonction publique de la Polynésie française déclarant qu'il n'y a pas lieu de donner suite à la requête qui lui a été présentée, soit de la décision définitive de l'autorité qui a pouvoir disciplinaire ".
3. Dans sa lettre du 18 septembre 2017 notifiant à M.B..., praticien hospitalier titulaire, la sanction de la révocation qui lui était infligée, le président de la Polynésie française lui a indiqué qu'il pouvait former un recours contentieux devant le Tribunal administratif de la Polynésie française dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision mais lui a également fait savoir que, conformément aux dispositions de l'article 10 de la délibération n° 95-222 AT du 14 décembre 1995, il avait la possibilité de saisir la commission de recours du conseil supérieur de la fonction publique dans le délai d'un mois. M.B..., qui a accusé réception le 29 septembre 2017 de la lettre du 18 septembre 2017, a choisi de ne pas saisir immédiatement le Tribunal administratif de la Polynésie française mais de faire usage de la voie de recours ouverte par cette délibération, en se fiant aux indications contenues dans cette lettre et aux dispositions de l'article 17 de la délibération, et a saisi la commission de recours du conseil supérieur de la fonction publique dans le délai d'un mois qui lui était indiqué.
4. A la suite de l'avis émis le 15 décembre 2017 par la commission de recours du conseil supérieur de la fonction publique, le président de la Polynésie française a informé M.B..., par une lettre du 16 janvier 2018, de ce que la commission de recours avait estimé qu'il n'y avait pas lieu de donner suite à sa requête et de ce qu'il avait la possibilité de former un recours contentieux devant le Tribunal administratif de la Polynésie française dans le délai de deux mois à compter de la notification de cette lettre. Cette indication était erronée au regard des dispositions de l'article 17 la délibération n° 95-222 AT du 14 décembre 1995 mais M. B...s'y est fié et n'a saisi le Tribunal administratif de la Polynésie française que le 16 mars 2018. L'indication erronée ainsi donnée au requérant a pour conséquence que seul le délai de deux mois qui lui a été indiqué dans la lettre du 16 janvier 2018 lui est opposable. C'est dès lors à tort que le président du Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant notamment à l'annulation de la décision du 18 septembre 2017 comme irrecevable en raison de sa tardiveté au regard du délai prévu par l'article 17 de la délibération n° 95-222 AT du 14 décembre 1995. Son ordonnance du 25 avril 2018 doit par suite être annulée.
5. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le Tribunal administratif de la Polynésie française pour qu'il statue à nouveau sur la demande de M.B....
Sur les frais liés à l'instance
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de M.B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
DÉCIDE :
Article 1er : Les conclusions de la requête d'appel de M. B...tendant à l'annulation de l'avis du 15 décembre 2017 de la commission de recours du conseil supérieur de la fonction publique du territoire sont rejetées.
Article 2 : L'ordonnance n° 1800097 du 25 avril 2018 du président du Tribunal administratif de la Polynésie française est annulée.
Article 3 : L'affaire est renvoyée devant le Tribunal administratif de la Polynésie française.
Article 4 : Les conclusions de la Polynésie française présentées au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et à la Polynésie française.
Délibéré après l'audience du 24 janvier 2019 , à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- M. Dalle, président assesseur,
- Mme Stoltz-Valette, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 7 février 2019 .
L'assesseur le plus ancien,
D. DALLELe président-rapporteur
C. JARDIN
Le greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA2542